La taxe "CAC 40", un nouveau casse-tête pour Bercy

Par Fabien Piliu  |   |  600  mots
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L'idée paraît simple, mais sur le papier seulement. Instituer la "taxe CAC 40" proposée par Nicolas Sarkozy pourrait entraîner la dénonciation des conventions fiscales internationales. L'équipe de campagne du président sortant estime que le projet est simple à mener.

Ce fut l'une des principales annonces faites ce mardi par le candidat Sarkozy : créer un nouvel impôt sur les bénéfices du CAC 40. L'idée paraît simple mais sur le papier seulement. Dans les faits, Bercy devra affronter de nombreux obstacles, empêchant la mise en place rapide de ce nouvel instrument fiscal.
S'il s'agit d'imposer les bénéfices réalisés à l'étranger, l'Etat français est obligé de dénoncer les conventions fiscales internationales signées avec les autres Etats. "En clair, ce n'est pas parce que Total paie peu d'impôts sur les sociétés en France qu'elle n'en paie pas dans les autres pays où elle exerce ces activités. Cette entreprise ne prospecte et ne fore pas dans les îles Caïman que je sache", explique Mirko Hayat, professeur de fiscalité à HEC.
 

Le retour de l'imposition forfaitaire annuelle ?

"L'instauration de cet impôt minimum pose une question de compatibilite avec les conventions fiscales qu'on ne peut pas remettre remettre en cause du jour au lendemain", poursuit Nicolas Jacquot, avocat fiscaliste chez Arsène Taxand. A moins que l'assiette retenue de cet impôt, qui devrait rapporter entre deux et trois milliards d'euros par an, ne soit le chiffre d'affaires. Or, c'est justement le chiffre d'affaires mondial des sociétés déjà soumises à la taxe sur les transactions financières que cette nouvelle taxe viserait à précisé à l'AFP l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy.

Il s'agirait donc en quelque sorte de recréer l'imposition forfaitaire annuelle (IFA) qui frappaient presque toutes les entreprises et de la réserver aux entreprises du CAC. L'IFA, dont la suppression totale est prévue pour 2014, a en effet pour assiette le chiffre d'affaires. Le Code général des impôts (CGI) permet ce type de mesure fiscale ciblée. Ainsi, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ne concerne que les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 760 000 euros, soit 25% environ des sociétés.

"Mais les taxes sur le chiffre d'affaire sont généralement interdites en droit communautaire car la question de la répercussion sur le contribuable 'final' peut se poser. Donc, à tout le moins, il faudra l'accord de Bruxelles pour créer cette taxe", rappelle Nicolas Jacquot qui se demande comment le fisc aura connaissance et pourra contrôler le chiffre d'affaires réalisé à l'etranger. "Si les conventions ne couvrent pas ce point, le fisc ne pourra pas demander l'information", poursuit-il, doutant de la capacité de Bercy à rendre cette mesure opérationnelle à court terme.

Autre question que cette mesure soulève, quid des entreprises étrangères installées en France que l'Agence française des investissements internationaux (AFII) s'évertue à attirer en France ? Ce nouvel impôt ne risque-t-il pas d'agir comme un repoussoir ? Mirko Hayat balaie cette hypothèse. "La taille du marché, la qualité de la formation de la main d'oeuvre, le niveau des infrastructures sont plus importants que le poids de la fiscalité", estime-t-il. 

L'autre solution consisterait à revenir sur chacune des niches fiscales et sociales à la disposition des entreprises du CAC 40, de les raboter ou de les supprimer. Un travail qui s'avérerait long et compliqué car il faudrait faire du cas par cas.

"Par ailleurs, plutôt que de créer un nouvel impôt dont la construction rapide paraît compromise car compliquée, ne faudrait il pas plutôt se pencher sur la fiscalité des sociétés et la nettoyer pour arrêter de dénoncer une optimisation que la loi autorise?", s'interroge un autre expert.