Bernard Tapie et l'affaire Adidas : vingt ans de rebondissements

Par latribune.fr  |   |  792  mots
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L'affaire opposant Bernard Tapie au Crédit Lyonnais a de nouveau rebondi ce mardi avec l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour "usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit au préjudice du consortium de réalisation" (CDR), gérant le passif du Crédit Lyonnais. Retour sur les principales étapes d'un scandale toujours en cours.

? 1993 : Bernard Tapie, qui vient de faire son entrée au gouvernement en tant que ministre de la ville, doit vendre Adidas, actif le plus important du groupe Bernard Tapie. Un mandat de vente est donné au Crédit Lyonnais, alors établissement public et partenaire historique de l'homme d'affaires. C'est un groupe d'investisseurs emmenés par Robert Louis-Dreyfus qui rachète finalement Adidas pour 315,5 millions d'euros. 

Bernard Tapie avait racheté la marque en 1990. Pour réaliser cette opération, il avait bénéficié d'un prêt syndiqué de plusieurs banques, dont la Société de Banque Occidentale (SDBO), fililale du Crédit Lyonnais. C'est cette double casquette (à la fois actionnaire et vendeur) qui permet à l'établissement de réaliser que la valeur d'Adidas est bien supérieure au montant minimum demandé par Bernard Tapie. Le Crédit Lyonnais se porte donc acquéreur de la marque au prix minimum pour ensuite la revendre au prix fort. La banque enfreint alors deux règles à respecter en tant que mandataire : elle aurait dû informer Bernard Tapie que son prix de vente était trop faible et elle ne pouvait pas, en théorie, acquérir Adidas, qu'elle était chargée de vendre.

? 1994 : Mais pour que Bernard Tapie ne puisse pas découvrir ce stratagème, le Crédit Lyonnais veut également s'assurer de la mise en faillite du groupe Tapie, ce qui lui permettra de saisir toutes les actions de la société et en devenir, ainsi, propriétaire à 100%. En décembre, Bernard Tapie est personnellement placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris (TCP). Quelques jours plus tard, Robert Louis-Dreyfus, président du directoire d'Adidas depuis avril 1993, prend le contrôle d'Adidas pour 701 millions d'euros.

? 1995 :  Bernard Tapie réclame au Crédit Lyonnais les 229 millions de plus-value dégagés lors de la cession. La même année, Robert Louis-Dreyfus introduit Adidas à la Bourse de Francfort pour 1,6 milliards d'euros.

? 1996 : Le TCP condamne le Crédit Lyonnais à verser à Bernard Tapie une provision de 91,5 millions d'euros.

? 1998 : Toujours devant le TCP, Bernard Tapie réclame 990 millions au Crédit Lyonnais pour "montage frauduleux". Le dossier est transféré à la cour d'appel et le tribunal annule la provision de 91,5 millions d'euros.

? 2004 : La cour d'appel de Paris autorise une médiation entre Bernard Tapie et l'Etat pour un accord amiable.

? 2005 : Après des années de procédures et l'échec de la médiation, la cour d'appel de Paris condamne le Consortium de réalisation (CDR), organisme public gestionnaire du passif du Crédit Lyonnais, à payer 135 millions d'euros à Bernard Tapie.

? 2006 : La cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris, ce qui annule de fait l'indemnisation de 135 millions d'euros.

? 2007 : Le CDR accepte la saisine d'un tribunal arbitral proposée par les liquidateurs.

? 2008 : Le tribunal arbitral condamne le CDR à verser 285 millions d'euros à Bernard Tapie, dont 45 millions pour préjudice moral (près de 400 millions au total, avec les intérêts). Bercy annonce que le CDR ne déposera pas de recours contre la sentence et que Tapie ne touchera au final que 20 à 50 millions.

? 2009 : Dernier paiement de 101 millions aux liquidateurs du groupe Bernard Tapie pour solder le litige avec le Crédit Lyonnais.

? 2010 : Bernard Tapie chiffre à "environ 30 et 40 millions d'euros" la somme définitive qui lui reviendra (ainsi qu'à sa femme) en règlement du conflit Adidas. Il répond ainsi au Canard enchaîné qui avait révélé quelques semaines plus tôt  que l'homme d'affaires devrait en fait toucher 210 millions de l'Etat . Cette information avait alors provoqué un tollé et des explications embarassées de la ministre de l'Economie Christine Lagarde, réfutant tout privilège fiscal.

? 2011 :  Le procureur général de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal demande à la Cour de justice de la République (CJR) une enquête visant Christine Lagarde -qui prendra la même année ses fonctions de directrice générale du FMI- pour abus d'autorité dans l'arbitrage favorable à Bernard Tapie. C'est le début du volet ministériel de l'affaire Adidas. La même année, le Conseil d'État rejette les pourvois du député centriste Charles de Courson et de deux contribuables demandant l'annulation de l'arbitrage. Il écarte tout vice de procédure. Début août, la CJR ouvre une enquête sur Christine Lagarde, pour son rôle dans l'affaire Adidas lorsqu'elle était ministre de l'Economie.

? 2012 : Ouverture d'une information judiciaire contre X sur la décision de recourir à un arbitrage dans l'affaire Adidas prise en 2007 par Bercy. Cette information judiciaire vise Jean-François Rocchi, le président du CDR, qui avait mis en oeuvre l'arbitrage, et Bernard Scemama, ancien président de l'Etablissement public de financement et de réalisation (EPFR), l'entité contrôlant le CDR.