La France entre en récession, en attendant la dégradation

Par Sara Sampaio, mis à jour de latribune.fr  |   |  535  mots
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Cette fois, ça y est : le PIB de la France devrait reculer deux trimestres d'affilée, à compter d'octobre, selon la dernière note de conjoncture de l'Insee. Il en sera de même en zone euro. Conséquence des turbulences sur les marchés financiers, les conditions du crédit se resserrent et les entreprises gèlent leurs investissements.

Les prévisions de l'Insee auront rarement été aussi sombres. L'institut prévoit, dans sa note de conjoncture de décembre, un recul du PIB français pour le trimestre en cours (- 0,2%) et le suivant (- 0,1%). En d'autres termes, la récession. L'activité repartira à partir du deuxième trimestre 2012, prévoit l'Insee. Et encore, avec des enclumes aux pieds, puisque le PIB ne progresserait alors que de 0,1%. Au total, la croissance s'établirait à 1,6% en 2011, soit en deçà des prévisions gouvernementales (1,75%). Quant à l'année 2012, elle démarrera sans élan, c'est-à-dire avec... 0% d'acquis de croissance.

Ce scénario n'est pas seulement français, mais aussi européen. La zone euro affichera en effet un recul du PIB de 0,3% au quatrième trimestre 2011 et 0,1% au premier trimestre 2012 (voir graphique) et bénéficiera à la fin de l'année d'un acquis de croissance pour 2012 inexistant (0,1%). En outre, selon une étude parue jeudi du cabinet Ernst & Young, "malgré les réformes annoncées le 9 décembre (à l'issue du sommet européen), les modalités d'application de l'accord restent peu clairess entretenant les incertitudes à court terme".

La dégradation de la conjoncture s'ancre dans les turbulences survenues sur les marchés financiers cet été, rappelle l'Insee. Depuis juin, la prime de risque sur le marché interbancaire (garantie exigée entre banques pour se financer mutuellement à l'horizon de trois ans) grimpe, de même que les écarts des taux d'intérêt des obligations à dix ans des grands pays de la zone se creusent (presque 6% pour l'Espagne et l'Italie, 2% pour l'Allemagne).

Cette double tension a fini par conduire au resserrement du crédit aux entreprises à partir du troisième trimestre, estime l'Insee, et a provoqué "un choc de confiance" sur les ménages et les entrepreneurs. En France, "les moteurs de la reprise française se sont grippés cet automne", résume Sandrine Duchêne, à l'Insee. C'est le cas notamment de l'investissement des entreprises, qui cale (voir graphique).

Chômage

Le marché du travail va, quant à lui, recommencer à détruire des emplois, pour un taux de chômage qui atteindra 9,6% à la mi-2012, et la barre symbolique des 10% si l'on inclut l'outre-mer. Quant à la demande extérieure, elle soutiendra peu l'activité, avec un recul des exportations de 0,5% au quatrième trimestre.

Cette détérioration de l'emploi conjuguée à une nette baisse de l'inflation en 2012 (1,4% prévu en juin 2012, après 2,5% le mois dernier) va tirer les salaires vers le bas, malgré la revalorisation annoncée du Smic. Le pouvoir d'achat global de la population est ainsi annoncé en baisse de 0,1% au premier semestre 2011. Dans ce contexte, la consommation sera faible, en hausse de 0,1% par trimestre d'ici à mi-2012, et le taux d'épargne, élevé, à 16,7%. En zone euro également, le chômage devrait se maintenir à un niveau élevé, et ne devrait pas descendre sous les 10% avant 2015, selon Ernst & Young.

Une bouffée d'oxygène viendra cependant du Japon et des Etats-Unis à partir de l'été 2012, annonce l'Insee. Le premier se reconstruit après le séisme de mars tandis que le second "fait preuve de résilience". Un rebond qui profitera à l'Allemagne et à la France, mais qui sera insuffisant pour tirer l'Italie et l'Espagne de la récession.