Chômage : les marges de manoeuvre se réduisent

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  760  mots
Copyright Reuters
Selon les dernières statistiques du Bureau International du Travail, le taux de chômage en France Métropolitaine s'établit à 9,6% au premier trimestre. Et, faute de croissance, la courbe devrait continuer de s'envoler. Pour tenter de freiner le mouvement, le gouvernement dispose d'armes à l'efficacité relative: projet de loi contre les licenciements abusifs, nouvelle enveloppe budgétaire pour les emplois aidés, fin des exonérations sur les "heures sup".

Quelle que soit la majorité qui sortira des urnes le 17 juin à 20 heures, elle devra affronter un fort avis de tempête sur le front du chômage. Faute de croissance - nulle au premier trimestre, peut-être négative au deuxième- l'emploi est en panne et le chômage flambe. Ainsi, selon les dernières statistiques communiquées par l'Insee, le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) a progressé de 0,3 point au premier trimestre (par rapport à la fin 2011) en France métropolitaine pour s'établir à 9,6%, soit 2,7 millions de personnes au chômage. Si l'on inclut les Dom, ce taux atteint même la barre symbolique des 10%. Et il n'y a aucune raison pour que les choses s'améliorent, alors que le gouvernement table sur une croissance 2012 réduite à 0,5%.

Le taux de chômage pourrait se rapprocher de 10,5% a la fin 2012

Or, comme l'explique Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), "la France commence à recréer des emplois avec environ 1% de croissance et le chômage commence lui à baisser avec 1,5%".  D'ailleurs, phénomène inquiétant, le taux d'emploi des 15-64 ans à diminué de 1 point au premier trimestre pour s'établir à 63,8%. Et le sous-emploi - personnes travaillant à temps partiel et salariés en chômage partiel - s'élève à 5,2% des personnes en emploi. Bref, de très mauvais indicateurs... Et ce n'est pas fini ! Mathieu Plane juge plausible que le taux de chômage approche les 10,5% à la fin de l'année. Pis, à ce rythme, le triste record de l'année1997 (11,2%), pourrait être atteint, voire dépassé, au cours du premier semestre 2013... Surtout si le gouvernement, quel qu'il soit, se voit contraint d'accentuer une politique de rigueur pour tenir la promesse de ramener le déficit public à 3% du PIB la fin 2013, contre au moins 4,5% en 2012... Soit un effort budgétaire d'au moins 28 milliards d'euros.

Les faibles marge de manoeuvre du gouvernement

Dans un tel contexte, les marges de man?uvre pour lutter contre le chômage s'avèrent extrêmement limitées. Il y a, bien sûr, l'arme législative pour surenchérir le coût des licenciements. Le ministre du Travail, Michel Sapin, dans une interview au quotidien "Les Echos" daté du 7 juin, laisse entendre qu'il pourrait y avoir un projet de loi dans ce sens "face à certains licenciements qui ne sont pas justifiés économiquement et ont pour seul but de faire augmenter les dividendes". Certes, mais il s'agit là d'une minorité des licenciements. Selon les dernières statistiques du ministère du Travail sur le nombre des demandeurs d'emploi, les licenciements économiques (individuels et collectifs) représentent tout juste... 3% des motifs d'inscriptions au chômage. En d'autres termes, les plans sociaux provoquent un effet loupe qui ne correspond pas à la réalité du chômage. "Les entreprises n'aiment pas mener des plans sociaux. C'est un ultime recours", précise Mathieu Plane. En revanche, les fins de contrats à durée déterminée et les fins de missions d'intérim - dont on parle en revanche très peu - sont à l'origine de respectivement 25,2% et 6,4% des inscriptions à Pôle Emploi. Ces fins de contrats constituent la première variable d'ajustement. Et ce n'est pas une loi sur les licenciements "boursiers" qui changera quelque chose à ce fait.

Vers une rallogne budgétaire pour les contrats aidés

Bien entendu, il y a aussi les mesures contracyclique, tels les emplois aidés. Hélas, l'enveloppe budgétaire allouée à ces contrats a déjà été presque entièrement  consommée au premier semestre  (220.000 contrats aidés lancés). Michel Sapin reconnaît  "qu'il y en aura moitié moins au second semestre soit 112.000, ce serait extrêmement dommageable". D'où, sans doute, l'idée d'une rallonge budgétaire en faveur des contrats aidés qui pourrait être prévue dans le collectif budgétaire, probablement examiné en Conseil des ministres le 27 juin. Mais, là aussi, on est loin de l'arme fatale contre le chômage.Quant au "contrat de génération" cher à François Hollande, il ne verra pas le jour avant 2013. Restent d'autres mesures, comme la remise en cause partielle des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, prévue par le candidat Hollande. Certes, en période de croissance nulle, voire négative, la "concurrence" entre  "heures sup" et emploi apparaît absurde. Mais, la non plus, il ne faut pas attendre des miracles pour l'emploi de cette remise en cause... Les faits sont têtus, sans croissance le chômage va bien continuer de progresser.