L'impôt à 75% : les 6 questions auxquelles Hollande n'a pas répondu

Par Ivan Best  |   |  768  mots
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L'impôt à 75% annoncé par François Hollande vise a priori les salaires exorbitants des grands patrons. Il frapperait en réalité surtout des revenus du patrimoine. La proposition a fait mouche politiquement et a le mérité de la simplicité... en apparence. Car elle soulève plusieurs questions.
Qui sera concerné par cette taxe? 

L'entourage du candidat PS évoque 3.000 personnes susceptibles d'être touchées. Mais, selon le rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez (UMP), ce seraient plutôt 6.000 à 7.000 foyers fiscaux qui seraient visés. Surtout, alors que François Hollande pensait manifestement taxer les salaires des patrons d'entreprises, "deux tiers des revenus concernés sont en fait des revenus du patrimoine", souligne Gilles Carrez. A savoir des dividendes ou des intérêts. Parmi ces revenus du patrimoine, il y a aussi les plus-values réalisées par les propriétaires d'entreprises, lors de la cession. François Hollande s'étant engagé à soumettre tous les revenus au barème de l'impôt, ces plus-values, aujourd'hui taxées à 19% (plus 13,5% de prélèvements sociaux), le seraient à 75% (plus, éventuellement, des prélèvements sociaux), au delà d'un million d'euros. A moins que le candidat PS ne précise, au cours des prochaines semaines, qu'il envisage une exception pour ces plus-values... mais ce n'est pas le plus probable.

L'impôt risque-t-il d'être confiscatoire?

S'agissant de revenus du patrimoine, on doit ajouter l'ISF à l'impôt sur le revenu pour évaluer le prélèvement global. Compte tenu de cet ISF, dont l'ancien barème serait rétabli, le risque existe effectivement d'une taxation allant au delà de 100%. Gilles Carrez prend l'hypothèse d'un ISF correspondant à 1% du patrimoine, lequel rapporte 4% l'an. Ce serait donc un quart du revenu qui serait prélevé via l'impôt de solidarité sur la fortune. A cette contribution au titre de l'ISF, il faut ajouter l'impôt à 75% et les prélèvements sociaux : les 100% sont bien dépassés.

Des aménagements sont-ils envisagés? 

 En charge du programme du PS, Michel Sapin a souligné à plusieurs reprises que des revenus exceptionnels, tels des plus-values réalisées lors de la cession d'entreprises, pourraient être étalés dans le temps. Un système qui se pratique déjà. Ainsi, un chef d'entreprise réalisant un peu moins de cinq millions d'euros de plus-value lors de la vente de sa société peut étaler la plus-values sur cinq ans, et éviter la surtaxe. Devant l'émotion suscité par cette taxe à 75% dans le monde du football, les proches du candidat Hollande ont aussi évoqué un tel étalement pour les joueurs de foot, justifié par la briéveté de leur carrière : ils concentrent beaucoup de revenus sur un laps de temps limité.

Quelle va être l'ampleur de l'exil fiscal?

Toutes les conversations entre riches portent aujourd'hui sur cette question: partir ou pas. Il est possible que le flux de départs s'accélère fortement au cours des toutes prochaines semaines, et avant le mois de  mai. En raison de l'application de "l'exit taxe". De quoi s'agit-il? Les particuliers quittant la France doivent s'acquitter d'une "exit tax", autrement dit, ils sont taxés sur toutes les plus-values sur leur patrimoine, même latentes, à la date de leur départ. Une mesure décidée voilà un an, dont les décrets d'application viennent d'être publiés. Elle est assortie d'un aménagement pour ceux qui s'installent au sein de l'Union européenne: ils bénéficient d'un sursis pour le paiement. Mais ils doivent la payer à leur retour. Or, en quittant le territoire français, avant la réforme fiscale voulue par François Hollande,  un contribuable paierait les impôts actuels (soit 19% d'impôt plus prélèvements sociaux), même dans cinq ans. En revanche, s'il s'exile après le vote de la réforme, il risque de payer plus de 75%.... Le calcul est très vite fait.

 Quid de l'évasion fiscale?

Il y a l'exil, mais aussi l'évasion fiscale, à savoir des techniques pour diminuer son impôt tour en restant résident fiscal français.  Pour les plus grosses fortunes, l'impôt à 75% n'est pas un vrai problème. "Elles peuvent, en effet, moduler leurs revenus à volonté" souligne un avocat fiscaliste. Des holdings famililales recueillent en effet les dividendes reçus: tant que ceux-ci n'en sortent pas, il ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. Voilà comment Lilianne Bettencourt peut encaisser 250 millions d'euros de dividendes, tout en étant imposée que sur une infime partie, celle dont elle souhaite disposer pour ses dépenses.

Une taxe pérenne ou exceptionnelle?

"Nous sommes dans une période exceptionnelle (...) et il est légitime que ceux qui ont la chance d'avoir des très très hauts revenus paient une taxe exceptionnelle», vient de déclarer Laurent Fabius, laissant entendre le caractère temporaire d'une telle mesure.