Nicole Bricq veut sortir le brevet unitaire européen de l'indifférence

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  659  mots
Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur, Copyright Reuters
Adopté il y a 10 jours, ce brevet devrait booster l'exportation des PME françaises en leur ouvrant, d'un coup d'un seul, un marché de 500 millions de personnes.

«Lorsqu?une start-up américaine démarre, fût-elle dans un garage, elle a immédiatement un marché de plusieurs dizaines de millions de prospects qui parlent la même langue et sont régis par les mêmes réglementations. Lorsqu'une PME française se lance avec le même produit, les mêmes brevets, et le même capital que sa petite s?ur américaine, elle est obligée d?aller immédiatement à l?exportation pour avoir les mêmes potentialités. Donc des langues et des réglementations différentes. Les deux logiques n?ont rien à voir ! Les stratégies de développement le sont donc également. Les PME françaises ont un problème de compétitivité. Pour atteindre le stade ETI elles doivent augmenter leurs fonds propres donc leurs marges (et cela, c?est l?exportation) et protéger leurs innovations». A côté de Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, Christian Brevard, le président de l?Institut Européen Entreprise et Propriété Intellectuelle, a expliqué à des chefs d?entreprise réunis à Bercy, l?apport du Brevet Unitaire Européen pour l?exportation des PME françaises. Et il y a du travail car, comme le dit Nicole Bricq, ce brevet a été «adopté dans une indifférence quasi générale en France» il y a dix jours. Pourtant c?est une mini révolution : un seul brevet, pas cher (5000 euros pour le dépôt et la maintenance, avec tous les frais de traduction dans 25 pays remboursés) et, grande nouveauté, une Cour Européenne des Brevets, juridiction unique qui engagera 25 Etats. Une institution que, selon Benoit Battistelli, le président français de l?Office Européen des Brevets, les Américains ont créé il y a 25 ans chez eux et qui a fait exploser les dépôts de brevets.

Le processus d?adoption du Brevet Unitaire Européen fut long ( l?Office Européen a été créé en 1973), n?est toujours pas vraiment complet (l?Espagne et l?Italie n?en font pas encore partie car aucun des deux pays n?a réussi à ce que sa langue soit langue officielle avec l?allemand, l?anglais et le français) mais il ouvre un marché de 500 millions de personnes aux PME des 25 pays concernés. Et en plus, son existence va permettre de modifier les rapports de force avec les Etats-Unis comme la Chine. «Plus nous serons en mesure de faire prévaloir nos méthodes européennes, plus l?environnement juridique nous sera favorable, plus les PME, par l?exportation, pourront dévenir des ETI», explique Benoit Battistelli. Les Etats-Unis ont déjà évolué sur leur conception du brevet en passant de leur traditionnel «le premier inventeur est le propriétaire du brevet» au plus européen «le premier qui dépose a gagné». «La Chine elle-même, a souligné Nicole Bricq, est en train de rechercher de plus grandes protections; nous avons là un enjeu énorme puisque la Chine aura en 2015, le statut d?économie de marché. La démarche du Brevet Unitaire Européen qui s?appuie sur un puissant moteur franco allemand est de celles qui préparent à cette échéance »

Et là il y a un enjeu colossal : les derniers chiffres de l?OEB montrent que la Chine a déposé en Europe cette année 3 fois plus de brevets que la France. Même la Corée a déposé plus de brevets que la France. Bien sûr les Américains sont toujours loin devant, mais, plus grave les pays non européens étaient détenteurs l?année dernière de 62% des brevets déposés en Europe. Seule l?Allemagne surnage (14% des brevets) et un peu la France (5%). Le Brevet Unitaire Européen devrait booster le moteur franco allemand, espère Nicole Bricq car les entreprises qui sont exportatrices sont aussi celles qui innovent (60% en France).