Plan de rigueur : les ménages paieront les deux tiers de la facture

Par Clarisse Jay  |   |  723  mots
La Tribune Infographie
Le plan d'austérité est moins équitablement réparti que ce qui avait été annoncé par le gouvernement. La répartition entreprises-ménages est d'un tiers-deux tiers.

Qui paiera le plan de rigueur ? Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse d'exprimer sa volonté de ne pas augmenter les impôts. À l'occasion de l'annonce du plan de rigueur, que les sénateurs devaient définitivement entériner jeudi après un vote conforme du texte adopté mercredi soir par l'Assemblée nationale (« La Tribune » du 8 septembre 2011), François Fillon a insisté sur la préoccupation du gouvernement en matière d'équité et présenté ses mesures comme renforçant « la justice fiscale et sociale ». Et la ministre du Budget Valérie Pécresse de renchérir lors de l'examen du collectif budgétaire au Parlement en mettant en avant « un effort équitablement réparti entre les entreprises et entre les ménages ». Selon Bercy, 45 % de l'effort du plan de rigeur « reposeront donc sur les entreprises et 37 % sur les ménages les plus aisés ». Pour autant, les mesures du plan de rigueur, dont les toutes premières ont été amendées par les parlementaires, n'épargnent pas tant que cela les consommateurs, et les épargnants pas toujours « aisés ». Les « riches » ne seront taxés qu'à hauteur de 200 millions, sur leurs revenus.

Certes, le lobbying actif - et fructueux - des députés contre la suppression de certaines niches a pu donner l'impression, concernant notamment la TVA sur les parcs à thème et l'abattement pour durée de détention des plus values immobilières, de prendre la défense des ménages. Certes, taxer à 2 % des nuitées d'hôtels au-delà de 200 euros touche surtout les touristes étrangers. Et les solutions trouvées par le rapporteur général du budget de l'Assemblée Gilles Carrez, telles l'application anticipée de la suppression du bénéfice mondial consolidé et du doublement de la quote-part sur les plus-values de titres détenus par les entreprises ou encore les droits d'enregistrement sur les cessions de parts de SCI vont peser en premier lieu sur les entreprises.

Ménages mis à contribution

Mais à regarder de plus près les conséquences de certaines mesures, les consommateurs au sens large devraient finalement être plus mis à contribution. À considérer comme les députés qui ont oeuvré contre la suppression de l'exonération des plus-values immobilières que les ménages propriétaires d'une résidence non principale ne sont pas tous aisés (héritages, achat en zone rurale faute de pouvoir acheter sa résidence secondaire...), cette mesure pèsera également sur une frange non privilégiée d'épargnants. Gilles Carrez lui-même s'était montré prudent dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative (avant modification), jugeant notamment utile de ne pas « empêcher certains ménages vivant dans des zones très tendues, et qui n'ont pas la possibilité de devenir propriétaire de leur résidence principale, de se constituer malgré tout un morceau d'épargne immobilière ». De même, la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus de l'épargne touche toutes les classes moyennes : qui défendra que les 20 millions de contrats d'assurance vie appartiennent tous à des « riches » ?

Dans un autre genre, la suppression de l'exonération partielle de la taxation des contrats de complémentaires santé (TSCA) dits « solidaires et responsables », présentée comme pesant sur les entreprises, devrait pénaliser les ménages, les mutuelles répercutant le plus souvent la charge sur leurs assurés (lire ci-contre). Jeudi matin encore, le ministre de la Santé Xavier Bertrand a « assumé » sur RTL cette mesure, préférable à la baisse du ticket modérateur. Selon lui, grâce à de moindres dépenses de santé, les mutuelles devraient pouvoir éviter d'augmenter leurs tarifs. Mais rien n'est moins sûr, et ces contrats représentent la quasi-totalité des contrats santé. Enfin, les dispositions concernant la santé publique et devant entrer en vigueur le mois prochain (augmentation de 6 % des prix du tabac) et en 2012 pour la hausse des prélèvements sur les alcools forts et la nouvelle taxation des boissons sucrées pénaliseront là encore les ménages. En fait, si l'on considère que la taxe sur les mutuelles touchera les ménages, la répartition des hausses d'impôt n'est pas vraiment en défaveur des entreprises, puisque celles-ci contribueraient à l'effort à hauteur d'un gros tiers seulement (voir graphique).