Ces députés qui cumulent les "centres d'intérêt"

Par Raphaël Courreges et François Roche  |   |  749  mots
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À l'heure où le débat sur le cumul des mandats anime les milieux politiques, La Tribune a recensé l'ensemble des mandats et fonctions exercés par les députés français. Seule une minorité d'entre eux n'exerce que le mandat de député. Mais cela ne signifie pas pour autant que les autres se rendent coupables de dispersion exagérée. À quelques exceptions près...

Au cours de la campagne pour les élections législatives, il fut beaucoup question du cumul des mandats. Et l'on sait désormais que les règles fixées par François Hollande seront plus strictes que par le passé. Le cumul n'est plus à la mode, et force est de reconnaître que le limiter peut ouvrir la voie à un renouvellement du personnel politique en France. Pour autant, il ne faut pas non plus brûler sans retenue ce que l'on a adoré voici peu.

Le fait qu'un député exerce son mandat, mais siège aussi dans des commissions parlementaires, n'est pas critiquable. Qu'il fasse partie de plusieurs dizaines de commissions ou de groupes d'amitié, comme c'est parfois le cas, est plus contestable. Mais, faut-il séparer définitivement le mandat de député de toute responsabilité exécutive dans une collectivité locale, qu'il s'agisse d'un mandat de maire ou d'un siège au conseil général ou régional ? Certains soutiennent en effet que le mandat de député est un mandat national et qu'il ne prédispose pas celui qui l'exerce à défendre les intérêts d'une collectivité ou d'un territoire, ce rôle étant en principe dévolu au Sénat. François Hollande lui-même est partisan de limiter le cumul du mandat parlementaire avec un seul mandat local, mais pas de responsabilités exécutives locales, ce qui risque de modifier beaucoup de situations, lorsque le député est aussi maire.

Aucun des grands pays démocratiques ne se trouve dans une situation semblable à la France

Dans un récent rapport sur la question, l'Institut Montaigne se prononce pour l'interdiction de cumuler tout mandat local, de quelque nature qu'il soit, avec un mandat de député, tout en précisant « qu'aucun des grands pays démocratiques, et quel que soit son système institutionnel, ne se trouve dans une situation semblable à la France en matière de cumul des mandats ». L'Institut Montaigne préconise que le non-cumul s'étende aux mandats non nationaux : mandat municipal, départemental ou régional. Quant au constitutionaliste Guy Carcassonne, il défend lui aussi l'idée que « la nation et les collectivités territoriales ont des intérêts qui peuvent être différents voire, à l'occasion, s'affronter ».

Les députés français qui n'exercent que ce seul mandat sont une minorité

Le chantier est immense. Le mener à bien implique de procéder à un vaste état des lieux et de mettre en lumière l'étendue des cumuls de toutes sortes de mandats. Car, lorsque l'on examine l'assemblée sortante, force est de constater que les députés français qui n'exercent que ce seul mandat sont une minorité. On n'en dénombre que trois sur quinze en alsace, aucun en aquitaine, un sur treize en auvergne, onze sur vingt-six en Bretagne, un sur quatorze en Champagne-Ardenne, deux sur dix-sept en Picardie, un sur vingt en Languedoc-Roussillon, huit sur soixante-dix-sept en Île-de-France, six sur trente dans les pays-de-Loire, quatre sur vingt-trois dans la région centre, sept sur trente-quatre dans le Nord-Pas-de-Calais, comme le montre le tableau que nous avons réalisé... ce recensement est éloquent, et encore, nous ne nous sommes intéressés qu'aux députés exerçant plus de trois mandats ou fonctions. Et la liste est néanmoins longue.

L'ensemble des systèmes de rémunération des élus doit être revu


Un exercice de clarification s'impose donc. Limiter le cumul des mandats de façon claire et drastique est une façon de redonner confiance aux citoyens dans l'exercice politique avec des femmes et des hommes concentrés sur un petit nombre de missions et de tâches. Par ailleurs, les électeurs sont, de plus, exigeants avec leurs élus, précisément en matière de disponibilité et d'attention aux problèmes qu'ils rencontrent. Tout le monde trouverait donc son compte à une réduction du nombre des mandats, sauf ceux qui y sont accrochés. Mais il y a une condition : que l'ensemble des systèmes de rémunération des élus soit lui aussi revu. Une revalorisation des indemnités versées aux élus locaux s'impose d'évidence. Faut-il attendre que cette question soit résolue pour mettre en ?uvre une politique de limitation des cumuls ? C'est risqué. Peut-être vaut-il mieux faire précéder la décision politique et faire suivre l'intendance...


Retrouvez le tableau des députés qui exercent plusieurs mandats ou fonctions