Hollande veut aussi créer son "bouclier fiscal"

Par Ivan Best  |   |  719  mots
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Afin d'éviter que l'impôt à 75% soit déclaré inconstitutionnel, le candidat socialiste est prêt mettre en place un plafonnement du total des impôt nationaux, en proportion du revenu. Un système proche de celui du bouclier fiscal, vilipendé par la gauche, même si le plafond serait moins avantageux

L'occasion était trop belle. Valérie Pécresse, porte-parole du gouvernement, a accusé mercredi Laurent Fabius de vouloir "rétablir le bouclier fiscal", après les propos de l'ex-Premier ministre socialiste sur la proposition Hollande d'imposer à 75% les très riches. Celui-ci a estimé que le taux d'imposition à 75% des revenus supérieurs au million d'euros, proposé par François Hollande, "n'était pas nécessairement destiné à être permanent", ajoutant qu'il ne serait "pas choqué qu'il y ait quand même des plafonds". Des plafonds? Il s'agirait, selon le même principe que celui du bouclier fiscal, de rétablir le plafonnement du total des impôts nationaux, à environ 85% du revenu.

Eviter un taux confiscatoire

Questionné sur une analyse du Canard Enchaîné paru mercredi, selon laquelle l'imposition d'un tel taux risquerait d'être jugée anti-constitutionnelle, Laurent Fabius a expliqué: "Il y a eu un recours en Conseil constitutionnel au moment d'un des innombrables épisodes du bouclier fiscal. Et à cette occasion, le Conseil constitutionnel avait dit qu'en l'espèce (ndlr: un taux de 60%), ce n'était pas confiscatoire. A contrario, il y aurait un taux confiscatoire, on ne sait pas lequel". "C'est quelque chose qu'il faut avoir à l'esprit", a poursuivi l'ancien ministre de l'Economie.
"On ne prend pas des impôts pour le plaisir d'avoir des impôts", a-t-il dit. Mais il est "légitime de demander un effort exceptionnel" dans "une période exceptionnellement difficile". "C'est lié au caractère très exceptionnel de la période qui demande un effort exceptionnel de solidarité", a-t-il insisté.
Interrogée par l'AFP, l'équipe de campagne de François Hollande a précisé que que la taxation à 75%  pourrait effectivement être accompagnée d'un "rétablissement du plafonnement des impôts directs nationaux" (impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, CSG, prélèvements sociaux, etc.). Un plafonnement des impôts en fonction du revenu avait été institué dès 1988, sous le gouvernement Rocard, lorsqu'avait été rétabli un impôt sur la fortune.

Même principe, plusieurs différences

Un système à la logique proche du bouclier fiscal: l'objectif est bien de limiter les impôts en proportion du revenu. Mais plusieurs différences existent entre le "plafonnement Rocard" et le bouclier. Ce dernier, mis en place par Dominique de Villepin et confirmé par Nicolas Sarkozy, avant d'être supprimé au printemps 2011, prenait en compte non seulement l'impôt sur le revenu et l'ISF payés par le contribuable, mais aussi la CSG et les impôts locaux sur la résidence principale. Autant d'impôts qui, au total, ne pouvaient pas dépasser 50% du revenu.

Si c'était le cas, le fisc remboursait "le trop perçu". D'où les fameux chèques de 30 millions d'euros tirés sur le fisc au profit de Lilianne Bettencourt. Le plafond "Rocard-Bérégovoy" n'intégrait, lui, que l'impôt sur le revenu et l'ISF. En outre, il avait d'abord été fixé à 70% du revenu, avant d'être remonté à 85% en 1991, en raison des polémiques créées par certains stratégies d'optimisation fiscale. Nettement au dessus du montant retenu par Nicolas Sarkozy, et donc moins avantageux. Si un futur gouvernement PS retenait effectivement l'idée d'intégrer tous les impôts nationaux (y compris la CSG, décision aujourd'hui regrettée par certains élus de droite spécialistes des questions fiscales), la philosophie de ce système se rapprocherait effectivement de celle du bouclier fiscal. Même si le plafond serait bien supérieur aux 50% de l'équipe Sarkozy.

Un impôt spectacle, selon Valérie Pécresse

"L'improvisation continue au Parti socialiste: un jour on taxe l'assurance vie, le lendemain on ne la taxe plus, un jour on supprime le quotient familial, le lendemain on ne le supprime plus, on fusionne la CSG et l'impôt sur le revenu le lendemain on le fusionne plus", a affirmé Valérie Pécresse, lors du compte rendu hebdomadaire du Conseil des ministres.  "Je laisse le parti socialiste gérer ses propres contradictions. Les Français comprendront que cette mesure ne s'appliquera jamais et qu'il s'agissait d'un impôt spectacle pour (leur) faire oublier que dans le programme de François Hollande, il y a 50 milliards de taxe et qu'on n'a toujours pas compris quels Français allaient les payer", a-t-elle poursuivi.