Comment ce printemps estival va jouer sur les prix des fruits et légumes

Par Marina Torre  |   |  730  mots
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Les températures élevées et le fort ensoleillement de ce début de printemps bouleversent les récoltes de fruits et légumes. La fin de saison risque d'arriver plus tôt, elle aussi, et les prix pourraient s'en ressentir.

Normalement, mai est le mois des fraises et du muguet, juin celui des cerises. Mais, cette année, dès le mois d'avril, fruits et fleurs ont mûri et poussé bien plus tôt que prévu en raison de la chaleur et de l'ensoleillement anormal pour la saison. Le beau temps a fait le bonheur des vacanciers, surtout pendant le week-end pascal. Mais les agriculteurs, eux, ont vu les choses d'un autre œil. La précocité des récoltes touche toutes les régions et, pour les primeurs, il risque de se concrétiser par des hausses de prix  - une fois les stocks vidés - elles aussi plus précoces qu'à l'ordinaire.

Mauvais temps pour les cerises

La cerise est particulièrement concernée. "Je vais commencer la récolte autour du 20 mai soit deux à trois semaines avant la date habituelle." raconte une productrice de cerises de Quenne, dans l'Yonne, l'un des principaux départements de production dans la moitié nord de la France. "Nous avons eu une période de froid en février et début mars. Du coup le fruit s'est mal formé et une partie est gachée." ajoute-t-elle. Du coup, les volumes produits seront moins importants que prévus. Guillaume Morvan, responsable des cerises à la chambre d'agriculture de l'Yonne confirme : "Le début de la floraison a été marqué par un temps maussade et frais qui n'a pas été favorable à la fécondation des fleurs par les abeilles. La fin a ensuite été bien meilleure. " 'Les prix vont flamber." conclut la productrice de cerises de Quenne.

Calculés à partir des cours du Sud de la France, notamment ceux observés dans le Vaucluse, le premier bassin national de production, le prix des cerises dépend aussi d'autres facteurs. "Le prix n'est pas uniquement dû à la météo. La qualité et la quantité des fruits importés compte aussi. Et puis est-ce que les récoltes du Nord et celles du Sud vont télescoper ? On ne peut pas le dire avant les récoltes. Certaines années les conditions sont réunies pour avoir des récoltes parfaites mais finalement ça se passe mal" note un agronome du Centre interprofessionnel des fruits et légumes de Saint-Rémy de Provence.

Fraises en stock

Pour la fraise, la situation est un peu différente. Cette baie qui pousse partout en Europe a surtout besoin de lumière. Dans le Lot-et-Garonne, où le soleil s'est montré nettement moins généreux qu'au dessus de la Loire, elle s'est faite rare. "Nous avons eu trois semaine de retard, mais le gros de la récolte est déjà passé, c'était mi-avril" indique une productrice de Marmande dont les fraises sont cultivées sous serre. En revanche, pour la fraise du Sud-Est, la gariguette qui pousse en plein champ est en avance d'une dizaine de jours : "Là, tout arrive en même temps. C'est en mai que les volumes vont diminuer" prévient Jean-Paul Charasse, responsable de la Confrérie de la fraise de Carpentras. Pour l'heure, la barquette est un peu moins onéreuse que l'an dernier indique la note conjoncturelle du ministère de l'Agriculture. En avril, elle coûte ainsi 5% de moins qu'en 2010 à la même période. Prendront donc le relais, les fraises importées d'Espagne, du Maroc... et d'Allemagne.

Asperges et muguet décalés

Même décalage pour les bottes d'asperges. "La production débute dans le Sud-Est et le Sud-Ouest, elle se poursuite dans le Centre et se termine en Alsace. Partout, elle est en avance. On essaie de la ralentir avec des plastiques pour freiner la pousse" explique Gregory Roy, responsable technique au CTIFL de Sologne. Selon ce dernier, les frigos sont pleins ce qui contribue à faire baisser les tarifs en ce moment. Mais, une fois la campagne terminée après 60 jours de récolte, là les prix risquent de grimper.

Enfin, symbole du printemps, le muguet subit lui aussi les conséquences de cette saison détraquée. Dans la région nantaise, l'un des premiers bassins de production, "la cueillette a débuté fin mars, beaucoup trop tôt" s'inquiète Régis Chevalier, de la fédération des maraîchers nantais. Le muguet doit donc être conservé en frigo, et ses clochettes égayent déjà les étals des fleuristes.