Comment le gouvernement va-t-il gérer la menace d'une croissance zéro ?

Par Ivan Best avec Reuters  |   |  657  mots
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Les économistes interrogés par Reuters ne prévoient plus que 0,6% de croissance pour 2013. Le gouvernement révisera fin août ses prévisions. Il devra afficher une croissance proche de zéro, sous peine d'être accusé d'insincérité

Le gouvernement osera-t-il ? Jouera-t-il à la rentrée la prudence et la sincérité budgétaires, en retenant pour 2013 un taux de croissance proche de zéro ? C'est vers ce chiffre que tendent toutes les prévisions actuelles. Ainsi, les 21 économistes interrogés cette semaine par Reuters prévoient-ils en moyenne 0,6% de hausse du PIB en 2013, soit deux fois moins que le chiffre retenu pour l'instant par Bercy. En avril, la moyenne des prévisions de ces économistes était encore de 0,9%, pour 2013.
Fin août, l'exécutif devra retenir une nouvelle prévision, se basant notamment sur les données concernant le deuxième trimestre 2012. Qui risquent d'être peu engageantes : l'hypothèse d'une baisse du PIB est loin d'être exclue. Le gouvernement devra aussi prendre en compte le « consensus » des conjoncturistes. Sinon, les accusations d'optimisme inconséquent, d'insincérité, lui tomberont dessus, immédiatement.

Un changement de donne
Evidemment, une croissance zéro -ou presque- changerait la donne de la politique économique. A ce stade, les économistes sondés par Reuters anticipent que le déficit public atteindrait 3,6% du PIB en 201, alors que le gouvernement s'accroche au chiffre de 3% de déficit, correspondant à un engagement européen.
En cas de croissance nulle, la réalité risque d'être encore plus douloureuse. Dans son rapport sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes avait, on le sait, estimé à 33 milliards d'euros le montant des économies pour parvenir à 3% de déficit. Mais c'était sur la base d'une croissance est de 1%. Si celle-ci n'est que de 0,5%, l'effort nécessaire sera de 38,5 milliards, estime la Cour. Et si l'économie stagne (croissance zéro), il faudrait trouver 44 milliards d'euros.

L'approche comptable de la cour des Comptes
Ce raisonnement résulte du reste d'une approche purement comptable ? Peut-on ainsi additionner les économies ou les hausses d'impôts, sans prendre en considération leur effet sur l'activité, et donc sur les recettes fiscales, les dépenses sociales, et in fine sur le déficit ? Derrière l'apparence d'une position unanime, prenant le parti du redressement budgétaire coûte que coûte, le débat a bien lieu entre les magistrats de la rue Cambon, avant la publication de ce rapport.
Passer de 4,5% de déficit à 3%, « ce sera un pas très important pour la France et il est peu probable qu'il puisse être réalisé », estime Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis. « Le gouvernement devrait plutôt trouver le moyen le plus rassurant de ne pas y parvenir, en montrant sa détermination à redresser les comptes afin d'apaiser les marchés financiers et ses partenaires européens ». Car, en cas de redressement budgétaire trop important, le risque de récession se matérialiserait...
Une année plus pour revenir à 3% de déficit?
Qu'ils soient libéraux ou keynésiens, les économistes doutent donc de la possibilité d'un rétablissement budgétaire aussi important en 2013.
« La stratégie consistant à accroître la pression fiscale, qui est déjà à un niveau élevé, pourrait facilement avoir l'effet inverse qu'escompté, étant donnée la fragilité des perspectives de croissance et le niveau bas de la confiance", écrit  Guillaume Menuet, économiste de Citigroup dans une note de recherche.
"Couper la dépense publique (...) pourrait aussi avoir de sérieuses conséquences politiques dans un pays où la préservation du modèle social est prise très au sérieux."
Une autre option, envisagée par d'autres économistes, serait que le Conseil européen décide de donner une année supplémentaire aux pays membres pour atteindre leurs objectifs budgétaires afin de ne pas peser davantage sur la croissance , comme il a été décidé pour l'Espagne.
"La norme de 3% de déficit va amplifier les déséquilibres, on est en train de s'imposer une purge au pire moment", prévenait récemment Daniel Cohen, professeur d'économie à l'Ecole normale supérieure et vice-président de l'Ecole d'économie de Paris.