Emploi : Sarkozy démine avant d'aborder ce qui fâche

Par Isabelle Moreau  |   |  810  mots
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A l'issue de quatre heures de discussions avec les représentants des organisations syndicales et patronales, Nicolas Sarkozy a annoncé un train de mesures contre le chômage. Repoussant les dossiers chauds, comme la TVA sociale ou la flexibilité du temps de travail, à la fin du mois.

Les annonces faites à l'issue du "sommet de crise" parviendront-elles à calmer l'inquiétude des Français et à faire remonter la cote de popularité de Nicolas Sarkozy, devancé par le candidat socialiste, François Hollande, dans les sondages ? A moins de cent jours de l'élection présidentielle, ce type d'exercice, voulu par l'actuel locataire de l'Elysée, est très périlleux. Après un long couplet sur la crise, la dégradation de la note de la France, le déficit de la balance commerciale de 83 milliards d'euros, la remontée du chômage (+ 122.000 demandeurs d'emploi sur les onze premiers mois de 2011), la baisse de l'évolution de la part des exportations françaises dans la zone euro (passée de 15,8 à 12,6% depuis 2000)..., le chef de l'État a fait un tour de table permettant aux leaders des organisations syndicales et patronales de s'exprimer et de livrer leurs propositions. S'il a opté pour un premier train de mesures d'urgence destinées à enrayer le chômage et améliorer la formation des chômeurs en faveur de l'emploi, il a repoussé les dossiers chauds à la fin du mois.

Parmi les mesures d'urgence déjà arrêtées, dont le montant total atteint 430 millions d'euros, figure l'exonération pendant six mois de charges pour l'embauche de jeunes de moins de 25 ans dans les très petites entreprises (TPE). La mesure d'urgence, dont le coût serait supérieur à 100 millions d'euros, était préconisée dans le rapport Joyandet sur l'emploi des jeunes. Autre annonce : la mobilisation de 140 millions d'euros par le gouvernement pour doper le chômage partiel, rebaptisé "activité partielle". L'idée est de simplifier les dispositifs actuels (trois cohabitent pour le moment) et de les rendre plus accessibles aux PME. Il faut "tout faire pour éviter de couper les liens entre le salarié et son entreprise, tout faire pour maintenir en activité les salariés [...], tout faire pour former les salariés dans l'entreprise plutôt que de les licencier", a indiqué Nicolas Sarkozy. Public ciblé également comme prioritaire, les chômeurs très éloignés de l'emploi. Ils devraient se voir proposer "soit une formation, soit un emploi, soit un processus de resocialisation", a-t-il ajouté. Une enveloppe de 150 millions d'euros sera débloquée à cet effet.

Financements " flous" des mesures

Enfin, "pour renforcer les effectifs de Pôle emploi", le chef de l'exécutif a annoncé l'embauche de 1.000 CDD, ce qui représentera un coût de 39 millions d'euros. À l'issue de ce sommet, les syndicats ont reconnu que la rencontre avait permis d'avancer sur quelques mesures comme le chômage partiel tout en dénonçant "le flou" sur leurs financements. Bernard Thibault (CGT) estime pour sa part qu'elles n'auront « pas d'impact sur l'emploi" et a appelé à "la poursuite de la mobilisation". Ce mercredi, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Paris, à l'appel de la CGT, de la FSU et de Solidaires, pour dénoncer un "sommet antisocial" convoqué "pour la forme".

Au chapitre du paquet de mesures à venir, et largement contestées dans les rangs syndicaux, figurent la réforme du financement de la protection sociale, via une TVA sociale, et la flexibilité du temps de travail pour améliorer la compétitivité des entreprises tricolores. Reste que Nicolas Sarkozy n'abattra pas ses cartes avant la fin janvier. Mais selon Laurence Parisot, au cours des discussions avec les partenaires sociaux, le président de la République a clairement laissé poindre sa préférence pour un allégement des seules charges patronales, qui financent la branche famille de la Sécurité sociale. La solution, prônée par le Medef, d'un allégement simultanée des charges patronales, mais aussi salariales qui entraînerait de facto une hausse des salaires, serait écartée. Si Jean-Claude Mailly (FO) et Bernard Thibault (CGT) ont refusé tout net un débat sur le sujet, leur homologue de la CFDT, François Chérèque, est arrivé avec une proposition de substitution : une baisse de 10 points de cotisations sociales couplée à une augmentation des salaires de 7% et une hausse de la CSG de 7%.

Tout en refusant un calendrier hâtif pour cette réforme de fond. Nombre d'économistes mettent également en garde contre une augmentation des prix alors que la consommation est le principal moteur de la croissance en France et que l'Insee prévoit déjà une "brève période" de récession fin 2011, début 2012. Cette première phase passée, le chef de l'État va devoir s'atteler à des sujets hautement plus épineux et devoir faire face aux critiques qui se font entendre au sein de l'opposition à l'image de Jean-Marc Ayrault, conseiller spécial de François Hollande, qui ironise sur le fait "qu'à la fin de son quinquennat Nicolas Sarkozy semble découvrir la gravité de la situation". Et qui vont enfler d'ici la fin du mois.