J-6 : coup d'accélérateur avant le sprint final

Par Sylvain Rolland, avec agences (mis à jour par Marina Torre)  |   |  1718  mots
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Entre polémiques autour du 1er mai, plainte de Nicolas Sarkozy contre Mediapart et préparation du débat télévisé, la campagne d'entre-deux-tours entre dans la dernière ligne droite, à six jours de l'élection.

Sondage : Hollande reste en tête, l'écart se resserre

L'écart se resserre mais ne modifie pas la tendance. Selon un sondage Ipsos pour France Télévisions, Radio France et Le Monde, François Hollande est crédité de 53% des intentions de vote, en baisse de un point, pour le second tour de la présidentielle, contre 47% (+1) à Nicolas Sarkozy. 22% des personnes interrogées et certaines d'aller voter n'ont pas exprimé d'intention de vote.

34% des électeurs de François Bayrou au 1er tour voteraient Hollande, 40% Sarkozy, 26% n'ont pas exprimé d'intention de vote, selon cette enquête. 14% des électeurs de Marine Le Pen se reporteraient sur Hollande, 54% sur Sarkozy, tandis que 32% n'ont pas exprimé d'intention de vote. 80% de l'électorat de Jean-Luc Mélenchon voteraient Hollande, 3% pour Sarkozy et 17% n'ont pas exprimé d'intention de vote. 90% de ceux qui déclarent avoir l'intention de voter Hollande se disent certains de leur choix, ce qui est également le cas de 90% des électeurs choisissant le vote Sarkozy.

Le 1e mai fait fleurir les polémiques 

Critiqués par Nicolas Sarkozy, cajolés par François Hollande, les syndicats étaient au coeur de la campagne ce lundi. A la veille du 1er mai, la fête du Travail a pris un tour éminement politique. Le président-candidat a fustigé la prise de position de la CGT qui avait appelé à voter "contre" lui. Son rival socialiste, de son côté, a adressé une lettre aux organisations syndicales dans laquelle il affirme soutenir leurs "valeurs" et réitère sa promesse de renégocier le traité européen sur la stabilité économique pour y intégrer un volet "croissance".

François Hollande n'a pas prévu de participer à un défilé - il doit commémorer la disparition de Pierre Bérégovoy. Le président-candidat a appelé ses partisans place du Trocadéro à Paris pour un discours à 15h30, tandis que Marine Le Pen et ses troupes défileront près de l'Opéra, comme chaque année.

J-2 avant le débat télévisé

Comme le veut désormais la tradition, des règles strictes présideront au duel réalisé pour TF1 et France 2 par Jérôme Revon avec Yves Barbara choisi par l'équipe de Nicolas Sarkozy et Tristan Carné par celle de François Hollande. Ce débat, organisé dans un studio construit à la Plaine Saint-Denis près de Paris, sera aussi diffusé par les chaînes de télévision BFM-TV, iTélé, LCI et France24 ainsi que par les radios RTL, France Inter, France Info, RMC et Europe 1.

Côté UMP, Valérie Pécresse croit en l'impact du débat télévisé. Pour la ministre du Budget, le président-candidat serait capable de retourner la tendance qui donne François Hollande gagnant en seulement trois heures, comme elle l'a affirmé lundi sur les ondes de Radio Classique.

Traité européen : Valérie Pécresse taxe François Hollande "d'imposture"

"Ce traité ce n'est pas qu'un traité budgétaire et ceux qui essaieraient de le dire seraient dans l'imposture et François Hollande est dans l'imposture quand il dit ça", a déclaré la porte-parole du gouvernement dans un entretien accordé à la chaîne d'information LCI qui devait être diffusé ce lundi soir. "Dans le traité de décembre, il y a d'abord la règle d'or budgétaire qu'il refuse de voter ce qui est contraire à tous les engagements de tous les pays d'Europe, et tous les dirigeants européens, y compris Mario Draghi, ont dit que c'était un préalable", a-t-elle ajouté.

La ministre du Budget a voulu donner son interprétation des propos du du patron de la BCE sur la croissance "Quand Mario Draghi parle de croissance, il parle de réforme structurelle du marché du travail. Donc il parle de l'abandon des 35 heures, donc ce n'est pas du tout la même croissance que François Hollande", a-t-elle affirmé. Pour elle, le programme du candidat PS "est anti-croissance" ajoutant : "la croissance se fera avec de la compétitivité, elle ne se fera pas avec de la dépense publique dont on n'a pas le premier euro".

Sarkozy riposte aux accusations de Mediapart, qui maintient

Face aux accusations de Mediapart, qui révèle une lettre officielle libyenne faisant état d'un accord pour un versement de 50 millions d'euros pour soutenir la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, le président a adopté la même ligne que pour les précédentes révélations concernant l'affaire Bettencourt, l'affaire Karachi ou les premières accusations sur les rapports troubles entre son équipe et le régime du dictateur déchu : l'indignation. Le chef de l'Etat a en outre déposé plainte, ce lundi. Selon l'AFP qui cite des des sources judiciaires, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour "faux et usage de faux" et "publication de fausses nouvelles".

"C'est une infamie. Quand je pense qu'il y a des journalistes qui osent donner du crédit au fils Kadhafi et aux services secrets de M. Kadhafi", avait réagi le président et candidat de l'UMP sur Canal +, avant d'ajouter : "C'est une honte qu'on me pose une question pareille" Auparavant, dans Le Parisien, il avait parlé d'"une tentative pour faire diversion après le retour en scène de M. Strauss-Kahn, qui est tout sauf à l'avantage des socialistes". Samedi, Bernard Cazeneuve, un des porte-parole de François Hollande, avait demandé à Nicolas Sarkozy de "s'expliquer devant les Français" face "à des éléments aussi graves". Un autre membre de l'équipe Hollande, Delphine Batho, avait jugé que "l'ouverture d'une information judiciaire et la désignation d'un juge indépendant s'impos(ai)ent".

François Fillon a dénoncé des "boules puantes" et s'en est pris à Mediapart, qualifié d'"officine financée par de riches amis de François Hollande". Le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, a répliqué en affirmant que le site "n'est pas une officine mais un journal animé par des journalistes professionnels" dont les actionnaires majoritaires "sont ses journalistes fondateurs". "Mediapart maintient le sérieux et la fiabilité de ses informations, fruit de dix mois d'enquête sur les relations nouées depuis 2005 par le premier cercle de Nicolas Sarkozy avec le régime dictatorial du colonel Kadhafi", a ajouté Edwy Plenel.

Les frontières au coeur du projet de Nicolas Sarkozy

En déplacement à Toulouse, Nicolas Sarkozy a théorisé dimanche son discours controversé sur l'immigration et l'identité nationale en célébrant la Nation et les frontières et en affirmant son refus de voir la France "se diluer dans la mondialisation". Dans un discours écrit par sa "plume" habituelle Henri Guaino, le président sortant et candidat de l'UMP s'est appliqué pendant une heure à donner de la hauteur à sa stratégie de reconquête des quelque 6,5 millions d'électeurs qui se sont prononcés pour Marine Le Pen le 22 avril en exaltant le "sentiment national" et la "fierté" d'être français. "Je ne veux pas laisser la France se diluer dans la mondialisation, voilà le message central du premier tour", a-t-il résumé devant des milliers de partisans (12.000 selon l'UMP), "l'Europe a trop laissé s'affaiblir la Nation (...) les pays qui gagnent aujourd'hui, c'est les pays qui croient dans l'esprit national".

Comme il le fait à chacune de ses prestations, Nicolas Sarkozy a accusé "la pensée unique, le système, notamment le système médiatique", coupable cette fois d'avoir "confondu le sentiment national, qui est hautement respectable, avec le nationalisme qui est une idéologie profondément dangereuse". Mais, pour se démarquer du FN, il a fait la différence entre "l'amour de sa patrie" et la "haine des autres" en opposant "le patriotisme", qui est "l'amour de la patrie", au "nationalisme" qui est "la haine de l'autre". Pendant de longues minutes, Nicolas Sarkozy a également exalté la notion de "frontière". "Mon projet, c'est de remettre les frontières au centre du débat et de la question politique, c'est un enjeu majeur", a-t-il dit. "Je ne me résignerai jamais à l'aplatissement du monde (...) je n'accepterai pas qu'il n'y ait plus aucune différence entre être Français et ne pas l'être", a insisté le chef de l'Etat en mettant en garde contre le risque que "nous disparaissions en tant que civilisation".

François Hollande fait salle comble à Bercy et appelle à la mobilisation

En meeting dans la salle omnisport de Paris-Bercy, dimanche, comble, le candidat socialiste à appelé à la "mobilisation" et à la "responsabilité", et "à ne pas céder à la douceur suave des sondages". "Les problèmes de notre pays ne vont pas disparaître avec le candidat sortant, ce serait trop simple", a mis en garde le candidat PS, prévenant que ce serait "dur après", avec "la dette" qui sera "toujours là" et "la croissance" qui "ne repartira pas d'un bond dès lors que les Français auront voté".

22.000 personnes, selon les organisateurs - dont 3.000 restées dehors qui suivaient sur grand écran selon le PS -, ont assisté à ce discours d'une heure et quart, marqué à la fin par un "bis" inédit dans la campagne du socialiste. "La ferveur était telle que François n'était pas pressé de partir", a résumé le maire de Paris Bertrand Delanoë, présent au côté de toute la famille socialiste, de Ségolène Royal à Lionel Jospin, de Robert Badinter à Martine Aubry... Des célébrités étaient aussi de la partie, dont Vincent Lindon, Josiane Balasko, Guy Bedos, Jacques Higelin....

Dans un discours ponctué de "François président!" et d'applaudissements, le député de Corrèze a repris tous ses thèmes fondamentaux: rassemblement, République, laïcité, école, jeunesse, égalité... En contrepoint de la campagne de Nicolas Sarkozy, qui veut s'adresser en particulier aux 6,4 millions d'électeurs du FN, François Hollande entend "réconcilier la France", et veut faire de 2012 "une date historique" pour reprendre "la longue marche du progrès". Le favori des sondages a aussi ironisé sur l'accusation lancée régulièrement par Nicolas Sarkozy d'un supposé appel de "700 mosquées" à le soutenir. "Quitte à proférer un mensonge, il aurait pu dire 700 églises ou 700 temples ou 700 synagogues, non, 700 mosquées! Que voulait-il insinuer?", a-t-il fait mine de s'interroger.