Les écoles d'ingénieurs face aux défis de l'innovation

Par Clarisse Jay  |   |  587  mots
28 % des polytechniciens font une thèse de doctorat.
Face à la désindustrialisation et à la mondialisation, ces formations doivent favoriser les pratiques innovantes.

Mondialisation, désaffection des jeunes pour les filières scientifiques et techniques, désindustrialisation... Autant de défis auxquels doivent répondre aujourd'hui les écoles d'ingénieurs françaises. Si le modèle spécifiquement français de ces dernières s'exporte bien, la question se pose de leur apport à l'innovation industrielle nationale alors que les ingénieurs chinois sont de plus en plus nombreux. C'était d'ailleurs le thème abordé ce jeudi à Paris par la 3e convention des doyens européens des formations en ingénierie.

"Si nous n'anticipons pas assez l'avenir, alors l'ingénierie ne sera plus à même de créer de l'innovation", a ainsi alerté Francesco Profumo, vice-président de l'association européenne des formations d'ingénieurs Caesar. Récemment,le président de l'université Pierre et Marie Curie (Paris 6), Jean-Charles Pomerol, s'inquiétait du fait que « la France manque d'ingénieurs pour assurer la bonne marche de sa production industrielle et de services technologiques".

"La France ne manque pas d'ingénieurs, nuance Julien Roitman, président du Conseil national des Ingénieurs et des scientifiques de France (CNISF). Les 213 écoles accréditées diplôment chaque année 31.500 ingénieurs dont 26.000 restent sur le marché du travail français. Ce qui correspond au nombre d'offres d'emplois." On compte environ 700.000 diplômés sur le marché du travail dont 500.000 exercent une activité d'ingénierie auxquels s'ajoutent autant occupant un métier d'ingénieur ou de cadre technique sans diplôme spécifique.

Innovation décentralisée et multiforme

Mais un récent rapport de l'Institut Montaigne rédigé par trois jeunes polytechniciens (issus de la promotion entrée en 2006) se veut plus alarmiste. Face au défi de la désindustrialisation, "comment former aujourd'hui les jeunes ingénieurs qui seront demain les acteurs des succès de la France ?" se demandent les auteurs, estimant qu'il "s'agit désormais de faire face à une innovation décentralisée et multiforme qui n'est plus le monopoles des grands programmes".

Pointant le faible taux d'ingénieurs titulaires d'un doctorat (4 %) et surtout de créations d'entreprises (5 %), le think tank libéral formule dix propositions "pour avoir les meilleurs ingénieurs de demain", parmi lesquelles la mise en place de modules "création d'entreprise", d'ateliers incubateurs de créativité dans les écoles ainsi que le développement de la présence physique des entreprises sur les campus.

Plan d'action

"Attention, modère Paul Jacquet, président de la conférence des directeurs d'écoles d'ingénieurs (CDEFI), 10 % des ingénieurs créent des entreprises aux Etats-Unis, mais la moyenne européenne est de 2 % à 3 %. La France n'est donc pas si mal placée." Selon lui, le soutien à l'innovation passe aussi par des liens plus étroits entre ingénieurs et PME via par exemple, la mise à disposition d'élèves ingénieurs pendant 6 mois autour de projets de fin d'études. De son côté, le CNISF a décidé de mettre en place avec Oséo un plan d'action pour promouvoir l'entreprenariat. "Il faudrait aussi se pencher sur la transmission d'entreprise", suggère Julien Roitman.

Quant à la recherche, certaines écoles affichent des taux honorables de thésards (25 % pour l'ensemble des grandes écoles du pôle ParisTech, 18 % à l'INP de Grenoble) même si les proportions sont bien plus élevées outre-Atlantique (31 % au MIT, 35 % à Stanford, 36 % à l'Imperial College...). Surtout, insiste Paul Jacquet, "s'il s'agit seulement de monter dans le classement de Shanghai, fondé sur le nombre de publications, cela n'a pas d'intérêt. Ce qui compte c'est la richesse du pays."