La fronde des entrepreneurs nuit-elle au gouvernement ?

Par Fabien Piliu  |   |  778  mots
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Les Pigeons ne sont pas les seuls à être remontés. Laurence Parisot, la présidente du Medef, assume ses propos sur le "racisme anti-entreprise" qui règne, selon elle, en ce moment en France. Michel Sapin, le ministre du Travail s'en prend aux fils à papa-maman qu'il distingue des entrepreneurs qui prennent des risques. La CGPME réclame au gouvernement de revenir sur ses projets fiscaux jugés « confiscatoires ». En difficulté sur le dossier du traité budgétaire, cette fronde ne serait-elle pas une aubaine pour le gouvernement ?

Ambiance, ambiance. Interrogée vendredi sur RMC, Laurence Parisot, la présidente du Medef persiste et signe. « Le racisme anti-entreprise est quelque chose que ressentent tous les entrepreneurs français aujourd'hui, quels qu'ils soient, quelle que soit la taille de leur entreprise et le secteur d'activités dans lequel ils exercent", a-t-elle affirmé. La présidente de l'organisation patronale avait utilisé cette expression pour la première fois dans un entretien publié dans L'Express cette semaine. Il n'y a donc pas que les Pigeons qui sont en colère, ce groupe de créateurs de start-up qui dénoncent la fiscalité que le gouvernement envisageait sur les créateurs d'entreprise. Au lendemain du recul de l'exécutif sur ce sujet, Laurence Parisot a répété sa farouche opposition à la décision du gouvernement d'aligner les impôts sur les revenus du capital sur ceux du travail.

Le Medef menace

"Il y a sans cesse une stigmatisation, une dénonciation", a-t-elle expliqué, se disant choquée par l'expression "pratiquement consacrée de patron-voyou", utilisée récemment par des politiques comme le maire socialiste de Toulouse Pierre Cohen."Attention: sans les entrepreneurs, il n'y a pas d'employeurs. Sans employeurs, il n'y a pas d'emploi", a-t-elle également fait valoir.
La CGPME n'est pas en reste. La Confédération fait actuellement circuler une pétition pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il « revienne sur les projets fiscaux confiscatoires pour ceux qui prennent des risques pour créer cette croissance et ces emplois dont notre pays a tant besoin », précise-t-elle dans un communiqué. Vendredi, plus de 10.000 chefs d'entreprises avaient déjà signé cette pétition. Jeudi, son président, Jean-François Roubaud a rencontré Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie pour lui proposer notamment que soit prise en compte la date de création, la durée de détention ou le "réemploi" éventuel des plus-values. Une modification du texte serait envisageable. 

Le gouvernement semble serein

La multiplication des fronts effraie-t-elle le gouvernement ? Pas vraiment. Il n'a cédé que très partiellement face aux Pigeons. Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie a annoncé jeudi soir des aménagements qui permettront d'annuler l'impôt sur la plus-value lors de la revente d'une entreprise. Désormais, lorsqu'un entrepreneur cèdera sa société, il sera exonéré d'impôt sur la part qui fera l'objet d'un réinvestissement dans une entreprise française. L'exonération sera totale si la totalité des plus-values est réinvestie. Au départ, la mesure limitait à 80% cet avantage.
En revanche, le ministre n'a pas reculé sur le principe de l'alignement de la taxation du capital sur le barème de l'impôt sur le revenu, qui est le principal changement du projet de loi de finances pour 2013. Et il y a peu de chances qu'il le fasse, cette modification de la fiscalité étant l'une des principales mesures de rendement du projet de loi de finances 2013. Elle rapportera trois milliards à l'Etat.

Les héritiers dans le viseur

Ce vendredi, Michel Sapin, le ministre du Travail, a déclaré sur l'antenne d'Europe 1 qu'il était nécessaire de la différence entre les entrepreneurs qui prennent des risques" et les héritiers. Il faut "faire attention à ceux qui ont pris énormément de risques et en très peu de temps ont créé une véritable richesse. Ceux-là au moment où ils revendent leur entreprise, alors qu'ils n'ont pas gagné beaucoup d'argent avant, est-ce qu'on doit les imposer comme ceux qui ont hérité de papa-maman ?", s'est interrogé le ministre. Ces derniers apprécieront. Ces déclarations soulèvent plusieurs questions. Comment distinguer ceux qui dépensent l'héritage de ceux qui feront le fructifier et continueront à produire de la richesse et à créer des emplois ? Par ailleurs, cette mesure risque de pousser certains de ces héritiers à vendre et à s'installer hors de nos frontières ?

Reste une question. Cette fronde des chefs d'entreprises met-elle le gouvernement en difficultés ? Ce n'est pas si certain. Ce pourrait même être le contraire. Chahuté par une partie de la majorité au sujet du traité budgétaire européen, celui-ci voit en ce dossier une belle occasion de satisfaire ses sympathisants les plus à gauche. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), qui rassemble notamment les députés du Front de gauche, mais aussi les élus écologistes et quelques députés socialistes sont hostiles à la ratification de ce texte, estimant qu'il renforçait mécaniquement l'austérité. Les députés se prononceront par un vote solennel le 9 octobre sur ce texte. Ce sera ensuite au tour du Sénat, vers le 20 octobre.