L'argent des députés, mythes et réalités

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1242  mots
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Le statut du député suscite souvent bien des rumeurs. L'indemnité parlementaire nette globale s'élève à 5.189,27 euros par mois. En revanche, il bénéficie aussi d'une "indemnité représentative de frais de mandat" qui s'élève à plus de 6.000 euros mensuels et qui n'est soumise à aucun contrôle. Ce qui pose problème. Quant au régime de retraite, bien qu 'intéressant, il a tout de même été réformé depuis 2010 avec la fin du mécanisme de "double cotisation".

Le 26 juin prochain à 15 heures, s'ouvrira la XIVème législature de la cinquième République. 577 députés rejoindront le Palais Bourbon pour élire leur nouveau président... ou leur nouvelle présidente. Nombreux seront les impétrants qui vont découvrir les responsabilités... et les charmes de la fonction. Revue de détail.

L'indemnité parlementaire

Comme l'explique le site Internet de l'Assemblée nationale, pour permettre à tout citoyen de pouvoir prétendre entrer au Parlement et pour garantir aux élus les moyens de se consacrer, en toute indépendance, aux fonctions dont ils sont investis, ils ont droit à une indemnité parlementaire destinée à compenser les frais inhérents à l'exercice du mandat. Le principe et les bases de calcul de cette indemnité ont été fixés en 1958 par une ordonnance portant loi organique N0 58-1210 du 13 décembre 1958... Quand le général de Gaulle a été élu premier président de la Cinquième République. Il ne s'agit donc pas de petits arrangements entre amis.
L'indemnité parlementaire comprend trois éléments. Une indemnité de base dont le montant brut, depuis le 1er juillet 2010, est égal à 5.514,68 euros ; une indemnité de résidence : 165,44 euros ; une indemnité de fonction : 1.420,03 euros. Soit un montant brut mensuel global de 7.100,15 euros. Après les retenues sociales sur l'indemnité, son montant net mensuel s'élève à 5.189,27 euros
Sur le plan fiscal, seules l'indemnité parlementaire de base et l'indemnité de résidence sont imposables suivant les règles applicables aux traitements et salaires.
A noter que depuis une loi organique de 1992, il a été institué un plafonnement des indemnités parlementaires avec d'autres indemnités liées à l'exercice d'un autre mandat local (maire, conseiller régional, etc.). Ainsi, en cas de cumul, un député ne peut percevoir des indemnités complémentaires à son indemnité de parlementaire que sous la limite d'un plafond fixé à 2.757,34 euros par mois.

Les frais de mandat

C'est souvent sur ce chapitre que les députés sont montrés du doigt. Pour faire face aux diverses dépenses liées à l'exercice de leur mandat et qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l'Assemblée, les députés bénéficient d'une "indemnité représentative de frais de mandat" (IRFM) dont le montant mensuel est égal à... 6.412 euros brut. Il n'y a aucun contrôle sur l'utilisation de cette somme. Diverses affaires récentes ont ainsi défrayé la chronique quand il a été découvert que tel ou tel député se servait de cette indemnité pour effecteur des travaux dans son appartement personnel ou pour payer sa cotisation à son parti.

En décembre 2011, une proposition de loi déposée par le député Vert, François de Rugy, sur la transparence de la vie publique, qui aurait notamment obligé les députés à rendre publique l'utilisation qu'ils font de cette somme, a été rejetée par la majorité de droite de l'Assemblée, la gauche votant pour.. "Adopter ce texte, c'est présumer coupables les élus", avait alors estimé au nom de l'UMP le député Claude Bodin.
Auparavant, Charles de Courson (Nouveau Centre) avait prêché dans le désert, en proposant lors d'une discussion budgétaire en 2009, que la Cour des comptes puisse "vérifier, sur un échantillon tiré au hasard, s'il est fait bon usage" de l'IRFM.... On verra quelle sera l'attitude d'une éventuelle nouvelle majorité sur ce point.
Ensuite, les députés disposent d'un "crédit affecté à la rémunération de collaborateurs" d'un montant mensuel de 9.138 euros.. Chaque député peut, en effet, employer entre une et cinq personnes (secrétaire, attaché parlementaire, etc.). Le député à la qualité d'employeur, il est libre de recruter, licencier, de fixer les conditions de travail, la rémunération. En théorie, ce crédit est mieux contrôlé que l'IRFM. En cas de non emploi de sa totalité, la part disponible demeure acquise au budget de l'Assemblée Nationale ou peut être cédée par le député à son groupe parlementaire pour la rémunération d'employés de ce groupe.


Les moyens matériels


Chaque député peut librement circuler en première classe sur le réseau métropolitain de la SNCF (frais pris en charge par l'Assemblée nationale). Les députés d'outre-mer, eux, bénéficient d'un crédit annuel correspondant au coût de 16 à 26 passages (selon l'emplacement de la circonscription) entre Paris et leur terre d'élection. Enfin, les frais téléphoniques et informatiques sont pris en charge par l'Assemblée nationale.


L'allocation d'assurance mutuelle, différentielle et dégressive de retour à l'emploi


Voilà un point qu va bientôt concerner un certain nombre d'élus battus lors du second tour. Les députés disposent en effet d'un mécanisme spécifique d'assurance chômage. Ils bénéficient d'une allocation qui leur est versée en cas de non réélection à la condition qu'ils recherche un emploi. Ce qui exclut donc les fonctionnaires et tous ceux qui ont déjà retrouvé un emploi. Les anciens députés qui ont atteint l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite de député ne peuvent pas non plus prétendre au bénéficie de cette allocation. La durée de versement est limitée à trois ans au maximum. Le montant est dégressif : 100% de l'indemnité parlementaire de base le 1er semestre, 70% le deuxième, 50% le troisième....et 20% le sixième. Cette allocation est financée par une cotisation versée chaque mois par les députés en exercice (27,57 euros). Aucun député ne perçoit cette allocation actuellement... Ce qui va changer à compter de lundi matin.


Le régime de retraite


Voilà un autre sujet qui a soulevé bien des polémiques. En vigueur jusqu'en 2010, le système de double cotisation a été supprimé cette année là. Avant 2010 donc, les députés cotisaient double (le taux de cotisation était égal à 7,85%) pendant les trois premiers mandats (soit quinze ans), puis une fois et demie pendant les cinq années suivantes. De quoi percevoir une retraite à taux plein après seulement 22,5 ans de cotisation, contre plus de 40 ans aujourd'hui pour les salariés du privé. Avec un seul mandat, les députés pouvaient percevoir 1.557 euros de retraite par mois, à compter de 60 ans...

Depuis la réforme de 2010, les choses ont été revues à la baisse mais restent tout de même attractives. Les nouvelles règles s'appliquent à compter de juillet 2012 (cela tombe bien !). Le système de double cotisation est remplacé par un système dit "facultatif " (mais qui va s'en priver !) qui permettra encore aux députés de cotiser 1,5 fois lors de leurs deux premiers mandats de cinq ans, 1,33 sur le troisième mandat et 1,25 sur les suivants. En revanche, le taux de cotisation est progressivement augmenté chaque année pour atteindre 10,55% en 2020. Et, comme dans le privé, l'âge d'ouverture du droit à pension passe progressivement de soixante ans à soixante deux ans à l'horizon 2016. A noter, tout de même, qu'à la différence du régime général, il n'y a pas de décote : la pension est calculée au prorata des annuités acquises... Selon des données fournies par l'Assemblée nationale, la pension moyenne d'un député s'élève actuellement à 2.700 euros nets par mois et l'âge moyen auquel les députés font liquider leur pension est de 65 ans.