Hollande pourrait finir par surtaxer le capital par rapport au travail

Par Ivan Best  |   |  663  mots
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François Hollande affirme vouloir aligner la taxation des revenus de placement sur celle du travail, au nom de la justice fiscale. En fait, selon certains économistes, cela aboutirait à une taxation réelle bien supérieure, atteignant 86% sur les intérêts.

Et si les revenus du capital, de l'épargne, se trouvaient finalement plus taxés que ceux du travail ? Si le projet de François Hollande était mis en ?uvre, on aboutirait à ce résultat, selon certains économistes. Ce n'est pourtant pas l'intention affichée par le candidat socialiste. Celui-ci parle d'alignement de la taxation des revenus de l'épargne et du patrimoine sur ceux du travail, au nom de la justice fiscale. Et non de surtaxation du patrimoine. Pour preuve : afin d'éviter que l'épargne soit, dans certains cas, plus taxée qu'un salaire, le candidat a même prévu de baisser les prélèvements sociaux qu'elle supporte, ainsi que l'a précisé à « La Tribune » Michel Sapin, en charge du programme économique de François Hollande. Alors que Nicolas Sarkozy vient de faire voter un alourdissement des prélèvements sociaux sur les revenus de l'épargne, qui atteindraient au total 15,5%, le PS ramènerait à ceux-ci à 8%, afin qu'ils correspondent exactement à la CSG sur les revenus du travail (CSG et RDS, pour être précis), affirme Michel Sapin. Dans la mesure où tous les revenus seraient soumis au barème de l'impôt, rien ne justifierait, en effet, le maintien de prélèvements sociaux majorés.

Un raisonnement économique

D'où vient, alors, la différence d'appréciation que font valoir des économistes ? Henri Sterdyniak, spécialiste des questions fiscales à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) est de ceux-là. Plutôt proche de la gauche, il ne se positionne pas là en défenseur de thèses patronales ou libérales. Il s'appuie sur un raisonnement économique, qui démontre que l'épargne pourrait être surtaxée par rapport au travail. Quel est-il ?

Pour apprécier le rendement réel d'un placement, il faut tenir compte de l'inflation, qui doit être défalquée. Ainsi, Henri Sterdyniak fait l'hypothèse d'un taux d'intérêt proche de 4,5% - ce qui est le cas sur les 10 dernières années -, assorti d'une inflation à 2%, chiffre correspondant à la cible de la Banque centrale européenne. Dans ces conditions, la rendement réel est bien de 2,5%. Le hic, c'est que l'impôt n'est pas calculé sur la base de cette rentabilité réelle, mais frappe le taux d'intérêt nominal, de 4,5%.

Du coup, il devient très vite confiscatoire. Henri Sterdyniak a ainsi calculé que, dans l'hypothèse d'une taxation au barème de l'impôt sur le revenu au taux de 41%, soit le maximum actuel, l'imposition réelle des intérêts (revenus d'obligations, assurance-vie...) atteindrait 86%. Et ce, en prenant en compte la baisse des prélèvements sociaux prévue par la candidat Hollande.

Quant aux dividendes, toujours dans cette hypothèse d'un impôt sur le revenu facial à 41%, ils seraient en réalité imposés à 59,2%. Ce serait le cas si l'abattement de 40% sur les dividendes dont bénéficient les particuliers est maintenu, ce qui est l'intention de François Hollande. « Il n'a jamais été question de le supprimer » souligne Michel Sapin.

Un choix à faire

En réalité, l'alignement proposé par François Hollande de la taxation du capital sur celle du travail, en soumettant l'ensemble de ces revenus au barème de l'impôt, aboutit à imposer plus fortement le patrimoine. « Il y a un choix politique à faire entre deux principes » souligne Henri Sterdyniak, dans une note sur « l'imposition des revenus du capital des ménages ».

Soit « un même taux de taxation pour tous les revenus (qui amènerait paradoxalement à conserver une fiscalité spécifique pour les revenus du capital) », autrement dit, un prélèvement libératoire inférieur au taux maximum de l'impôt sur le revenu, soit « une taxation plus forte des revenus du capital (puisque ceux-ci sont surtout reçus par les plus riches, ne sont pas les fruits de l'effort) ». En soumettant l'ensemble des revenus du capital au barème de l'impôt, François Hollande fait, en fait, ce second choix.