Les Français attendent de leur président qu'il s'exprime sur les enjeux économiques et sociaux

Par Sophie Péters  |   |  1031  mots
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A quelques heures de l'intervention télévisée du Chef de l'Etat, les Français, plutôt "mécontents" des débuts du quinquennat, attendent de leur président une prise de parole sans détours sur les perspectives économiques de la France pour 2013.

A quelques heures d'une interview télévisée du président très attendue par une opinion inquiète, les sondages se suivent et...se ressemblent.  Selon celui de BVA pour Le Parisien, près de six Français sur dix (59%) se disent "plutôt mécontents" des débuts du quinquennat de François Hollande, alors que 40% s'estiment "plutôt satisfaits". Une dégringolade si l'on considère un taux de satisfaction à l'égard de François Hollande qui atteignait le 31 mai dernier,  62%, contre 34% de mécontentement.

Mais malgré une presse qui fustige le peu d'entrain du président à engager les réformes, ce sondage montre cependant que 58% des Français estiment que le chef de l'Etat "respecte les engagements pris pendant la campagne", une proportion supérieure à celles enregistrées au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2007 (54%) et du septennat de Jacques Chirac en 1995 (48%). Tout en étant 55% à juger que François Hollande "ne va pas assez loin dans le domaine des réformes" (31% pour Sarkozy, 53% pour Chirac) et 57% qu'il "ne répartit pas équitablement les efforts demandés entre tous les Français" (57% pour Sarkozy, 68% pour Chirac). Bémol apporté par un autre sondage : celui de l'Ifop pour le JDD dans lequel 52% des Français estiment que les promesses de campagne ne seront pas tenues, la crise imposant, selon eux, de les...rétrécir. 

Emploi et pouvoir d'achat, deux sujets attendus

François Hollande, qui bat des records d'impopularité quatre mois après son élection, va tenter ce soir sur TF1 de reconquérir des Français gagnés par l'angoisse et le doute devant l'accélération de la crise. Le chef de l'Etat, qui répondra aux questions de Claire Chazal dans le journal de 20 heures, aura 25 minutes pour convaincre ses compatriotes qu'il est l'homme de la situation, un leader, et non cette personnalité hésitante et en mal d'autorité décrite par ses détracteurs et de nombreux éditorialistes. L'enquête du CSA pour Direct Matin confirme que l'attente des Français concerne en priorité les enjeux économiques et sociaux. 59% souhaiteraient qu'il s'exprime sur la lutte contre le chômage et la création d'emploi et 57% sur la hausse des prix, soit deux enjeux très présents sur les agendas politique et médiatique de la rentrée. Des sujets de préoccupation déjà très présents lors de la campagne où l'emploi et le pouvoir d'achat étaient les thèmes qui avaient le plus compter au moment de voter. La récente polémique sur la hausse des prix des carburants, la perspective de nouvelles hausses d'impôt pour tenir les engagements budgétaires de la France, la forte progression du chômage et l'annonce de plans sociaux ont contribué à entretenir, voire à amplifier les attentes sur ces sujets. 

Dans cette perspective, une proportion non négligeable de répondants (35%) attend de François Hollande qu'il s'exprime aussi sur le désendettement de l'Etat et des organismes sociaux, souvent interprété au sein de l'opinion publique comme synonyme d'une hausse de la fiscalité et de prestations sociales moindres. Les résultats de l'étude attestent enfin d'un décalage profond entre les polémiques des dernières semaines et les attentes émanant du corps social. A titre d'exemple, les sources d'approvisionnement en énergie comme le nucléaire et l'attitude du gouvernement à l'égard des Roms ne sont citées  que par respectivement 7 % et 5% des répondants. La situation en Syrie arrive quant à elle en dernière position avec 4%, à égalité avec le bilan de la rentrée scolaire.

 Le président de la République ne devrait pas cependant pas échapper à une question sur la taxe exceptionnelle de 75% sur les revenus dépassant 1 million d'euros, promesse de campagne qui lui avait permis de rebondir alors que Nicolas Sarkozy regagnait du terrain mais qui, ces derniers jours, semblait s'enliser dans les méandres fiscaux. Le débat a été relancé samedi par la révélation d'une demande de naturalisation déposée à Bruxelles par le plus riche des Français, le patron de l'empire du luxe LVMH, Bernard Arnault.

Il ne pourra pas non plus échapper à une explication sur la manière d'éviter toute hausse "générale et indifférenciée" des impôts, comme il s'y est engagé vendredi, tout en réalisant l'effort de réduction du déficit public "le plus important depuis 30 ans". Etant donné les 5 à 10 milliards d'euros d'impôts déjà votés et les 10 milliards d'économies que l'Etat entend faire sur ses dépenses, il reste à trouver 15 à 20 milliards de hausses d'impôts en 2013.

 Ne pas être "un bouchon au fil de l'eau"

François Hollande doit aussi imposer son style et le reconnaît volontiers. "Un style, cela s'imprime au fur et à mesure", a-t-il observé dans des confidences au Monde publiées samedi. Le président "normal" est à la recherche d'un juste milieu entre la "présidence altière et rare" d'un François Mitterrand et la "réactivité maximale" d'un Nicolas Sarkozy. "Je ne veux pas être comme le bouchon au fil de l'eau", a-t-il insisté, revendiquant le droit à la "constance" dans l'action. "Dans cette période marquée par la montée des prix, les plans sociaux et la hausse du chômage, la chronologie des Français ne correspond pas à celle de l'action gouvernementale", a-t-il défendu.

Face à "la souffrance sociale des Français" et "la montée du chômage, il doit redéfinir le cap", a expliqué vendredi sur Canal + un proche du chef de l'Etat, le ministre du Travail Michel Sapin. Il devra enfin aussi siffler la fin de la récréation au gouvernement après plusieurs algarades entre ministres. Selon un membre du gouvernement, "on peut comprendre des couacs gouvernementaux sur des sujets de fond, mais pas le couac des ego qui est la marque de l'inexpérience".

 Nul doute que, comme le dit François Bayrou dans son interview au JDD, "le quinquennat de François Hollande commence ce soir. Jusqu'à maintenant il était un président élu, il lui reste à devenir un président de la République en plein exercice".