La rigueur entre en campagne

Par Clarisse Jay  |   |  691  mots
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Le Premier ministre a détaillé lundi son second plan de rigueur. 7 milliards d'euros d'efforts sont programmés en 2012 en plus des 11 milliards déjà prévus. En tout, 65 milliards d'ajustements supplémentaires sont visés pour 2016.

Contrairement à 2007, François Fillon a, comme le 24 août, employé le mot « faillite » sans craindre les foudres présidentielles. « Le mot "faillite" n'est pas abstrait », a prévenu le Premier ministre, lundi, en détaillant son second plan de rigueur en trois mois. Depuis que la France a réduit à 1 % sa prévision de croissance pour 2012, elle n'avait d'autre choix que de compléter les mesures de 11 milliards d'euros d'économies pour 2012 annoncées fin août pour tenir ses objectifs, d'autant plus « intangibles » qu'ils sont imposés par le traité de Maastricht. À savoir réduire le déficit public à 4,5 % du PIB en 2012, 3 % en 2013 et atteindre l'équilibre en 2016.

Le nouveau train de mesures prévoit un « effort supplémentaire » de 65 milliards d'euros d'ici à 2016 dont 7 milliards en 2012 et 11,6 milliards en 2013. Sa pluriannualité vise à rassurer les agences de notation et à permettre ainsi à la France de conserver son triple A. En adoptant cette fois comme promis des mesures principalement en dépenses (à 52 % en 2016), le gouvernement anticipe une montée en charge croissante sur le long terme (voir graphique), à la différence du plan d'août, principalement axé sur les recettes (à 89 % en 2016) dont l'efficience est décroissante. Ne souhaitant pas augmenter encore le taux de prélèvement obligatoire (qui atteindra 45 % en 2012 contre 42 % en 2009 malgré les promesses de campagne de Nicolas Sarkozy) à quelques mois de la présidentielle, le gouvernement n'avait d'autre choix que de taper dans les dépenses sociales, « sachant que c'est moins dommageable pour la croissance », estime Jean-Luc Proutat, économiste à BNP Paribas. Ajouté aux économies antérieures (réforme de l'État, dépenses de santé...), ce seront ainsi « 115 milliards d'euros qui auront été économisés jusqu'en 2016, dont 51 milliards sur 2011-2013 », a assuré le Premier ministre. Après avoir actionné le levier recettes (les impôts) dans son premier plan, le gouvernement s'attaque cette fois comme promis aux dépenses. Taclant la gauche, le locataire de Matignon a jugé « impensable » de respecter les objectifs « en augmentant exclusivement les impôts, comme le suggère l'opposition : cela reviendrait à tripler l'impôt sur le revenu ou à doubler la TVA ! ». Ce qui n'a pas empêché le gouvernement d'emprunter au programme de l'opposition en relevant le prélèvement forfaitaire libératoire ou de relever le taux de TVA dans la restauration après l'avoir fortement réduit.

La question reste toutefois de savoir si le compte y est, malgré un affichage de « rigueur », sachant que le gouvernement table sur 2 % de croissance après 2012. Déjà en campagne, il semble encore pécher par optimisme. « D'après notre scénario qui prévoit 0,8 % de croissance et un déficit public à 5,2 % du PIB en 2012, il faudrait économiser, en 2012, 27 milliards d'euros pour atteindre l'objectif budgétaire », calcule Mathieu Plane, économiste à l'OFCE. Et non 18 milliards comme prévu en additionnant les deux plans. Tenir l'engagement budgétaire avec une croissance inférieure à 1 % conduirait à la récession, ce qui n'exonérerait pas la France d'une menace d'une dégradation de sa note. Ce qui n'est pas exclu, la désindexation partielle des prestations sociales et de l'impôt sur le revenu risquant de peser sur les classes moyennes et populaires. D'autres ajustements sont donc à prévoir. Mais attention, prévient Mathieu Plane, si tous les pays européens versent ainsi dans la rigueur pour respecter leurs engagements budgétaires, c'est une récession généralisée en Europe qui guette.

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