Fillon prend appui sur la dégradation pour accélérer ses réformes sociales

Par latribune.fr avec Yves Clarisse PARIS (Reuters)  |   |  887  mots
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Le gouvernement français envisage une augmentation limitée de la TVA pour améliorer la compétitivité de l'économie dans la foulée du sommet social de mercredi, malgré l'opposition des syndicats qui associent cette mesure à un troisième plan de rigueur.

La dégradation de la note de la dette souveraine française par l'agence Standard & Poor's (voir ) doit, selon le Premier ministre François Fillon, faire prendre conscience aux Français qu'"il n'y a pas d'alternative crédible" à la politique de Nicolas Sarkozy, alors que l'opposition socialiste le juge responsable de la perte du triple A.

Le sommet social de mercredi doit donc permettre de déboucher sur des réformes d'ampleur, a ajouté François Fillon.

"La décision de Standard & Poor's rend ce rendez-vous plus pertinent que jamais. Il faut faire maintenant les réformes de compétitivité", a-t-il déclaré au Journal du dimanche.

Il a insisté sur la nécessité d'améliorer la formation des chômeurs et d'introduire plus de souplesse dans les entreprises "avec les partenaires sociaux", ce qui passera notamment par le déclenchement de mesures de chômage partiel associées à des réductions de salaires dans des accords compétitivité-emploi.

Le Premier ministre n'a pas caché qu'il envisageait d'augmenter la TVA avant l'élection présidentielle d'avril-mai 2012 en échange d'une baisse des cotisations sociales.

"La réforme envisagée n'a pas pour objectif de renflouer les caisses de l'Etat. Il s'agit de baisser le coût du travail et de trouver une autre façon de financer la Sécurité sociale", a-t-il dit en prenant pour exemple l'Allemagne, qui "l'a fait".

BAISSE DES COTISATIONS PATRONALES

Selon une source gouvernementale, la hausse de la TVA sera limitée pour éviter un impact trop important sur la consommation et ne compensera qu'une baisse des cotisations patronales, le patronat pouvant faire un "geste" en faveur des salariés.

"Baisser les charges patronales, c'est bon pour la compétitivité. Mais les charges salariales, cela voudrait dire beaucoup de points de TVA (pour compenser), ce ne serait pas bon pour le pouvoir d'achat", a dit cette source.

La ministre de l'Apprentissage, Nadine Morano, a indiqué dimanche au Grand Jury LCI-RTL-Le Figaro que rien n'était arrêté et a évoqué la possibilité d'un panachage entre une hausse de la TVA et de la Cotisation sociale généralisée (CSG).

"Nous trouverons un dispositif à la française", a-t-elle dit.

Nicolas Sarkozy a déclaré dimanche qu'il annoncerait lui-même aux Français à la fin du mois les réformes qu'il entend mettre "rapidement" en oeuvre après ce sommet social.

"Je leur dirai les décisions importantes qu'il nous faut prendre sans perdre de temps", a-t-il dit dans un discours prononcé à Amboise (Indre-et-Loire) pour le centenaire de la naissance de Michel Debré, le père de la constitution.

Si le patronat est favorable à la TVA sociale, François Hollande l'a à plusieurs reprises qualifiée de "mauvais impôt", un jugement partagé par le centriste François Bayrou et la présidente du Front national Marine Le Pen.

"Ce n'est pas en bousculant le financement de la protection sociale et en improvisant un nouveau bricolage fiscal que le président sortant va rassurer les marchés", a déclaré le candidat socialiste dans une interview au Monde dimanche-lundi.

Les syndicats sont également unis pour rejeter cette mesure, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault l'ayant qualifiée d'"arnaque la plus importante de ce début d'année".

Pour le secrétaire général de la CFDT François Chérèque, augmenter la TVA, "c'est un plan de rigueur", alors que le gouvernement assure que rien n'est prévu en ce sens, même si la prévision de croissance n'atteint que 0,5% en 2012 au lieu du chiffre de 1% prévu dans le budget de cette année.

LES NÉGOCIATIONS BLOQUÉES, DIT CHÉRÈQUE

"Nous serons contre toute augmentation de la TVA", a-t-il dit dimanche au Grand Jury Europe 1, Le Parisien et i>Télé, évoquant en revanche une hausse de la CSG. "Personne n'est assuré que cet argent-là ira à la Sécurité sociale."

François Chérèque, qui a rencontré ces jours dernier le ministre de l'Emploi Xavier Bertrand pour préparer le sommet social, a assuré que "les négociations ne progressent pas".

Si un consensus semble se dessiner pour donner des moyens supplémentaires à Pôle emploi et "faire massivement du chômage partiel", comme en Allemagne, le dirigeant syndical a fait des propositions qui risquent de heurter le patronat.

Il se dit ainsi d'accord pour négocier des pactes compétitivité-emploi mais exige que les syndicats soient associés à la définition des objectifs de long terme des entreprises, notamment pour le partage des profits, en échange d'une éventuelle baisse des salaires.

"Ce n'est pas du tout ce que nous dit le gouvernement aujourd'hui", a-t-il dit en expliquant que le chômage partiel tel qu'envisagé par l'exécutif impliquerait simplement de baisser le temps de travail et les salaires.

François Chérèque a demandé au gouvernement de ne prendre aucune décision sur ce plan tant que la négociation en cours sur ce point avec le patronat ne sera pas terminée.

"Moi je dis au gouvernement: laissez-nous terminer cette négociation mais n'allez pas sur des accords qui mettent les salariés en difficulté et qui permettent de donner des outils au patronat pour faire du chantage sur l'emploi", a-t-il dit