Le spectre de l'austérité plane sur l'affrontement Sarkozy-Hollande

Par Robert Jules  |   |  1015  mots
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Nicolas Sarkozy et François Hollande évitent de parler de politique d'austérité ainsi que de deux nécessités qui en découlent et se poseront rapidement et concrètement au futur président de la république française : les réformes structurelles et l'intégration européenne.

Austérité ou pas ? Y penser mais jamais le dire, surtout pas, cela pourrait faire perdre des voix. Le président sortant, lui, a fixé sa terminologie en la matière. L'austérité c'est quant les salaires et les retraites baissent comme c'est le cas en Espagne, en Italie, au Portugal ou en Grèce. Ce n'est pas le cas en France où le train de vie de l'Etat et de ses services est réduit sans un tel impact négatif. Ainsi en 2011, le déficit public a été ramené à 5,2% du PIB, inférieur à l'objectif initial de 5,7%. Ce résultat a été atteint en large partie grâce à une augmentation des taxes. Pour 2012, l'objectif est de 4,3% (et de 3% en 2013), une nouvelle hausse des taxes suffira-t-elle d'autant qu'à partir d'un certain seuil cela devient une incitation à quitter le pays ? Rien n'est moins sûr.

"Pas d'alternative à l'austérité", selon le Financial Times

Pour autant, la volonté de François Hollande de remplacer le discours de l'austérité par celui sur la croissance risque de se heurter à la réalité d'une conjoncture dont les perspectives se dégradent rapidement. "Mr Hollande dit qu'il remplacera l'austérité par la croissance. Pourquoi personne n'y a-t-il pensé avant ?", ironisait lundi dans le Financial Times l'éditorialiste Gideon Rachman dans un article intitulé sans appel "Il n'y a pas d'alternative à l'austérité". François Hollande compte notamment investir dans les infrastructures. Mais Rachman rappelle que ce type d'investissements est déjà à l'?uvre dans nombre de pays depuis des dizaines d'années. L'Espagne, la Grèce et le Portugal ont précisément bénéficié d'importants travaux de ce type grâce à l'Europe, cela ne les empêche pas de se retrouver dans une situation difficile aujourd'hui. En résumé, ils sont une solution dans certaines conditions mais pas dans une crise comme celle que l'on connaît. Car ces travaux ne font qu'ajouter à court et moyen terme de la dette à la dette sans nécessairement se traduire par une croissance durable.

Les limites de la rigueur

Toutefois, l'austérité comme viatique a atteint également ses limites. Nombre de pays européens sont désormais en récession : six dans la zone euro dont le PIB s'est d'ailleurs contracté au dernier trimestre de 2011 mais aussi la Grande-Bretagne montrant que le cercle vicieux de l'austérité et de la récession s'élargit dangereusement, éloignant tout retour de la croissance à court terme. Par ailleurs, l'austérité, il faut le rappeler, n'est pas une politique choisie par les Etats mais imposée par la méfiance des prêteurs qui doutant de la solidarité de la zone euro - comme l'a montré la gestion laborieuse durant des mois pour trouver une solution à la Grèce - intègrent une prime de risque sur les pays les plus fragiles. Aussi, les gouvernements sont-ils conduits à devoir réduire leurs besoins d'emprunt. Les cas de la France, de la Belgique et des Pays-Bas ont d'aillerurs montré dernièrement que la cherté de l'argent à emprunter obligeait même ces pays à devoir réduire leur train de vie et le poids de la dette.

Tant que cette logique de réduction des déficits, qui n'a rien à voir avec une quelconque vertu morale, sera exigée par les marchés, il sera difficile d'y échapper, et cela vaut aujourd'hui pour des pays comme l'Autriche et les Pays-Bas qui l'année dernière encore faisaient partie des faucons qui derrière Berlin stigmatisaient les PIIGS. Toutefois, les plans d'aide Europe-FMI aux pays qui n'avaient plus accès aux marchés comme la Grèce, l'Irlande et le Portugal montrent que les conditions posées sont drastiques, le FMI devant de par ses statuts récupéré l'argent prêté, et Bruxelles, poussée par Berlin, refusant de réduire le rythme de réduction dicté par le pacte de stabilité qui a fixé à moins de 3% le déficit public en 2013.

Reculer l'objectif d'un déficit public à 3% du PIB

Dans ces conditions, comment la France pourrait échapper à une telle logique, avec des dépenses publiques représentant 56% du PIB ? Une partie de la réponse se trouve dans une intensité moindre de cette politique de réduction des déficits. Pas contre l'austérité, mais pour moins d'austérité. C'est d'ailleurs ce que souhaite obtenir François Hollande : reculer l'objectif d'une ou deux années du pacte de solidarité. Pour le moment, Berlin fait la sourde oreille. Mais le cas de l'Espagne montre que malgré l'annonce des coupes de quelque 37 milliards d'euros et un relèvement de son objectif de déficit pour cette année, de 4,4% à 5,3%, il n'est pas sûr que Madrid y parvienne d'autant que la situation intérieure du pays se détériore socialement. L'Espagne détient un triste record en matière de chômage : 1 personne sur 4 actifs est officiellement sans emploi.

Tous pour la croissance, mais laquelle?

Aussi en imposant sur l'agenda européen la nécessité de faire une place à un volet croissance, François Hollande semble avoir rallié nombre de responsables européens à cette idée. Il est vrai qu'à Berlin et à Rome, on est désormais aussi en faveur de la croissance -mais qui ne le serait pas ? - sauf que l'on en donne une définition différente des classiques relances keynesiennes : la nécessité d'opérer des réformes structurelles comme celles du marché du travail, de l'éducation, du rôle de l'Etat dans l'économie... qui combinées avec une réduction du déficit public devrait permettre d'améliorer la compétitivité des pays européens dans l'économie globalisée et renouer - réellement - avec la croissance. De telles idées ne sont pas nouvelles, puisqu'elles sont en large partie listées dans le programme du « single market », élaboré par Bruxelles dans le cadre de l'agenda 2020. Mais pour cela, il faudra accepter davantage d'intégration européenne. Or, sur les réformes structurelles comme sur l'intégration européenne, les deux candidats à l'Elysée se sont montrés fort discrets.