3 millions de chômeurs : déjà en 1993, sous Pierre Bérégovoy...

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  607  mots
AFP
Comme en 2012, il y a vingt ans, fin 1992, une majorité socialiste alors au pouvoir craint de voir la France franchir le cap des 3 millions de chômeurs. Le Premier ministre, Pierre Bérégovoy, se lance alors dans un traitement social du chômage de grande ampleur.

Un président socialiste à l'Elysée; une majorité à l'Assemblée nationale; un gouvernement socialiste au pouvoir... Et la barre symbolique des 3 millions de chômeurs en passe d'être franchie... 2012 ? Non, c'était il y a tout juste 20 ans, à la fin 1992... Avec François Mitterrand président de la République et Pierre Bérégovoy Premier ministre et... Martine Aubry au ministère du Travail. Les élections législatives de la fin mars 1993 approchaient et Pierre Bérégovoy était obsédé par le fait de ne pas laisser la France franchir - pour la première fois alors - ce seuil des trois millions de chômeurs. Dix ans plus tôt, en 1982, son prédécesseur, Pierre Mauroy, avait été traumatisé par le passage des deux millions de chômeurs... Comme Raymond Barre en 1977, quand le cap du million avait été dépassé pour la première fois.

1992/1993 les grandes années du traitement social

Que faire alors pour Pierre Bérégovoy ? Sur le plan économique, pour soutenir une activité déprimée - le PIB n'a progressé "que" de 1,5% en 1992, un niveau qui serait considéré comme inespéré 20 ans plus tard - son gouvernement a d'abord laissé filer les déficits jusqu'à près de 3% du PIB - soit la limite fixée par le traité de Maastricht tout juste adopté. Dans la loi de finances initiale, le gouvernement prévoyait un déficit de 89,5 milliards de francs (13,5 milliards d'euros ), finalement il atteindra 184 milliards de francs (28 milliards d'euros)... Et le service de la dette est devenu le deuxième budget de l'Etat, derrière l'Education (comme en 2012 !).
Sur la plan social, ensuite, la machine du traitement social s'est déchaînée alors que le taux de chômage s'élève à 10,5% (10,1% à la fin du premier semestre 2012). Le nombre d'empois aidés augmentent de 25% en 1992, principalement les alors fameux "contrats emploi-solidarité" (CES) dont le nombre atteindra 600.000 en 1993, à comparer aux actuels 400.000 contrats aidés actuels !!! Les préretraites aussi progressent de façon drastique. Par ailleurs, un million de demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an à ce qui était encore l'ANPE ont été convoqués. Parmi eux, environ 250.000 sont entrés en CES, 170.000 ont bénéficié d'actions d'insertion et de formation et 75.000 de "contrats de retour à l'emploi" (contrats aidés dans le secteur marchand)....

Quant aux plus récalcitrants, ils ont été rayés des listes. Ce qui provoquera une grande polémique sur ce que l'on appellera les "nouveaux pauvres". Par ailleurs, l'exonération de 30% des charges sociales pour les embauches à temps partiel concerne, au bout de trois mois, 30.000 personnes. Et les exonérations de cotisations pour l'embauche de jeunes profitent alors à 100.000 moins de vingt cinq ans.

Plus de trois millions de chômeurs pendant 7 ans

Bref, le gouvernement socialiste met le paquet et dépense des milliards. Il n'empêche, la gauche est balayée aux élections législatives des 21 et 28 mars. Et c'est Edouard Balladur, le nouveau Premier ministre de droite tout juste installé à Matignon, qui devra annoncer, le 30 mars, que pour la première fois la France connaît plus de trois millions de chômeurs. Il faudra attendre 1999 pour que la barre soit de nouveau franchie dans l'autre sens, sous le gouvernement Jospin. Edouard Balladur laissera aussi filer les déficits ; il privatisera, il inventera le premier mécanisme d'allègement général des cotisations sociales. Malgré tout, la France connaîtra en 1993 sa première récession (- 0,7%) depuis 1950. Et quand il quittera Matignon en 1995, le taux de chômage se situera à 12%. Faute de croissance, les faits sont têtus. Ceci reste vrai en 2012.