La contestable contribution sur la valeur ajoutée de François Hollande

Par Ivan Best  |   |  633  mots
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Le candidat socialiste précise son projet concernant le financement de la protection sociale. Il veut remplacer certaines cotisations sociales par une contribution assise sur la valeur ajoutée des entreprises. Une réforme dont les effets sur l'emploi sont discutables et qui pourrait pénaliser l'industrie...

Dans cet entre-deux-tours, l'heure n'est plus vraiment aux propositions nouvelles, mais plutôt à l'affrontement entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, au mano à mano, sur des sujets déjà sur la table. Pourtant, la précision donnée jeudi soir sur France 2 par le candidat socialiste, concernant la réforme du financement de la protection sociale, n'est pas anodine. Ce qu'il préconise , et qui ne figurait pas dans son programme, serait un changement majeur dans la manière de financer la sécu. Il suggère de remplacer les cotisations sociales qui alourdissent le coût du travail, par une « taxe carbone payée par les entreprises », mais aussi par une contribution « assise sur la valeur ajoutée ».

"Taxer" les machines
Et François Hollande d'expliquer : « aujourd'hui, quand on embauche un salarié, on paie des cotisations supplémentaires. Mais si on le remplace par une machine, on ne paie plus rien. Il ne faut plus que ce soit le cas ». L'idée, basique, déjà défendue à la fin des années 90 par Martine Aubry, alors ministre du gouvernement Jospin, c'est qu'en taxant ces machines, on éviterait la substitution du capital au travail, ou, plus simplement, des destructions d'emplois. Diminuer les prélèvements sur le travail permet, naturellement, de l'encourager. Mais il y a une contrepartie.
Transférer les cotisations sociales, basées sur le salaire, sur une contribution valeur ajoutée -le rendement global restant constant-, revient en effet à taxer moins les salaires, mais un peu plus le capital, en imposant les profits des entreprises. Car la valeur ajoutée est répartie, grosso modo, entre deux tiers pour les salaires et un tiers correspondant à la rémunération du capital (excédent brut d'exploitation, en comptabilité nationale, équivalent à un profit brut avant impôts et charges financières).

Pas d'effet sur l'emploi à long terme
Quels seraient les effets économiques d'une telle réforme ? L'ensemble des études montrent que le gain à en attendre n'est pas si élevé. A court terme, des créations d'emplois sont possibles. A moyen long terme, le fait de taxer le capital, de soumettre les profits à des prélèvements plus importants, conduit à une baisse de l'investissement. Et donc de l'activité économique. D'où un effet nul ou presque sur l'emploi concluait Bercy en 2006 -la réflexion n'a pas beaucoup changé depuis-. Un effet d'autant plus envisageable que le programme de François Hollande prévoit déjà d'augmenter fortement, de plus de trente milliards d'euros, la taxation des profits des entreprises, à travers la suppression de niches fiscales liées à l'impôt sur les bénéfices des sociétés.

Une réforme pénalisant l'industrie

En outre, selon plusieurs études réalisées, notamment par la Banque de France, l'effet d'une telle réforme serait de pénaliser l'industrie, gourmande en capital. EDF paierait beaucoup plus de cotisations, mais aussi Renault, etc... Une orientation difficilement compatible avec la défense de l'industrie affichée par le candidat Hollande.
Le choix d'augmenter la TVA, retenu par Nicolas Sarkozy, ne fait pas non plus l'unanimité. «Un résultat commun à toutes les simulations est que le basculement d'une cotisation assise sur les salaires vers une cotisation assise sur les salaires et les revenus du capital (comme c'est le cas de la contribution sur la valeur ajoutée, et même de la TVA) a un effet quasi nul sur l'emploi », affirmait le rapport officiel « groupe de travail sur l'élargissement des cotisations employeurs de sécurité sociale ». Un économiste proche de François Hollande se montre plus que gêné, aujourd'hui : « A huit jours du deuxième tour, je ne pourrais que dire, officiellement que c'est une bonne idée. En réalité, c'est une erreur. A mettre sur le compte de la fatique de fin de campagne ».