Les avantages fiscaux accordés au mécénat menacés d'un coup de rabot

Par Ivan Best et Sandrine Cassini  |   |  685  mots
Aurélie Filippetti, ministre de la culture Copyright Reuters (Crédits : AFP)
Le ministère du Budget veut réduire de moitié les avantages fiscaux accordés au mécénat d'entreprise. La ministre de la culture, Aurélie Filippetti, explique à la Tribune pourquoi elle s'oppose à ce projet

Présenté le quatre juillet, le projet de loi de finances rectificative ne comprendra pas la taxation à 75% des très hauts revenus, a annoncé Jean-Marc Ayrault. Ce « collectif budgétaire » prévoira l'annulation la TVA sociale, votée cet hiver, l'instauration d'une surtaxe d'ISF, de façon à que les riches paient cette année un impôt correspondant à l'ancien barème, et surtout une série de mesures d'urgence, destinées à faire rentrer plusieurs milliards d'euros supplémentaires dans les caisses de l'Etat, dès cette année. Il s'agit de réduire le déficit budgétaire, d'urgence.

L'impôt sur les sociétés dans la ligne de mire

L'impôt sur les bénéfices des sociétés est, on le sait, dans la ligne de mire. Une série de niches fiscales attachées à cet impôt, vont être remises en cause. Le programme fiscal de François Hollande, élaboré dès la fin janvier, prévoyait entre autres, au titre de la «définanciarisation de l'économie » la « remise en cause d'avantages fiscaux excessifs ». Le document transmis aux journalistes mentionnait à ce titre : « prime de partage des profits, utilisation du crédit impôt recherche de manière financière, restriction du mécénat ».

Bataille au sein du gouvernement

Ce dernier point provoque déjà une véritable bataille au sein du gouvernement, entre Bercy et le ministère la Culture. Car le ministre du budget, Jérôme Cahuzac, a précisé ses intentions : il veut diviser par deux l'avantage fiscal lié au mécénat d'entreprise. Aujourd'hui, 60% des sommes accordées par les entreprises à des associations (qui oeuvrent aussi bien dans le domaine social que pour la culture) sont déduites de l'impôt sur les bénéfices. Autrement dit, pour 100 euros de dons, le coût réel pour l'entreprise n'est que de 40, puisque 60 euros d'impôt sur les sociétés sont économisés.
Bercy juge ce dispositif beaucoup trop avantageux. Et voudrait ramener la déduction à 30% des dons. Avec, en contrepartie, la suppression du plafond de dons existant aujourd'hui, qui correspond à 0,5% du chiffre d'affaires.  Objectif affiché : permettre aux PME, qui atteignent souvent ce plafond, de donner plus. Quant aux grandes entreprises, elles sont peu motivées par la déduction fiscale : le mécénat est pour elles une question d'image. L'économie d'impôt qu'elles réalisent en donnant aux associations n'est pas, souvent, leur principale motivation, elle tient de l'effet d'aubaine. Autant la réduire, donc, argumente-t-on à Bercy.

Une déduction essentielle pour les PME
A l'Admical, l'association qui fédère les entreprises mécènes, on n'est loin d'être convaincu par l'argumentaire. « Pour les PME, la déduction de 60% est essentielle. Si l'on passe à 30%, elles vont diminuer drastiquement leur mécénat, faute de moyens ». Au total, sur près de deux milliards de dons annuels aux associations venant des entreprises, environ la moitié émane de PME. « En outre, le régime actuel ne coûte que 400 millions d'euros à l'Etat » dit-on à l'Admical. « Pour économiser une centaine de millions d'euros, on va tout mettre par terre ».

"Des salles entières du château de Versailles fermées au public?" s'interroge Aurélie Filippetti
Interrogée par La Tribune, la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, se montre tout aussi sceptique, face à l'argumentaire de Bercy. «Il y a des discussions avec Bercy et les autres ministères. Nous sommes dans un processus normal » dit-elle, soulignant l'absence d'arbitrage de Matignon sur le sujet. « A la Culture, je défends le mécénat, qui représente 700 millions d'euros sur un budget total de 3 milliards » souligne Aurélie Filippetti. « On pense faire des économies, mais il faudrait compenser les sommes par des ressources budgétaires supplémentaires pour l'entretien du patrimoine. Le capital culturel est essentiel pour la France et notamment son tourisme. Peut-on par exemple imaginer que des salles entières du château de Versailles soient fermées au public ? ». La ministre voudrait proposer un système en faveur des TPE et PME qui ne sont pas fiscalisées.