Hollande va-t-il tuer l'assurance-vie ?

Par Par Ivan Best et Laura Fort  |   |  824  mots
"Les revenus du capital doivent avoir le même traitement que ceux du travail", soutient François Hollande. Copyright Reuters
En cas de victoire de François Hollande, l'assurance-vie perdrait la majeure partie de son attrait fiscal: les intérêts seraient soumis au barème de l'impôt sur le revenu, a déclaré le candidat socialiste. "Il n'y aura plus d'abattement", précise Michel Sapin, en charge du programme du candidat. Seul le régime spécifique de transmission serait maintenu.

L'annonce est passée quasiment inaperçue, lundi soir. Interrogé par Laurence Ferrari sur l'avenir de la fiscalité de l'assurance vie, s'il accède au pouvoir, François Hollande a précisé que celle-ci relèverait du régime commun. "Les revenus du capital doivent avoir le même traitement que ceux du travail", a-t-il répondu. Une réponse assez vague, pour laisser une place à l'ambiguïté sur le futur régime fiscal de ce placement fétiche des Français ? Pas le moins du monde. C'est ce que nous a indiqué mardi Michel Sapin, en charge du programme économique du candidat Hollande: "L'assurance-vie sera soumise au barème de l'impôt sur le revenu. Nous ne prévoyons pas de maintenir des abattements exonérant le fruit de ces placements. Par définition, les personnes disposant au total de faibles revenus (salaires ou pensions de retraites, plus fruit de l'épargne) continueront d'être non imposables. Les autres paieront comme tout le monde."

Des intérêts taxés jusqu'à... 75%

Autrement dit, les intérêts accumulés sur les contrats d'assurance vie seront taxés à 5,5% ou 14%, 30%, etc... jusqu'à 75%, selon le niveau de taxation atteint en fonction du montant global de revenu. En revanche, précise Michel Sapin, "la fiscalité de la transmission de l'assurance-vie restera inchangée". Autrement dit, les épargnants petits et moyens bénéficieront toujours d'un abattement lors de la transmission de ces contrats. Ce serait donc le dernier avantage qui serait associé à l'assurance-vie. Aujourd'hui, le taux d'imposition (hors prélèvements sociaux) sur les rachats de contrats s'établit à 35% pour les contrats détenus depuis moins de 4 ans, à 15% pour ceux souscrits depuis moins de 8 ans, et à 7,5% au-delà de 8 ans.

Michel Sapin sort son jocker

Retirer à l'assurance-vie son principal argument de vente et de détention, à savoir la baisse de la fiscalité en cas de rachat au bout de 8 ans, c'est tuer ce placement ultra-sensible à la fiscalité. L'assurance-vie est d'autant plus fragile aujourd'hui que de nombreux contrats arrivent à maturité. Un changement de régime fiscal pénaliserait donc de nombreux épargnants qui ont attendu 8 ans, voire davantage, avant de retirer leur argent : fin 2010, 64% des encours ont plus de 8 ans d'âge, un niveau historiquement élevé. Et à la question de savoir si ce changement de fiscalité toucherait les contrats toujours en cours de détention ou les seuls nouveaux contrats, Michel Sapin a répondu : « Joker ! Nous aurons à en discuter avec les professionnels ! ». Il est donc possible que cette réforme ne soit pas rétroactive et ne concerne que les futurs contrats...

17 millions de détenteurs de contrats

François Hollande n'est pas le premier à agiter le chiffon rouge de la taxation de l'assurance-vie. Déjà l'an dernier, ce support d'épargne était la cible d'une taxe dans le cadre de la réforme sur la fiscalité du patrimoine. Par un lobbying appuyé, le Landerneau de l'assurance avait fait en sorte que ce projet soit éventé. La Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) avait à l'époque dégainé des chiffres éloquents : en 2010, les trois quarts des détenteurs de contrats sont des ouvriers, des employés, des agriculteurs, des cadres intermédiaires ou des retraités. Et les deux tiers des ménages détenteurs d'un contrat gagnent moins de 36.000 euros par an, soit 3.000 euros par mois. Au total, environ 17 millions de personnes disposent aujourd'hui d'un contrat d'assurance-vie et 24 millions de personnes en « profitent » (souscripteurs et bénéficiaires confondus).

Hors ISF et taxation des capitaux décès, la FFSA avait en outre chiffré à plus de 5 milliards d'euros par an les recettes fiscales et sociales générées par l'assurance-vie, dont 500 millions au titre de l'impôt sur le revenu et 4.6 milliards d'euros pour les prélèvements sociaux.

Changer de stratégie d'épargne en cas d'un durcissement de fiscalité

En avril dernier, pendant la période d'élaboration du projet de réforme sur la fiscalité du patrimoine, une enquête Ipsos/Logica avait été réalisée sur l'assurance-vie. Ses enseignements étaient sans appel : 59% des souscripteurs de contrats interrogés envisageaient de changer leur stratégie d'épargne dans le cas d'un durcissement du régime fiscal de l'assurance-vie, 35% en privilégiant d'autres supports d'épargne, 24% en fermant leur contrat. Et parmi les sondés interrogés sur les supports d'épargne à taxer pour que la réforme sur la fiscalité du patrimoine soit la plus juste possible, 8% d'entre eux répondaient l'assurance-vie, 72% les ?uvres d'art et 71% les actions.

Toujours est-il que le retour d'un projet de taxation de l'assurance-vie, même dans le cas où il ne serait pas mis en oeuvre, nuit à l'image d'un placement qui n'a déjà pas besoin de mauvaise publicité. L'assurance-vie a en effet enregistré son sixième mois de collecte nette négative en janvier, c'est-à-dire que les épargnants ont retiré plus d'argent qu'ils n'en ont versé sur leurs contrats.