Immobilier : l'Etat doit-il favoriser l'ancien plutôt que le neuf ?

Par Mathias Thépot  |   |  667  mots
Les politiques au pouvoir s'accommodent toujours parfaitement du discours des promoteurs immobiliers. Le secteur du bâtiment emploie en effet 1,4 million de salariés dans 13.000 entreprises, soit 16 % des entreprises du secteur marchand non agricole.
En France, 2,6 millions de logements sont vacants. Alors que les aides pour l'immobilier sont massivement dédiées au logement neuf, ne faudrait-il pas plutôt les réorienter vers la mobilisation et la rénovation du parc ancien, de fait bien plus conséquent ?

Si l'on exclut les prestations sociales dédiées, le budget de l'Etat alloué au logement est majoritairement dirigé vers le logement neuf, que ce soit en matière d'avantages fiscaux, de subventions d'investissements ou d'avantages de taux, trois postes qui pesaient en 2013 pour 20,6 milliards d'euros dans le budget de l'Etat, selon les Comptes du Logement, soit plus de la moitié de l'ensemble des aides au logement (40,8 milliards d'euros).

Mais l'Etat a-t-il réellement davantage intérêt à soutenir la construction et l'acquisition de logements neufs, plutôt que la mobilisation et la rénovation du parc ancien ? Certains, comme les promoteurs immobiliers, répondront sans surprise par l'affirmative. « Il y a un déséquilibre criant entre l'offre et la demande de logements. Le seul moyen d'y remédier, c'est de construire des logements neufs », estime François Payelle, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). La démographie croissante et l'inquiétante crise de la construction en France depuis 2011 pousse ainsi les pouvoirs publiques à maintenir leur soutien majoritaire au neuf.

Un non-sens quantitatif ?

Pourtant la question des soutiens publics à l'immobilier ancien mérite d'être posée à un moment où la précarité énergétique concerne 4 millions de ménages et le mal-logement 3,6 millions. Mettre le paquet sur le parc ancien, qui compte 34 millions de logements dont 2,6 millions sont vacants (sic), n'aurait rien d'illogique alors que « seulement » 300.000 à 400.000 logements sont construits chaque année.

« Le parc de logements existant représentera encore 90 % du parc dans 10 ans, et 80 % dans 20 ans ! », faisait remarquer Eric Alauzet, député EELV, lors des matinales de la construction et du Logement. Tout ceci bien évidement sur fond de transition énergétique. « La mobilisation du foncier bâti existant et la rénovation des bâtiments sont deux éléments déterminants de la politique de transition énergétique », rappelle Eric Alauzet. « Travailler sur l'ancien est un enjeu économique, social, environnemental et quantitatif ! », ajoute-t-il.

Les politiques dirigeants préfèrent le neuf

Eric Alauzet regrette ainsi que les promoteurs immobiliers « influencent et orientent les décisions politiques » vers le neuf. Il faut cependant être clair : les politiques au pouvoir s'accommodent toujours parfaitement du discours des promoteurs immobiliers. Le secteur du bâtiment emploie en effet 1,4 million de salariés dans 13.000 entreprises, soit 16 % des entreprises du secteur marchand non agricole.

Relancer le secteur de la construction, c'est souvent relancer l'emploi à court terme. D'où l'adage bien connu "quand le bâtiment va, tout va".  Les lobbys du bâtiment disent d'ailleurs souvent que construire un logement, c'est créer deux emplois. Ces arguments qui passent bien auprès des dirigeants politiques en recherche de chiffres à présenter à l'opinion publique.

Du reste, « il est plus complexe, moins concret en terme de résultats et globalement plus coûteux pour l'Etat de soutenir l'ancien que d'aider à la construction de nouveaux logements », explique Vincent Renard, économiste spécialiste du logement.

Mobiliser le parc vacant ?

Faudrait-il alors s'atteler à mobiliser le parc de logements vacants (2,6 millions d'unités selon l'Insee) ? Un raisonnement qui consisterait à dire que tout ces logements sont mobilisables serait trop simpliste. Car s'il est incontestable que des logements sont vacants dans des zones urbaines, d'autres le sont aussi dans des zones en déshérence, où personne ne veut habiter. « Nous sommes dans une phase d'urbanisation continue, et il se rajoute aujourd'hui à cela un phénomène de métropolisation dont la tendance semble aller vers des métropoles régionales. Il faut donc augmenter l'offre là où il y a des tensions », estime François Payelle.

Du reste, si l'on se concentre sur la vacance en zones urbaines, force est de constater que les pouvoirs publics, par le biais de politiques de taxation des propriétaires de logements vacants, n'ont jamais réellement trouvé la solution. Pour Vincent Renard, il faudrait que l'Etat tape encore plus fort. « Il faut que l'Etat taxe les logements vacants à leur valeur vénale », estime-t-il. De quoi provoquer l'ire des propriétaires bailleurs dans les centres urbains.