François Hollande, plus fort que Lucky Luke

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  654  mots
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Le candidat socialiste, s'il était élu, déciderait avant la fin juin d'une augmentation de 25% de l'allocation de rentrée scolaire et d'un retour à l'âge de la retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler à 18 ans ayant cotisé 41 ans. Il prend ainsi politiquement le risque de dégainer immédiatement ses rares mesures sociales concrètes. Quitte a se trouver fort dépourvu dans les mois à venir.

Il dégaine vite François Hollande, très vite même... Plus vite que son ombre. Entre le 6 mai 2012, date du second tour de l'élection présidentielle et le 29 juin, fin de la session ordinaire du Parlement, ce ne sont pas moins de quatorze mesures d'urgence, et non des moindres, que le candidat socialiste, s'il accède à l'Elysée, se propose de faire adopter. Parmi celles-ci, les mesures sociales ou favorables au pouvoir d'achat occupent une bonne part. Ainsi, l'augmentation immédiate par décret de 25% de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) versée sous condition de ressources à environ 30 millions de foyers. Actuellement l'ARS varie de 285 à 311 euros selon l'âge de l'enfant. Elle augmenterait de 75 à 80 euros. Pour la financer, François Hollande s'est engagé à baisser de 2.300 à 2.000 euros le plafond du quotient familial. Ce qui ne concernerait que les ménages gagnant plus de six fois le Smic mensuel. Autre mesure phare : les prix des carburants seront bloqués durant trois mois... Sans que l'on sache ce qui se passera à l'issue de cette période. Par ailleurs, l'actuel député de Corrèze s'engage à garantir pour l'épargne défiscalisée (Livret A et Livret d'épargne industrie, futur successeur de l'actuel Livret de développement durable) d'une rémunération supérieure à l'inflation. En outre, les plafonds de ces deux livrets (actuellement 15.300 pour le Livret A et 6.000 euros pour le Livret de développement durable) seront doublés pour mieux financer le logement social, le développement des PME et l'innovation.

Le retour partiel de la retraite à 60 ans

Enfin, mesure emblématique s'il en est : le droit de partir en retraite à 60 ans pour les personnes qui ont commencé à travailler à 18 ans et ont cotisé 41 ans sera rétabli, sur la base d'un décret. Une mesure qui devrait concerner environ 150.000 personnes. D'un coût estimé à 5 milliards d'euros sur la durée du quinquennat, elle sera financée par une augmentation annuelle de 0,1 point des cotisations vieillesse patronales et salariales. Soit une progression de 1 point au total sur cinq ans. Actuellement la cotisation vieillesse de sécurité sociale déplafonnée est égale à 9,9% pour les entreprises et 6,75% pour les salariés. Autre mesure symbolique : un décret interviendra pour fixer un éventail maximal de 1 à 20 pour les rémunérations dans les entreprises publiques.
Sur le terrain social, tout le reste - de la politique de l'emploi, au nouveau mode de fixation du Smic en passant par une éventuelle loi encadrant les "licenciements boursiers", la sécurisation des retraites, etc. - sera au menu de la "Conférence nationale pour la croissance et l'emploi" chargée de lancer les "principaux chantiers sociaux du quinquennat" qui se tiendra à la mi-juillet. D'éventuels résultats se feront sans doute attendre

Les risques d'une politique "social" court-termiste

Ainsi, les rares mesures sociales "populaires" concrètes que contient le programme du candidat socialiste seront dégainées juste après son éventuel élection... Alors certes, politiquement parlant, un François Hollande président a tout intérêt à imposer immédiatement des mesures attendues dans la perspective des élections législatives des 10 et 17 juin pour voir sa majorité engranger un maximum de voix. Certes également, l'éventuel président François Hollande aura beau jeu de dire qu'il tient ses promesses. Il n'empêche, cette stratégie court-termiste comporte un risque : la désillusion rapide. Engagé dans la politique de réduction des déficits publics, moralement tenu par son engagement d'un retour à l'équilibre en 2017, François Hollande va devoir présenter l'addition. Et il sera nettement moins populaire d'expliquer que, dorénavant, l'épargne salariale (intéressement, participation) sera soumise à cotisations sociales où, pour les actuel bénéficiaires, de revenir sur l'exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires. La planche de salut résidera dans une amélioration de la situation de l'emploi... Très aléatoire. Lucky Luke garde toujours des cartouches.