Quand le Medef et l'UMP voulaient avaler les "Pigeons"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  687  mots
Laurence Parisot, présidente du Medef; Copyright Reuters
Un cacique du Medef raconte à La Tribune comment l'organisation patronale a voulu récupérer le mouvement des "Pigeons", ces entrepreneurs qui contestent le projet du gouvernement de taxer les plus-values de cession d'une entreprise. Le Medef a d'abord songé organiser un grand meeting de dirigeants d'entreprises à Paris, avant d'opter pour la publication d'un communiqué choc. Il souligne que Laurence Parisot avait sous estimé le mouvement des entrepreneurs. La Tribune révèle également que des dirigeants de l'UMP ont voulu apporter un soutien officiel aux "Pigeons"... qui l'ont refusé.

Les langues se délient peu à peu dans le petit monde patronal, après le coup de force médiatique intervenu dans la soirée du mardi 9 octobre. Ce soir là, à l'issue d'une discrète réunion - ce n'était pas un dîner - dans les locaux de l'association France Digitale, une douzaine d'organisations patronales (dont le Medef, l'Afep, Croissance Plus, Syntec, etc.) publiaient un communiqué choc " Etat d'urgence entrepreneurial". Succès médiatique assuré dès le lendemain. Dans ce communiqué, les signataires dénonçaient le projet du gouvernement de taxation des plus values réalisées lors d'une cession d'entreprise... Soit exactement la même contestation exprimée par le mouvement des "Pigeons", dont le porte-parole, Jean-David Chamborderon - auteur de l'article publié sur La Tribune.fr le 28 septembre qui a lancé le mouvement - était également présent à la fameuse réunion.

Laurence Parisot a tardivement senti monter la fronde des entrepreneurs
Ce qui n'était absolument pas prévu, c'est la présence de Laurence Parisot en personne. Pourquoi la présidente du Medef s'est-elle ainsi invitée et a-t-elle autant agi pour "récupérer" le mouvement ? Un influent membre de l'organisation patronale raconte : "la vérité est que sur cette histoire, le Medef national était totalement à la ramasse. Peut-être parce que nous sommes entrés dans un important round de négociations sociales ? Ou peut-être parce que nous avons pas cru à la puissance du mouvement des pigeons jusqu'à ce qu'il soit reçu à Bercy la semaine dernière ? Toujours est-il, j'en suis témoin, que des adhérents du Medef ont fait remonter leurs protestations contre le projet de taxation au niveau de nos instances territoriales. Celles-ci ont alors appelé le Medef national et n'ont reçu qu'une aimable fin de non recevoir.
C'est en voyant tout le buzz sur la toile puis la rencontre à Bercy que Laurence Parisot s'est emparée elle même du dossier, mesurant tout le mérite qu'elle pourrait en tirer. Et surtout, Laurence Parisot s'est rendu compte à quel point toute une partie des jeunes entrepreneurs ne se reconnaissait pas dans le Medef, ou toute autre organisation patronale, et préférait prendre directement en main son destin. Un peu comme dans les années 80, quand des coordinations avaient fleuri pour contourner les syndicats de salariés officiels.Un moyen aussi pour la présidente de calmer la véritable fronde qui était en train de naître au sein des Medef territoriaux à l'encontre du siège parisien ".

L'idée d'un grand rassemblement de chefs d'entreprise à Paris étudiée par le Medef ... puis repoussée à plus tard
Et notre cacique de raconter encore : "A la fin de la semaine dernière, on s'est dit qu'il fallait agir. On a d'abord pensé monter un énorme rassemblement de chefs d'entreprise contre la politique fiscale du gouvernement. Sur le même modèle que le fameux meeting organisé par Ernest Antoine Seillière [ancien président du Medef], qui avait rassemblé 30.000 chefs d'entreprise, le 4 octobre 1999  à la porte de Versailles, contre la loi des 35 heures. A ce stade, on y a renoncé mais ce n'est pas définitif. Pour l'instant, à ce rassemblement, on a donc préféré le communiqué choc des entrepreneurs". Voilà donc comment le Medef est venu capturer des pigeons...

Quand L'UMP voulait s'en mêler
Mais l'histoire n'est pas finie. L'affaire des " Pigeons" a aussi suscité la convoitise du monde politique. Un responsable de l'UMP raconte. "Plusieurs dirigeants du mouvement voulaient apporter un soutien officiel aux Pigeons. Certains ont même pris contact avec des entrepreneurs qu'ils connaissaient. Ces derniers ont refusé, pour ne pas donner une dimension politique au mouvement ". D'ailleurs, Marie Ekelande, coprésidente de France Digitale, interrogée sur Public Sénat, a reconnu qu'elle ne voulait pas "donner un aspect politique" au mouvement des entrepreneurs. "Et c'est beaucoup plus malin comme ça, poursuit notre responsable de l'UMP. Nous sommes bien sûr ravis de ce qui arrive, mais afficher un soutien officiel aurait été une erreur tactique ".
Bref difficile pour un pigeon de pas finir en pastilla...