La croissance en panne, le pouvoir d'achat en berne, selon l'Insee

Par Ivan Best  |   |  607  mots
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L'Institut de la statistique anticipe une très faible croissance (0,4%) pour 2012. Le pouvoir d'achat reculera fortement, comme jamais depuis 1984. En cause, notamment: un ralentissement de la progression des revenus d'activité, mais surtout les hausses d'impôts.

La récession de 2009 avait épargné le pouvoir d'achat des Français, grâce à une baisse des prix, sous l'effet de la chute des cours pétroliers. En 2012, les ménages paient la facture. La masse de pouvoir d'achat distribué reculera de 0,6%, selon les prévisions de l'Insee publiées dans la note de conjoncture trimestrielle. Si l'on veut appréhender le pouvoir d'achat tel qu'il est perçu par les Français, c'est-à-dire par unité de consommation, la baisse atteint même 1,2%.

Les hausses d'impôts sur les ménages décidées par l'équipe Sarkozy (l'Insee les évalue à 11 milliards d'euros), auxquelles s'ajoutent celles à venir cet été (les experts ont retenu 2,5 milliards au titre de l'ISF), provoquent une augmentation des prélèvements obligatoires assumés par les ménages de 6,7% entre 2011 et 2012. Sans ces prélèvements supplémentaires, le pouvoir d'achat aurait globalement augmenté de 0,4%, calcule l'Insee. Un chiffre à comparer au recul de -0,6%. Les hausses d'impôt ont donc amputé le pouvoir d'achat à hauteur d'un point.

Une baisse des revenus réels inconnue depuis 1984

Jamais, depuis 1984, juste après la conversion du gouvernement socialiste à la rigueur, une telle baisse du pouvoir d'achat n'avait été enregistrée... Elle entraînerait, au mieux, une stagnation de la consommation cette année (+0,2%). Et encore, si les ménages puisent dans leur épargne, ce qu'anticipe l'Insee. Si ce n'est pas le cas, les dépenses de consommation pourraient reculer. Compte tenu de la baisse attendue cette année de l'investissement des entreprises (-0,3%), il est même étonnant que la France ne soit pas en récession. Elle ne le sera pas, estime l'Insee, qui table sur une très légère croissance en 2012 (+0,4%), en tous cas inférieure à la dernière prévision officielle, celle du gouvernement Sarkozy, qui était de +0,7%. Le PIB, qui a stagné au premier trimestre, selon les derniers calcus de l'Insee, connaîtrait aussi une croissance zéro au deuxième trimestre, avant de croître très légèrement au troisième (+0,1%) et quatrième (+0,2%) trimestre.

La baisse de l'euro donne un semblant de tonus aux exportations
Les conjoncturistes pensent que l'affaiblissement récent de l'euro devrait donner un peu de tonus aux exportations, seul soutien réel de l'activité. Ainsi, sur l'ensemble de 2012, les ventes à l'étranger progresseraient de 2,9%, en euros constants. Les importations étant, elles, très limitées, compte tenu d'une demande intérieure particulièrement faiblarde (+0,5%), le commerce extérieur contribuerait à hauteur de 0,6 point à la croissance.

Une récession possible si la crise de la dette s'intensifie
Cette situation conjoncturelle peu réjouissante s'explique par la situation de la zone euro, « proche de la récession », selon l'Insee. Les tensions financières y contribuent bien sûr, ainsi que les politiques de consolidation budgétaire, comme disent les économistes officiels (autrement dit, d'austérité). Les experts de l'Insee ne préfèrent pas s'appesantir sur l'impact des politiques budgétaires menées dans une grande partie de l'Europe. Ils estiment simplement que leur prévision pourrait être revue à la baisse si la situation se dégrade encore en Europe. « Le principal aléa qui entoure la prévision porte sur l'évolution de la crise des dettes souveraines dans la zone euro » écrivent-ils. Autrement dit, l'accentuation de la crise de la dette pourrait provoquer l'entrée en récession de l'économie française. Impossible de connaître l'opinion de l'Insee sur l'impact de la politique de rigueur en 2013, quand l'ensemble des hausses d'impôt seront entrées en vigueur: l'horizon des conjoncturistes s'arrête -en tous cas pour l'instant- au 31 décembre 2012.