La TVA sociale, une idée de droite ou de gauche ?

Par Philippe Mabille  |   |  547  mots
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Défendue par Manuel Valls dans la primaire socialiste, la TVA sociale fait son grand retour le débat présidentiel.

En remettant sur la table le serpent de mer de la TVA sociale, mercredi, Manuel Valls a relancé une polémique vieille de cinq ans. Nicolas Sarkozy avait envisagé, en 2007, d'expérimenter cette piste, qui consisterait à financer une baisse des charges sociales sur le travail par une hausse de l'impôt sur la consommation. Le chef de l'État avait dû reculer sous la pression de la gauche, qui, habilement, avait accusé la droite de vouloir financer ses « cadeaux fiscaux » par une hausse de cinq points du taux de TVA. Une cinquantaine d'élus UMP auraient perdu leur siège de député à cause cette TVA qualifié « d'antisociale » par Laurent Fabius.

Sans surprise, Arnaud Montebourg, mais aussi Aubry et Royal ont donc vivement rabroué Valls mercredi, lui reprochant de défendre une mesure de droite, tandis que Hollande a gardé une prudente distance et parlé d'une « contribution écologique ». On le voit, la primaire socialiste, en s'échauffant, montre ses limites. Lors du débat précédent, le même François Hollande avait évoqué une baisse des cotisations sur le travail financée par une fiscalité écologique et... une taxation de la valeur ajoutée. Si ce n'est pas de la TVA sociale...

L'idée de basculer des cotisations patronales sur une assiette plus large que le seul travail ne tombe pourtant pas du ciel. L'Allemagne, dont on vante la réussite économique (avec un taux de chômage de 2,5 points inférieur à la France) l'a mis en oeuvre en 2007 et le Danemark en 1987.

On comprend bien pourquoi la gauche française est réticente. Il est communément admis que la TVA est un impôt dégressif, qui frappe plus les pauvres que les riches, étant entendu que les premiers consacrent une plus grande part de leurs revenus à la consommation. Certains économistes sont moins affirmatifs, soulignant que la structure de consommation des plus aisés rend la TVA presque neutre du point de vue fiscal.

De fait, si la France s'engageait sur la voie de la TVA sociale, elle pourrait très bien jouer sur l'existence de trois taux de TVA différents : un taux super réduit de 2,1 %, un taux réduit de 5,5 %, notamment dans l'alimentaire, et un taux normal de 19,6 %. Rien n'interdirait de moduler différemment la hausse pour immuniser le plus possible les ménages modestes voir de créer un taux supérieur pour les produits de luxe, qui existait avant sa suppression par Bérégovoy.

En outre, comme le recommandait un rapport commandé à Bercy en septembre 2007, on peut cibler les allégements de charges surtout sur les bas salaires, pour compenser les effets inflationnistes de la hausse de la TVA et protéger l'emploi. La même note faisait apparaître qu'une hausse de 9 milliards de la TVA contre une baisse des charges pourrait en net créer de 30.000 à 300.000 emplois, à condition de bien contrôler les comportements de marge des entreprises par un renforcement de la concurrence.

Alors, de droite ou de gauche, et sous réserve d'en changer le nom sulfureux (Valls parle de TVA Protection, à cause de ses effets sur le prix des importations), une telle mesure mérite sans doute d'être examinée un peu sérieusement et sans ostracisme ou démagogie d'ici 2012.