Nicolas Sarkozy additionne les promesses...non financées

Par Ivan Best  |   |  704  mots
Nicolas Sarkozy en meeting à Montpellier, photo AFP
Le candidat-président promet une division par deux des droits de mutation (coût: près de 5 milliards) et une exonération de charges au profit des seniors (jusqu'à 5 milliards également). L'UMP préconisait un projet à coût zéro pour les finances publiques, dont la réalisation s'annonce difficile...

L'UMP en avait pris l'engagement : son futur programme ne pouvait se concevoir que sur la base de "zéro dépense". Autrement dit, toute promesse devrait être financée par des économies équivalentes. Or, le candidat Sarkozy, qui porte les couleurs du parti actuellement majoritaire, n'en dit plus mot. Il vient de dévoiler deux promesses très coûteuses pour les finances publiques, sans rien dire sur leur financement. 

"Diminuer profondément les droits de mutation"

Sur M6, dimanche soir, il a ainsi annoncé qu'il diviserait par deux les droits de mutation, payables lors de l'achat d'un bien immobilier. Il en coûterait entre 4 et 5 milliards d'euros aux finances publiques. "Il faut diminuer profondément les droits de mutation", a souligné  le chef de l'Etat, jugeant paradoxal de "dire aux Français: bougez, changez de métier, déménagez" alors qu'"en même temps, les collectivité locales mettent des droits de mutation" élevés.
Le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, a ainsi  jugé "pas crédible" cette  proposition de Nicolas Sarkozy. Il a souligné qu'à elle seule, la ville de Paris a dépassé en 2011 le montant historique du milliard d'euros de collecte. Ces droits de mutation représentent 1/7e du budget de la collectivité. Le taux de 3,80% prélevé sur les transactions immobilières n'est pas fixé par les villes mais l'est au niveau national, et n'a pas varié depuis plus de dix ans, le gouvernement Jospin ayant été le dernier à l'avoir diminué.

Une exonération permanente des cotisations pour l'embauche d'un senior

Nicolas Sarkozy a fait une autre proposition coûteuse, au nom de l'emploi: l'exonération totale des cotisations patronales pour tout senior (plus de 55 ans) embauché en CDD de plus de six mois ou un  CDI. Une "exonération permanente" a souligné le chef de l'Etat. "On ne peut pas dire aux gens de travailler plus longtemps pour faire l'équilibre du régime de retraite et les mettre en dehors" a affirmé le candidat. Cette proposition figurait dans la loi de novembre 2010 réformant les retraites (il s'agissait d'une exonération provisoire). Elle n'a pas été mise en oeuvre -les décrets d'application n'ont pas été publiés- en raison de son coût trop élevé...

Quel est-il? "C'est diffcilement chiffrable" souligne Eric Heyer, économiste à l'OFCE. "Ce qui est sûr, c'est que l'effet d'aubaine serait massif". Autrement dit, la plupart des embauches auraient eu lieu de toutes façons, sans la mesure. "En outre, en période de basses eaux conjoncturelles, cela ne réduit pas le chômage, mais change l'ordre dans la file d'attente". Les plus de 55 ans seraient privilégiés par rapport à d'autres".

Un coût maximum de 4,9 milliards d'euros

Le coût de la mesure, alors? La porte parole de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko Morizet, a précisé que cette exonération jouerait jusqu'au salaire correspondant au plafond de la sécurité sociale, soit 3.031 euros brut par mois. Au maximum, dans l'hypothèse où les 594.000 demandeurs d'emploi de plus de 55 ans seraient embauchés, il en coûterait  4,9 milliards d'euros aux finances publiques. Bien évidemment, ce serait moins dans l'immédiat. "Mais c'est très coûteux, pour une mesure totalement inefficace" souligne Eric Heyer.

Boucler un programme "zéro dépense"

Même s'il décide de minorer l'évaluation de cette promesse, Nicolas Sarkozy devra un jour ou l'autre annoncer son financement. Tout comme la compensation accordée aux collectivités locales pour la division par deux des droits de mutation.  C'est tout le problème: alors que le président sortant ne veut pas annoncer de nouvelles hausses d'impôt, au delà de celles qu'il envisage déjà pour redresser les finances publiques et qui n'ont pas été précisées, comment financer de telles mesures autrement que par des économies ? Comment, alors, annoncer des coupes dans les crédits budgétaires sans provoquer l'ire des catégories visées? En pleine campagne électorale, cela paraît mission impossible. A moins des s'en tenir à un vague engagement de rabotage de l'ensemble des dépenses. Voilà pourquoi Nicolas Sarkozy tarde à annoncer un programme en bonne et due forme, correspondant à sa conception générale des finances publiques.