Logement, immobilier : les candidats auront fait le minimum

Par Laura Fort  |   |  1132  mots
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Les dix candidats à l'élection présidentielle ont tous accordé un paragraphe de leur programme au thème du logement. Pour autant, ces propositions semblent souvent anecdotiques, quand elles n'existent pas déjà...

Les deux dernières annonces en date sur le logement sont celles des deux Nicolas, Sarkozy et Dupont-Aignan, mardi 17 avril. Le premier a affirmé, lors d'une intervention à la Fédération française du bâtiment (FFB), que l'on ne "peut pas continuer comme cela avec 40 milliards d'euros par an de financements publics pour le logement. Cela ne fait qu'entretenir une bulle. Il faut se désintoxiquer de la niche fiscale et des financements publics".

Fin des avantages fiscaux pour l'investissement locatif

Faisant notamment allusion au dispositif Scellier, il a sonné le glas des avantages fiscaux liés à l'investissement locatif, appelant à ne plus "dépendre d'un avantage fiscal artificiel qui, forcément, à un moment ou à un autre, s'arrête sous la pression des déficits et de l'endettement". Or justement la FFB appelait dans un manifeste en février à la "fin du démantèlement des principales mesures qui visent à répondre aux besoins en logement des Français".

Mi-mars, le président sortant annonçait en revanche un projet  plus favorable aux investisseurs : la division par deux des droits de mutation perçus par les notaires pour le compte de l'Etat sur les achats immobiliers.

Garantir le risque de loyers impayés ... déjà fait

Quant à Nicolas Dupont-Aignan, en meeting au Bataclan le même jour, il lançait l'idée de "garantir les loyers pour les propriétaires qui ne sont pas payés, pour remettre sur le marché de la location un quart des logements vides, c'est-à-dire 500 000 logements sur les 2 millions de logements vides. C'est facile, ça ne coûte rien, il s'agit simplement d'une assurance."

Jacques Cheminade fait également référence dans son programme à un système de "garantie mutualisée des risques locatifs", tout comme Eva Joly. Et François Bayrou, lui, propose de mettre en place une "mutuelle logement obligatoire pour les locataires, qui garantisse les risques d'impayés et supprime les cautions".

L'idée n'est pas inintéressante...hormis le fait que ce dispositif existe déjà et qu'une proposition de loi a même été déposée par Christian Estrosi le mois dernier pour l'améliorer. En effet, la "garantie des risques locatifs", créée en 2006 et refondue en 2009 par Benoist Apparu, alors secrétaire d'Etat au logement, permet aux propriétaires de se prémunir contre le risque d'impayés de loyers et de faciliter l'accès au logement des plus démunis.

Problème : ce système ne fonctionne pas de façon optimale, car il fait double emploi avec la "garantie loyers impayés" (GLI). Celle-ci est proposée par de nombreux assureurs, tandis que la GRL n'est distribuée que par trois compagnies (DAS, CGI Assurances et Mutuelle Alsace-Lorraine).

Une caution solidaire qui existe depuis 1989

Nicolas Dupont-Aignan souhaite aussi "que l'on accède à la propriété dans notre pays. Il serait possible de faire des prêts à très long terme dans un logement HLM. Vous paieriez 30 ans votre logement HLM, et au bout de 30 ans, vous en seriez propriétaire". Une idée que défend aussi Marine Le Pen, qui voudrait "améliorer les conditions de rachat par les locataires de leur logement social après 10 années d'occupation".

Aujourd'hui, lorsqu'un bailleur vend le logement qu'un locataire occupe, il doit le lui faire savoir au moins six mois avant et le locataire dispose d'un droit de priorité (dit de "préemption") pour acheter ce logement. Si le bailleur est un investisseur institutionnel, il concède systématiquement une réduction sur le prix du bien au locataire.

Du côté de François Hollande, les loyers seraient encadrés et un dispositif de "caution solidaire" serait mis en place pour les jeunes. Là encore, ce dernier existe déjà depuis la loi de 1989 sur l'amélioration des rapports locatifs. Le principe est de faire appel à une tierce personne qui se porte caution, en s'engageant à payer les loyers en cas de défaillance du locataire.

Davantage de logements sociaux grâce au livret A

"J'agirai pour que soient construits au cours du quinquennat 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, soit 300 000 de plus que lors du quinquennat précédent, dont 150 000 logements très sociaux, grâce au doublement du plafond du livret A", déclare François Hollande. Il rejoint sur ce sujet Jean-Luc Mélenchon, qui écrit dans son programme : "le financement des crédits alloués au logement social sera assuré par le relèvement du plafond du livret A à 20 000 euros, la recentralisation de sa collecte par la Caisse des dépôts, la majoration de 0.55% de la contribution des employeurs à l'effort de construction pour établir un véritable 1% logement". Et annonce une taxe "contribution logement" de 10% sur les revenus financiers.

Gel des loyers

Le candidat du Front de Gauche se fait aussi le chantre de la suppression de "toutes les aides fiscales au logement spéculatif privé" et du blocage des loyers, tout comme Philippe Poutou. Eva Joly, elle, est favorable à "un moratoire de 3 ans sur les augmentations de loyers, le temps de mettre en place un "miroir des loyers", comme en Allemagne." Quant à François Bayrou, il ne propose pas le gel des loyers, mais la création d'un "observatoire des loyers qui les rendra public, zone par zone, et sera opposable aux tiers." Pour Marine Le Pen, il faut simplifier le système des aides au logement et réaliser un audit sur les conditions d'occupation des logements sociaux.

500 000 logements

Jacques Cheminade prévoit de construire ou de rénover plus de 500 000 logements par an d'ici 2020. Nathalie Arthaud appelle aussi de son côté à construire 500 000 logements par an. Et le chiffre est le même pour Eva Joly, à quelques nuances près : "Construire chaque année 500 000 logements, à basse consommation d'énergie, dont 160 000 logements vraiment sociaux". De la même façon que Nathalie Arthaud, Philippe Poutou ou Jean-Luc Mélenchon, Jacques Cheminade souhaite réquisitionner les logements vides.

Des "mesurettes"

Au final, selon un sondage IFOP/Guy Hoquet réalisé mi-février, 80% des Français considèrent que les propositions des candidats pour le logement ne sont pas satisfaisantes, et 86% qu'il est primordial que les pouvoirs publics encouragent l'accès à la propriété.
Dans un entretien à La Vie Immo le 13 avril, René Pallincourt, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) s'étonne que "la question du logement, qui est pourtant l'une des préoccupations essentielles des Français, soit à ce point absente du débat électoral. Aucun des candidats ne semble avoir vraiment pris la mesure de la gravité de la situation." Avant d'ajouter qu'aucune des propositions n'est "de nature à booster le marché. Je ne vois que des mesures annexes, aucune idée forte, aucune volonté de soutenir l'investissement locatif ou l'accession à la propriété".