Sarkozy a mal "à la France des territoires"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  602  mots
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Les élus locaux, y compris de nombreux UMP, restent très perplexes face aux diverses réformes du quinquennat qui ont affecté les collectivités locales: réforme de la taxe professionnelle, intercommunalité forcée, gel des dotations...

"J'ai mal à la France", écrivait le général Marcel Bigeard... Nicolas Sarkozy, lui, a "mal à la France des territoires". Pour preuve, d'après plusieurs témoignages, le malaise était palpable mercredi 11 avril, lorsque le candidat-président a réuni, à la Mutualité à Paris, les élus locaux UMP. "C'est vrai que ça n'a pas beaucoup applaudi", reconnaît un participant. Pourtant, Nicolas Sarkozy a tenté de se les mettre dans la poche en lançant "je me sens de votre famille", lui qui fût maire de Neuilly-sur-Seine de 1983 à 2002. Mais cela ne suffit pas... Les élus locaux, y compris UMP, restent extrêmement perplexes face aux diverses réformes présidentielles, affectant les collectivités territoriales. Ils considèrent même que ces réformes ont déjà fait perdre à la majorité les élections sénatoriales du 25 septembre 2011. Or, maires, conseillers régionaux et autres conseillers généraux sont de réels prescripteurs en politique. Se fâcher avec ceux, c'est inquiéter l'électeur...

"Marre de la stigmatisation"

"On ne comprend pas son attitude, il stigmatise les élus locaux de gauche comme de droite, il voit partout de la gabegie, il risque vraiment de payer ça très cher", lance Philippe Laurent, maire divers droite de Sceaux (Hauts de Seine) et président de la commission des Finances de l'Association des maires de France (AMF). Dernier exemple en date : l'annonce par le président-candidat de sa volonté d'étendre aux collectivités territoriales de plus de 30.000 habitants la règle de la "révision générale des politiques publiques" (RGPP) et, notamment, le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Or, outre l'autonomie de gestion des collectivités reconnue par la loi, qui rend ce souhait très aléatoire, le fond même du dispositif semble discutable : "On fera comme l'Etat, pour détourner ce principe, on créera des agences qui emploieront des salariés. En apparence, il y aura moins de fonctionnaires", ironise un élu UMP.


La réforme de la taxe professionnelle ne passe pas

Mais, avant cet épisode, d'autres dispositions, égrenées tout au long du quinquennat, ont troublé les élus locaux. Ainsi, ils ont le sentiment d'avoir perdu en marges de man?uvre avec la réforme de la taxe professionnelle (TP), remplacée notamment par une cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE). Mais, autant le taux de la TP était modulable et pouvait donc être rapidement adapté aux besoins de financements locaux, autant la nouvelle CVAE est figée puisque la loi fixe précisément le pourcentage de son produit qui doit être affecté à chaque collectivité (commune, département, région). Puis, ce fût la décision de geler la dotation financière aux collectivités locales jusqu'en 2013. Puis vint encore la loi "RCT" (réforme des collectivités territoriales), pleinement applicable en 2014 - sauf victoire de François Hollande qui souhaite revenir dessus - qui obligent les communes à s'associer dans une "intercommunalité" rassemblant au moins 5.000 habitants pour mutualiser moyens et dépenses.

Certes, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) salue l'action de certains préfets qui ont su faire preuve de pragmatisme en ne respectant pas toujours ce seuil de 5.000 habitants, qui entraîne parfois des regroupements très artificiels entre communes séparées par des dizaines de kilomètres. Il n'empêche, comme le souligne le directeur général de l'AMRF, Cédric Szabo "Il y a un risque de perte de proximité. Or, nous voulons être des acteurs du développement du pays. Nous l'avons signifié à tous les candidats à la présidentielle".