D'ici dix jours, le triple A français risque de se retrouver "sous perspective négative"

Par Robert Jules et Yann-Anthony Noghes, à Bruxelles, mise à jour par latribune.fr  |   |  592  mots
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Selon plusieurs sources contactées par La Tribune, l'agence de notation Standard & Poor's pourrait préparer la France à la perte de son "triple A".

Nouvelle rumeur de marché, pour faire décaler les taux avant la dernière adjudication d'obligations OAT de l'année, ce jeudi ? Ou bien préparation des esprits à l'inéluctable ? Selon plusieurs sources concordantes, Standard & Poor's (S&P) pourrait bien annoncer "sous peu" le placement de la note AAA de la France sous "perspective négative". Ce serait la première étape avant l'abaissement de cette note, la plus haute, dont jouit l'Hexagone. "Cela pourrait intervenir sous une semaine, ou peut-être dix jours", affirme une source diplomatique, qui ajoute qu'il y aurait actuellement une intense réflexion en ce sens au sein de l'agence.

Menaces des autres agences

Une autre source glisse même que cette annonce de S&P aurait dû être rendue publique dès vendredi, mais que, pour des raisons inconnues, elle a été repoussée. Voici dix jours, S&P avait "par erreur" annoncé la dégradation de la France. Peu après, elle avait confirmé la note du pays ainsi que sa "perspective stable". Mais, depuis plusieurs semaines, la notation française est sous pression. Le ralentissement économique rend en effet moins crédibles les objectifs de réduction des déficits affichés par Paris. Fin octobre, Moody's avait prévenu qu'elle se donnait trois mois pour examiner si elle devait placer sous surveillance négative la note française.

Pour éviter qu'une éventuelle perspective négative ne se traduise par une perte du triple A, deux possibilités. Soit le gouvernement accepte de se lancer dans un troisième plan de rigueur, ce qu'a toujours exclu jusqu'à présent Valérie Précresse, ministre du budget. Soit la conjoncture s'améliore, ce qui est peu probable début 2012 d'après les chiffres de l'OCDE parus ce lundi. Pour l'heure, ce mardi, la France maintient ses prévisions malgré une série d'indicateurs laissant craindre un ralentissement économique, a déclaré ce mardi le ministre de l'Economie, François Baroin. Paris s'en tient toujours à une prévision de croissance à 1% pour 2012 et n'envisage pas de troisième plan de rigueur, a-t-il précisé sur France Info. Quant à Valérie Pécresse, interrogée sur France 2 pour savoir si le gouvernement changeait sa prévision pour l'année à venir, la ministre du Budget a répondu "non", ajoutant par la suite que le projet 2012 prévoyait des "marges" pour faire face à d'éventuels "aléas de croissance".

Capacité d'emprunt du Fonds européen réduite

De son côté, Fitch a mis en avant les "risques" pesant sur le AAA français qu'il a néanmoins réaffirmé. Si la France venait à perdre son triple A, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) verrait alors sa capacité d'emprunt considérablement réduite. La "force de frappe" du FESF serait incapable de répondre aux attaques des marchés contre l'Italie et contre l'Espagne. "Si le patron du FESF, Klaus Regling, annonce mardi à l'Eurogroupe que l'effet de levier du fonds n'atteindra pas les 4 à 5, comme prévu, la Banque centrale européenne restera la seule option crédible", conclut cette source diplomatique, qui ajoute que la menace de dégradation de la France, "surtout avant le Conseil européen dudu 9 décembre, mettrait une pression massive sur Angela Merkel concernant l'implication de la BCE".

L'agence de notation Standard & Poor's a refusé de commenter ce mardi l'article de La Tribune. "S&P ne commente pas les rumeurs sur ses notations", a dit à Reuters une porte-parole du bureau parisien de S&P.