Pour alléger le coût du travail, il faut taxer l'immobilier, selon l'OCDE

Par Ivan Best  |   |  633  mots
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Pour financer un allègement du coût du travail, l'OCDE préconise de taxer plus fortement l'immobilier et les successions, en France. Une politique qui heurterait fortement...

La France est l'un des pays, en Europe, qui taxe le plus le patrimoine. Selon les statistiques d'Eurostat comme de l'OCDE, l'imposition de la détention du patrimoine (immobilier ou mobilier) ou des plus-values réalisées lors de la revente, représente 3,4% du PIB. C'est beaucoup plus qu'en Allemagne (0,8%) ou en Italie (1,9%). Même les pays affichant des prélèvements obligatoires globalement supérieurs à ceux constatés en France (Danemark, Suède et Belgique) imposent nettement moins le patrimoine. En Suède, il est frappé à hauteur de 1,1% du PIB... En fait, le seul pays européen affichant des taxes plus lourdes est la... Grande-Bretagne (4,2% du PIB).

Les Anglo-saxons taxent l'immobilier
Ce modèle britannique, et aussi américain (aux Etats-Unis, le patrimoine est imposé légèrement plus qu'en France), l'OCDE (qui réunit plutôt des experts d'obédience libérale) suggère à la France de s'en inspirer. Dans son dernier rapport sur les perspectives économiques, publié mardi, l'organisation propose au nouveau gouvernement français de réaliser des économies sur les dépenses publiques, mais aussi d'alléger les prélèvements frappant le travail, en finançant cette politique par l'instauration d'une fiscalité écologique et en alourdissant les taxes sur la propriété immobilière et les successions...
Pourquoi une telle préconisation ? De fait, en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, le patrimoine est fortement taxé, les impôts correspondant y représentent 12,2% et 13,7% des recettes fiscales, contre 8% en France. Il n'existe pas d'impôt sur la fortune, dans ces deux pays. L'imposition du patrimoine y prend la forme de taxes très lourdes sur la propriété immobilière.

Des impôts sur la propriété équivalents à l'ISF
Ainsi, le propriétaire d'une maison en Californie peut payer des impôts - essentiellement locaux - correspondant chaque année à 1% de la valeur de son bien. Un véritable ISF... Rien à voir avec notre taxe foncière. En Grande-Bretagne, les « property taxes » représentent 49 milliards de livres sterling de recettes annuelles, selon l'OCDE (soit 59 milliards d'euros), contre 45 milliards d'euros en France. Ce chiffre global inclut la taxe d'habitation (14,4 milliards) les taxes foncières (13,6 milliards), l'enlèvement des ordures ménagères (5,75 milliards) et la contribution que paient les entreprises sur leurs bâtiments (10,3 milliards).
Pour les experts de l'OCDE, tout l'intérêt de taxer l'immobilier est qu'il n'est pas délocalisable, au contraire du travail. Pour encourager l'emploi dans l'Hexagone, il faut donc le détaxer. Et l'immobilier constitue une piste intéressante de financement...

Spécificités françaises
Cette préconisation répond à une logique économique, mais ne prend évidemment pas en compte les spécificités françaises. Il n'est que de voir les réactions qu'a suscitées le durcissement de la taxation des plus-values sur les ventes de résidences secondaires, à l'automne 2011, pour constater à quel point le sujet est sensible. Et il ne s'agissait que de résidences secondaires...

L'accession à la propriété représente en France un objectif pour une grande majorité de la population, même si moins de 60% des ménages y parviennent. Imposer plus lourdement les classes moyennes qui ont souvent acquis leur logement à la périphérie des zones urbaines, en raison de prix exponentiels dans les centre villes, pourrait mettre le feu aux poudres. On sait le vote Front national déjà élevé dans ces zones péri-urbaines...

Quant à l'idée de taxer plus fortement les successions, elle heurte aussi, des habitudes bien ancrées. Sa mise en ?uvre passerait pas une imposition des successions moyennes, aujourd'hui largement exonérées, puisque les plus importantes sont déjà fortement imposées. A moins de remettre en cause les dispositifs existant en faveur de la transmission d'entreprises... ce qui ne serait pas favorable au dynamisme de l'économie...