L'affaire du glyphosate, un cas d'école de désinformation

Par Gil Rivière-Wekstein  |   |  662  mots
Gil Rivière-Wekstein.
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) vient de classer le glyphosate comme « cancérogène probable ». Or, il n'y a aucune association entre l'usage du glyphosate et le développement de cancers, selon l'étude de l'Agricultural Health Study, l'une des plus vastes études épidémiologiques réalisées dans le monde agricole, puisqu'elle concerne 89.000 participants. Par Gil Rivière-Wekstein, fondateur du site d'information Agriculture et Environnement, coauteur avec Denis Corpet de "Panique dans l’Assiette - Ils se nourrissent de nos peurs" (mai 2017).

L'affaire autour du glyphosate, l'herbicide désormais le plus connu du monde, est stupéfiante. Tant par la virulence des prises de position de ses détracteurs que par les multiples rebondissements que connaît cette saga qui a commencé au printemps 2015. Dans sa nouvelle évaluation, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le produit comme « cancérogène probable ». Depuis, l'écolosphère s'est embarquée dans un combat sans merci contre cet herbicide, dont la faute originelle consiste à avoir été conçu et commercialisé par la firme américaine de Saint-Louis, Monsanto. Signée par plus d'un million de personnes, une pétition circule sur internet exigeant son interdiction.

Et pourtant, le glyphosate reste l'un des herbicides les moins toxiques encore disponibles pour les agriculteurs. Utilisé depuis plus de trente ans, il a largement fait ses preuves, et cela sous la vigilance constante et renouvelée des agences d'évaluation sanitaire du monde entier. Elles sont unanimes : le glyphosate n'est ni cancérogène, ni mutagène et il n'a aucun effet toxique sur la reproduction. C'est encore ce qu'a rappelé l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) dans un avis rendu le 15 mars 2017. Pour toute personne connaissant le mode d'action très particulier de cet herbicide - il bloque le processus de la photosynthèse chez les plantes -, il est aisé de comprendre pourquoi ce produit n'est pas vraiment le candidat idéal pour déclencher des maladies de type cancers. Dès lors, comment expliquer qu'une institution de renommée internationale comme le CIRC puisse se distinguer et faire « cavalier seul » ?

Une des plus vastes études jamais réalisées non prise en compte

Une partie du voile vient d'être levée par l'agence de presse britannique Reuters, qui a eu accès à la déposition d'Aaron Blair, le président du groupe de travail du CIRC en charge d'évaluer le glyphosate. Effectuée sous serment dans le cadre d'une procédure judiciaire en Californie, sa déposition révèle qu'une étude essentielle a tout simplement été écartée au motif que ses résultats - pourtant connus par Aaron Blair - n'étaient pas encore publiés.

Il s'agit des conclusions de l'Agricultural Health Study. Or, les auteurs ne trouvent aucune association entre l'usage du glyphosate et le développement de cancers, alors qu'il s'agit d'une des plus vastes études épidémiologiques réalisées dans le monde agricole, puisqu'elle concerne 89.000 participants - des travailleurs agricoles, agriculteurs et leurs familles de l'Iowa et de la Caroline du Nord. Interrogé par les avocats de Monsanto, Aaron Blair a reconnu que si ces conclusions avaient été prises en considération par les experts du CIRC, le classement du glyphosate aurait certainement été différent. Et il n'y aurait pas eu d'« affaire glyphosate ».

Pilonnage médiatique

Sauf qu'aujourd'hui il est difficile - sinon impossible - pour le CIRC de revenir sur sa décision sans perdre la face, et surtout sans apparaître comme disqualifiée aux yeux du grand public. En effet, les ONG hostiles au glyphosate ont gagné la bataille de l'opinion publique. Désormais, nous n'assistons plus à une simple querelle d'experts, mais à un véritable pilonnage médiatique judicieusement organisé par l'écolosphère, et ses relais, dont quelques journalistes « acquis à la cause ».

Il faudra donc un sacré courage aux responsables des pays européens - et en particulier au gouvernement français - pour soutenir la proposition de la Commission européenne, qui souhaite ne pas priver nos agriculteurs de cet herbicide, au profil toxicologique très favorable. C'est pourtant le choix le plus raisonnable au regard des éléments dont disposent nos décideurs. Notamment grâce aux documents tout récemment rendus public par Reuters.

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Par Gil Rivière-Wekstein, fondateur du site d'information Agriculture et Environnement, auteur de "Panique dans l'Assiette - Ils se nourrissent de nos peurs", aux Editions Le Publieur (mai 2017), 214 pages, 19 euros.