Compétitivité : un rapport détaille le "miracle" allemand

Par Fabien Piliu  |   |  784  mots
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Commandé par la Fonds stratégique d'investissement (FSI), ce document dévoilé ce mercredi lève le voile sur la réalité du Mittlestand allemand, ce tissu d'entreprises dont le dynamisme dans les domaines de l'innovation et de l'export seraient à l'origine de la puissance de la première économie européenne. L'état d'esprit qui anime ses acteurs est-il reproductible en France ? Peut-être.

Voici un petit exercice de lecture pour le gouvernement. En attendant la remise sur la compétitivité du rapport de Louis Gallois, le commissaire général à l?investissement - décalée à la fin du mois à la demande de Jean-Marc Ayrault ?, le Premier ministre et les sept ministres logés à Bercy pourront toujours s?exercer les yeux en parcourant le rapport de la Documentation française présenté ce mercredi. Commandé par la Fonds stratégique d?investissement (FSI), ce document lève le voile sur la réalité du Mittlestand allemand, ce tissu d?entreprises dont le dynamisme dans les domaines de l?innovation et de l?export expliquerait la puissance de la première économie européenne.

Une approche statistique en France, culturelle et structurante en Allemagne

« Premier enseignement, le Mittlestand n?est pas composé d?une catégorie d?entreprises, dont les critères seraient le chiffre d?affaire ou les effectifs. C?est un continuum d?entreprises pour la plupart familiales et indépendantes qui se trouvent toutes sur le chemin de la croissance. Leurs points communs : l?esprit d?innovation et l?esprit de conquête », résume Jean-Daniel Weisz, l?un des deux coauteurs de ce rapport.

Jean-Yves Gilet, le directeur du FSI avoue également avoir été surpris par la réalité du Mittlestand. « En France, nous avons une approche statistique de la croissance des entreprises. La création du statut d?ETI en 2008 illustre cet état d?esprit. En Allemagne, le Mittlestand recouvre des dimensions structurantes et culturelles », explique-t-il

Des écosystèmes multiples

Structurantes ? « Les entreprises allemandes sont intégrées à différents réseaux. Elles évoluent pour la très grande majorité d?entre elles dans des écosystèmes financiers, technologiques et de formation qui leur sont propres au niveau local, régional et national », constate Dorothée Kohler, l?autre co-auteur de ce rapport.

La coopération entre les entreprises constitue également un écosystème à part entière. Si les sous-traitants et les fournisseurs français dénoncent régulièrement l?allongement des délais de paiement et les relations déséquilibrées avec les grands donneurs d'ordre publics et privés, qui relèveraient parfois de rapports féodaux de vassalité, les entreprises travailleraient davantage main dans la main en Allemagne. Toutefois, cette cohésion ne serait pas seulement le fruit d?une volonté farouche d?aider son prochain. « Les entrepreneurs allemands sont frileux, voire peureux. C?est la raison pour laquelle ils préfèrent collaborer avec des entreprises qu?ils connaissent. C?est pour la même raison qu?ils emmènent leurs fournisseurs à l?étranger », explique Guy Maugis, le président de Bosch France et président de la chambre de commerce et d?industrie franco-allemande. On comprend mieux les difficultés des entreprises françaises à percer chez nos voisins allemands...

Indépendance et pérennité, les deux mots d?ordre

L?ADN de ces entreprises est également particulier. « Les valeurs d?autonomie, d?entrepreneuriat et d?inscription dans la durée sont essentielles pour ces entreprises. S?il y a plus d?entreprises moyennes en Allemagne, c?est d?abord à cause de ce souci d?indépendance, de frugalité et de parcimonie dans l?emploi des ressources et de volonté de poursuivre la construction d?un projet d?entreprise plutôt que de se vendre à une entreprise de plus grande taille », détaille le rapport. Pourrait-on voir des Pigeons s?ébattre en Allemagne ? Ce ne serait pas si certain.

La qualité du made in Germany

Le Mittlestand serait également « inséparable » d?une recherche de qualité, « symbolisée par la figure de l?artisan et de l?ingénieur qui ?uvrent constamment pour atteindre la « perfection du banal ». « Plus que la recherche d?une innovation de rupture qui fera date, l?accent est mis sur une innovation incrémentale plus modeste, le plus souvent innovation de process, qui renforce la qualité du produit ou du service », complète Dorothée Kohler. C?est encore un point qui différencie nos deux pays. En France, le crédit impôt recherche (CIR) pousse depuis 2004 les entreprises à découvrir la pierre philosophale. Il aura fallu attendre le projet de loi de finances 2013 pour que quelques dépenses dans le domaine de l?innovation fassent partie des dépenses éligibles au dispositif.

Mécaniquement, cette recherche obstinée de la qualité place les produits allemands dans le segment haut de gamme, segment au sein duquel les taux de marge sont élevés, favorisant ainsi l?auto-financement des investissements. En 2011, l?Allemagne a affiché un excédent commercial de 158 milliard quand la France déplorait un déficit de 70 milliards. CQFD ?