Immobilier : les étrangers, l'explication facile à la flambée des prix parisiens ?

Par Diane Lacaze  |   |  802  mots
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Découvrez aussi en exclusivité les nationalités qui achètent le plus dans la capitale.

Si les prix montent à Paris, c'est la faute des étrangers ! Voila l'explication toute faite et bien pratique pour justifier l'envolée des prix de 17,5% en 2010. Avec un prix au mètre carré qui a désormais franchi 8.000 euros.

L'argument est un peu simpliste car ces fameux étrangers ne représentaient au premier trimestre 2011 que 5,9% des transactions en volume et 6,4% en valeur, selon les notaires de Paris Ile-de-France. L'écart entre les deux chiffres s'expliquant par le fait que les étrangers sont plus présents sur le segment du haut de gamme.

Ce que confirme Charles-Marie Jottras, président du conseil en immobilier Daniel Féau, "sur un an, pour les logements de 4 à 10 millions d'euros à Paris, 50% des acquéreurs étaient des non-résidents. Et au-delà de 10 millions d'euros, la proportion passe à 85%. Sur ces segments-là, les étrangers "font" les prix". Thibault de Saint-Vincent, président de Barnes, constate même aujourd'hui la présence d'une "seconde génération" de non-résidents, qui ont acheté et revendu pour acheter un nouveau bien.

Mais de là à faire peser la hausse des prix sur les étrangers, il y a un pas que Jean-Philippe Roux, directeur de l'agence John Taylor à Paris, ne franchit pas : "certes, les étrangers payent, en moyenne, 25% plus cher que les Français. Mais ils n'achètent pas la même chose ni au même endroit. Ils veulent un grand appartement, une signature d'architecte et un emplacement comme le centre."

Sur les biens plus accessibles, l'influence des étrangers reste marginale en termes de volumes, d'après Gilles Ricour de Bourgies, président de la Fnaim Paris-Ile-de-France. Sébastien de Lafond, président de Meilleursagents.com, est plus catégorique : "ce ne sont certainement pas eux qui poussent les prix à la hausse". En effet, en 2011, la part des étrangers est inférieure à 10% dans quinze arrondissements sur vingt (voir illustration). Et, au premier trimestre 2011, le nombre de ventes a été considéré comme "non significatif" dans cinq arrondissements, selon les chiffres des notaires parisiens publiés en exclusivité par La Tribune. Si l'on regarde dans le détail des arrondissements, la corrélation entre hausses de prix et présence d'acheteurs étrangers n'a rien d'évidente. En 2010, c'est le XIIIème arrondissement qui a le plus augmenté. Mais il n'arrive qu'au treizième rang en termes de présence d'étrangers (5,5% des transactions). Inversement, le 1er arrondissement est en tête en nombre d'étrangers (16,4%), mais n'est que la quinzième hausse (16%). Cela n'a rien de surprenant : les étrangers se focalisent sur les beaux quartiers de la capitale, dont les prix progressent toujours moins vite que les arrondissements meilleur marché.

Les Italiens en vedette

L'autre surprise des analyses des notaires concerne les nationalités amoureuses de la ville lumière : ce sont les Italiens qui sont, dans chaque arrondissement, les plus représentés (voir ci-dessous) ! Seule exception dans le XIXème, où ils n'arrivent qu'à la deuxième place après les Chinois. Dans le IIe arrondissement, les Transalpins représentent même 48,7% des acheteurs non-résidents ! Viennent ensuite les Américains pour le VIIème arrondissement, les Britanniques dans le XIème, les Portugais dans le XVème, les Marocains dans le XVIème, les Allemands dans le 18ème arrondissement. Le phénomène n'a pas échappé à Maël Bernier, porte-parole du courtier Empruntis : "nos partenaires remarquent que la nationalité des acheteurs évolue. Les Italiens ont remplacé les Américains, car ils ont peur de l'instabilité chez eux, ils veulent un pays digne de confiance. Et, fiscalement, c'est plus intéressant pour eux."

Qui est le coupable...

Alors qui est le grand coupable de la hausse des prix parisiens ? "Le secondo-accédant !, répond sans hésitation Sébastien de Lafond. Il est prêt à acheter cher car il a vendu cher. C'est un marché de troc." Une idée largement reprise par Laurent Vimont, PDG de Century 21 : "les Parisiens alimentent eux-mêmes la hausse des prix. D'ailleurs, l'apport personnel moyen est de 21% au niveau national contre 41,4% à Paris." Certes, les primo-accédants restent présents - ils représentent toujours 67% des clients chez Meilleurtaux -, mais il s'agit surtout, selon Sandrine Allonier, responsable des études économiques du courtier, des acquéreurs CSP+, qui gagnent en moyenne 8.000 euros par mois à deux et disposent de 180.000 euros d'apport personnel.

Et à l'avenir ?

Encore faible, la part des non-résidents pourraient toutefois progresser fortement. Jusqu'ici, Européens et Américains sont prédominants, ainsi que les Russes sur la Côte d'Azur. Mais les Asiatiques et Sud-Américains pointent le bout de leur nez. "Les contraintes réglementaires, auparavant dissuasives notamment en termes de fiscalité, deviennent aujourd'hui un atout. Rentrer sur un marché organisé rassure l'investisseur étranger, d'autant que le projet de taxe sur l'immobilier pour les non-résidents a été abandonné", témoigne Gilles Ricour de Bourgies.