Dépenses publiques : les économies ne sont pas forcément là où on le croit

Par Ivan Best  |   |  746  mots
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La France se situe au dixième rang des pays l'OCDE s'agissant du niveau des dépenses collectives (Défense, sécurité, justice, éducation, administration, lutte contre la pauvreté...). Ce n'est pas donc là qu'il sera le plus facile de couper, alors que François Hollande promet de diviser par deux le rythme de progression des crédits publics. Restent les dépenses sociales, à la remise en cause politiquement très sensible.

On décrit des policiers français en plein malaise, notamment en raison d'un manque d'effectifs. Les parents d'élèves se mobilisent contre les suppressions de classe, réclamant plus de moyens pour une éducation nationale jugée exsangue. Et pourtant, comme Nicolas Sarkozy l'a répété tout au long de son quinquennat, comme le soulignent à l'envi de nombreux économistes ou experts bruxellois, la dépense publique est très lourde, en France. Il y aurait donc comme un hiatus ?
A voir les données publiées par Eurostat, il est incontestable que les dépenses publiques sont en France particulièrement élevés, en regard des « standards » européens. Elles représentent 55,9% du PIB (chiffres de 2011). En Europe, seul le Danemark affiche un taux supérieur (57,9%). La Finlande est en dessous (54%), de même que la Suède (51,3%). L'Allemagne se situe à 45,6% de la richesse nationale.

La France au dixième rang
Il devrait être aisé, dans ces conditions, de réduire les crédits de l'Etat, sans beaucoup de casse, entend-on souvent. Sauf que, à considérer ces crédits, la France est loin d'avoir un Etat aussi dispendieux. qu'on l'imagine Comme le souligne l'économiste Xavier Timbeau (OFCE) dans une contribution récente, les dépenses publiques collectives stricto sensu, qui vont de la sécurité à l'administration du pays, en passant par la lutte contre la pauvreté, représentent en France seulement 18,2% du PIB (si l'on met à part les dépenses d'assurance sociale, publiques, mais individualisables). Cela situe la France au dixième rang des pays de l'OCDE, en dessous des Etats-Unis, de l'Italie... Aux Etats-Unis, par exemple, les dépenses de sécurité dépassant les 6% du PIB... Au total, s'agissant des grands pays, les écarts concernant cette dépense publique au sens strict sont en réalité relativement faibles: elle se situe toujours autour des 20% du PIB. Au cours des dernières années, cette dépense a baissé, en France, en proportion du PIB, contrairement à ce qui s'est produit en Grande Bretagne, ou aux Etats-Unis.

Le choix d'assurances sociales publiques
Si la dépense publique atteint un record ou presque, en France, c'est en raison du poids d'assurances sociales (retraites et assurance maladie, notamment) exclues du calcul précédent. C'est là que pourraient se situer les économies. Mais les prestations versées sont-elles réellement trop généreuses en France, expliquant l'écart avec les autre pays ? Le cas des dépenses de santé est symptomatique. Si l'on considère les dépenses publiques, elles représentent près de 10% du PIB en France, contre 9% aux Etats-Unis. Les Américains seraient donc plus économes... Mais, si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses maladie, y compris celles financées par des assurances privées, force est de constater que leur poids est beaucoup plus élevé Outre-Atlantique : 16% du PIB, selon l'OCDE, contre 11% en France. Le gaspillage change de camp...
La question est bien celle du choix entre recours à des assurances privées ou à un système public. La gestion privée est-elle plus efficace ? S'agissant de la santé, l'exemple américain tendrait à prouver le contraire. Il a été démontré que les assurances privées, aux Etats-Unis, dépensaient une bonne part de leurs recettes en marketing, afin de recruter de nouveaux clients, ce qui explique une partie de l'écart.

La sécurité sociale, un sujet sensible
En tout état de cause, une assurance, qu'elle soit privée ou publique, a un coût. La question du poids de la dépense publique (et, par là même, des prélèvements obligatoires) est moins économique que politique, il s'agit d'un choix de société : veut-on laisser le marché opérer, au risque que certains salariés ne bénéficient pas de couverture sociale ou préfère-t-on que l'Etat fixe les règles, contraignant les acteurs à se soumettre au même régime et mêmes prélèvements ?
Sans aller jusqu'à privatiser la Sécurité sociale, des économies sur les dépenses sociales sont envisageables. Les possibilités existent d'une plus grande rationalisation. Les proches de Nicolas Sarkozy avaient d'ailleurs prévu d'économiser 13 milliards sur l'assurance maladie. Mais le sujet est sensible. Voilà quelques années, la seule évocation d'une rationalisation, par exemple, du régime favorable des affections de longue durée, avait provoqué une véritable levée des boucliers. Eric Woerth, qui avait lancé la proposition, avait reculé immédiatement...