Déficit public : pourquoi les 3% ne seront pas atteints en 2013

Par Ivan Best  |   |  800  mots
Pierre Moscovici réaffirmera ce mercedi l'objectif de 3% de déficit en 2013. Inatteignable...Copyright AFP
Sauf à ce que les dirigeants européens finissent pas modifier le calendrier de redressement budgétaire, le gouvernement français maintiendra son objectif d'un déficit public ramené à 3% du PIB en 2013. Dans le contexte actuel de récession européenne, ce chiffre ne pourra être atteint. Explications

Le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, le réaffirmera autant de fois que nécessaire... tant qu'un conseil européen n'en aura pas décidé autrement: la France ramènera son déficit public à 3% du PIB en 2013 (contre un niveau proche de 5% en tendance en 2012).  Et pourtant. A moins d'un improbable rebond de la croissance en Europe, cet objectif ne sera pas atteint. Dans la situation de récession que connaît la zone euro - le PIB y baissera cette année- il n'est pas possible de réduire aussi vite un déficit.

«Dans un tel contexte conjoncturel, dès que le resserrement budgétaire dépasse un point de PIB par an, on ne tient pas ses engagements » souligne l'économiste Florence Pisani (Dexia Asset management). Tout simplement parce que la réduction à marche forcée du déficit provoque une contraction supplémentaire de l'activité, d'où une chute supplémentaire des recettes fiscales et une hausse du chômage, source de dépenses publiques supplémentaires. « In fine, on se retrouve avec un déficit plus élevé », relève Florence Pisani. C'est ce qui s'est passé, de manière caricaturale, en Grèce, et, dans une moindre mesure en Espagne, ainsi qu'en Italie.

Deux hypothèses, qui excluent la réalisation des 3% en 2013

Deux hypothèses sont en fait envisageables. La première suppose que les pays de la zone euro fassent collectivement preuve de pragmatisme, et acceptent, comme le disent les économistes de Dexia « un rééquilibrage plus lent des budgets ». Autrement dit, les pays européens repoussent dans le temps la perspective de l'équilibre, ou tout au moins celle des 3% de déficit. Ils ne peuvent le faire que collectivement. Car si Paris annonçait unilatéralement sa renonciation aux 3% de déficit en 2013, les marchés attaqueraient immédiatement la France.

Cette décision de repousser les échéances n'empêcherait pas que des mesures soient prises pour réduire le déficit. Mais seulement de façon mesurée, afin d'éviter l'entrée des économies dans de véritables cercles vicieux. A cette condition, la croissance dans la zone euro peut, péniblement, reprendre des couleurs, et atteindre 1,1% en 2013 (la France serait proche de ce niveau), selon les prévisions des experts de Dexia Asset Management. Sinon...

Si l'objectif  est maintenu coûte que coûte...
Deuxième hypothèse : en raison des blocages allemands, les pays européens maintiennent coûte que coûte l'objectif d'un déficit ramené à 3% l'année prochaine. Le gouvernement français est alors contraint d'additionner les mesures de rigueur, dès cet été, et tout au long de l'année 2013, à mesure que le marasme conjoncturel creuse le déficit public. Les hausses d'impôts se succèdent. Même si elles sont d'abord ciblées sur les grosses entreprises bénéficiaires, la ponction ne peut pas ne pas avoir d'effet sur l'économie. C'est autant d'argent disponible en moins pour investir. Et il faut sans doute aller au-delà des entreprises et des « ménages riches ».

Quant aux coupes dans les dépenses, elles finissent par être décidées. Qui peut raisonnablement penser qu'elles sont sans effet macro-économique ? Baisser les retraites ou même simplement geler les retraites, par exemple, c'est évidemment retirer du pouvoir d'achat. A vouloir atteindre à tout prix l'objectif de 3% de déficit, François Hollande précipite alors l'économie française dans la récession (plus question de la croissance de 1% en 2013 qu'anticipent aujourd'hui les conjoncturistes). Et manque, à coup sûr, la cible...

Les exemples de redressements budgétaires
Des exemples de «redressements budgétaires » rapides sont, pourtant, souvent mis en avant. En France, on évoque couramment les cas suédois et canadiens, dont il conviendrait de s'inspirer. Envisageable ? D'une part, contrairement à une affirmation répandue, ces pays n'ont pas réduit leur dépense publique. Sur cinq ans, ils sont parvenus à la geler (en milliards de dollars canadiens et de couronnes suédoises), ce qui représente déjà une performance. Si le poids de cette dépense dans le PIB a fortement reculé, c'est uniquement en raison de la hausse de ce PIB...Celui-ci a crû de près de 5% au Canada, l'année de la sortie de crise, et de 4% en Suède. C'est justement grâce à un retour rapide à la croissance, gage de recettes fiscales en hausse, que le Canada et la Suède ont rétabli leurs comptes.
Comment cette croissance a-t-elle été obtenue? Par la dévaluation des devises canadiennes et suédoises, dévaluation qui a boosté les exportations de ces deux pays. Ainsi, le dollar canadien a chuté de 20% par rapport à la devise des Etats-Unis.
Une solution qui n'est évidemment pas envisageable dans la zone euro.