Logement : Hollande peut-il oublier la chute du secteur privé ?

Par Ivan Best  |   |  813  mots
Thierry Repentin, président de l'Union sociale pour l'Habitat, devrait être nommé mercredi ministre du logement Copyright Reuters
Le nouveau président insiste dans son programme sur le logement social. Mais l'achat de logements dans le secteur privé s'effondre, et les professionnels réclament un nouveau soutien. Un casse-tête pour la nouvelle équipe, qui ne veut pas entendre parler de nouvelle niche fiscale.

Un impôt sur le revenu simplifié et surtout plus juste. Voilà ce que souhaite François Hollande, qui, comme tous les spécialistes de la fiscalité, entend mener la chasse aux niches fiscales, lesquelles n'aboutissent qu'à miner l'assiette de l'impôt. Dans ces conditions, créer de nouveaux avantages fiscaux relève de l'impensable. Et pourtant... le nouvel exécutif, dont le probable futur ministre du logement, Thierry Repentin, proche du mouvement HLM, va affronter rapidement une demande pressante de la part du secteur du bâtiment, qui fait face, sans que cela fasse plus de bruit -présidentielle oblige- à un véritable effondrement de son activité. Qu'on en juge : au cours du premier trimestre, les promoteurs ont enregistré une chute de 25% de leurs ventes, par rapport au premier trimestre 2010, selon Guy Portmann, vice-président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Par rapport à 2010, la chute atteint même 39%. 

Tous les secteurs touchés

Nexity, un des deux principaux promoteurs français avec Bouygues, a indiqué récemment avoir enregistré une chute de 20% de ses ventes pour les trois premiers mois de 2012. Tous les secteurs de la construction de logements sont touchés. La maison individuelle l'est un peu moins que la moyenne, mais à peine. Ainsi, Christian Louis-Victor, président de l'Union des Maisons Françaises, indique que les ventes ont plongé de 17% au premier trimestre. Il souligne surtout que le mouvement s'accélère. Toutes les régions sont frappées par ce phénomène (même l'Ile-de-France avec -21%) et certaines grandes métropoles sont particulièrement affectées (-77% à Rouen, -47% à Bordeaux et -44% à Toulouse).

Cette chute des achats va bien sûr se répercuter sur les mises en chantiers. Déjà, le climat des affaires dans le bâtiment, qui s'était amélioré en 2010 et début 2011, est orienté à la baisse. Une baisse qui s'est accentuée en avril, selon l'enquête mensuelle de l'Insee. Les perspectives du secteur sont bien inférieures à leur moyenne de longue période, soulignent les experts de l'Insee.

Les professionnels apellent au secours

Face à cette situation, les professionnels du secteur se tournent vers le nouvel exécutif, réclamant des mesures de soutien. Comment leur opposer une fin de non recevoir, alors que François Hollande veut promouvoir la construction de logements, pour atteindre les 500.000 par an ? Sur les 12 derniers mois, à fin mars, ce sont 366.000 constructions logements qui ont été mise en chantier (hors construction sur bâtiment existant).

Les acteurs du bâtiment savent à quel point les niches fiscales ne sont plus de saison. Même si la chute de la demande de logements neufs tient, pour une bonne part, à l'extinction du dispositif Scellier favorisant l'investissement locatif, (les ventes assorties de cet avantage fiscal plongent de 60%), on imagine les réticences de la nouvelle équipe au pouvoir ré-inventer un tel système. Même s'il ne s'agit pas d'un déduction du revenu imposable, mais d'une réduction directe de l'impôt (13% du montant investi en 2012, pour un logement aux normes basse consommation), ce qui, d'ordinaire, est considéré comme moins "injuste", le Scellier a mauvaise presse à gauche. La fédération française du bâtiment estime pourtant qu'un coup de pouce sera nécessaire, en faveur de l'investissement locatif. Non sans argument : comment faire en sorte que les investisseurs qui visent la location achètent des logement neufs, forcément plus chers que les anciens, si aucun dispositif fiscal ne les y incite ? Ils se tourneront alors vers les logements existants, avec un effet négatif, évident, sur la construction. "Il faut un nouveau dispositif fiscal" insiste la Fédération française du bâtiment.

Thierry Repentin insiste sur le logement social

S'agissant de l'achat de logements destinés à la résidence principale, les professionnels demandent aussi une extension du prêt à taux zéro, qui pourrait être ciblé sur les classes moyennes, les "riches" en étant exclus. Alors que les prix de l'immobilier, ne baissent actuellement qu'à la marge, l'actuel PTZ, qui ne ne concerne plus que le logement neuf, manque souvent sa cible, ne permettant pas aux acheteurs potentiels de monter un dossier.

A ce stade, Thierry Repentin, qui a inspiré le programme "logement" de François Hollande, insiste beaucoup sur le logement social (il préside l'Union sociale pour l'habitat, qui fédère le mouvement HLM), avec le doublement du plafond du livret A, sensé apporter des ressources à ce type de construction. Mais le privé peut-il rester à l'écart de la politique du nouvel exécutif ? Les professionnels rappellent que le secteur du bâtiment (123 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011 dont près de la moitié dans le neuf et 1,1 million d'actifs au sein de 350.000 entreprises) est un des principaux moteurs de l'économie française, représentant près de 7% du produit intérieur brut (PIB).