Le tandem Jouyet-Lauvergeon à la tête de la BPI ?

Par Fabien Piliu  |   |  1003  mots
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Selon nos informations, l'ancienne présidente d'Areva assurerait la direction générale de la Banque publique d'investissement (BPI) présidée par Jean-Pierre Jouyet, l'actuel directeur général de la Caisse des dépôts. A-t-elle le bon profil? Une autre option est aussi étudiée.

Tic tac tic tac. Avant la présentation officielle mercredi en Conseil des ministres du projet de loi gravant dans le marbre la naissance de la Banque publique d'investissement (BPI), les rumeurs bruissent quant à la gouvernance de cette nouvelle structure dont l'objectif est de fédérer avec les régions l'ensemble des dispositifs de financement public existants. On peut citer Oseo et sa filiale Oseo Industrie, dont les objectifs ressemblent étrangement à celle de la future BPI, CDC Entreprises, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) et FSI Régions, la partie publique de la Coface, Ubifrance à terme... Grâce à l'addition de toutes ces forces, la BPI disposera d'une force de frappe estimée à une trentaine de milliards d'euros..

Selon nos informations, sachant que la nomination de Jean-Pierre Jouyet à la présidence de la BPI serait d'ores et déjà actée, l'exécutif hésiterait entre deux solutions pour le seconder à la direction générale de ce nouvel établissement

Un costume trop petit ?

Depuis de nombreuses semaines, le nom d'Anne Lauvergeon circule parmi les candidats potentiels. Après avoir eu les pleins pouvoirs à la tête du groupe nucléaire Areva qu'elle a présidée jusqu'en juin 2011, pourrait-elle se contenter d'un simple rôle de directrice générale de la BPI ? Elle seule a la réponse. Ses atouts ? Malgré un bilan très mitigé à la tête d'Areva, elle dispose d'une certaine aura dans le milieu patronal. Le fait qu'elle appartienne à la gent féminine est-il un avantage ? Cette fois-ci, c'est l'exécutif qui a la réponse. On sait simplement que la parité homme-femme est un sujet utra-sensible pour François Hollande qui a souhaité que son premier gouvernement compte autant de femmes que d'hommes. Anne Lauvergeon sera reçue mardi par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à la veille de la présentation des modalités de mise en place de la BPI et de son équipe de direction.

Une chose est sûre, Anne Lauvergeon a une vision assez précise de ce que devrait être le rôle de l'Etat dans le domaine économique. Dans un entretien accordé cet été à la Revue civique , elle a déclaré : « Il est urgent de retrouver un Etat stratège. Nous sommes entourés d'États stratèges. Regardez la Chine, les États du Moyen-Orient, la Russie, les États-Unis... Pour certains d'entre eux, ce sont des États stratèges dotés de beaucoup de moyens financiers, ce que nous n'avons plus vraiment. Nous avons des atouts, des entreprises leaders par exemple dans le domaine du spatial, les télécommunications, le nucléaire, le TGV, l'aéronautique... parce que, pendant 40 ans, ces secteurs ont bénéficié d'un État stratège, capable de concevoir et de soutenir le développement dans la longue durée. Ce qui m'a désespéré ces dernières années dans le domaine nucléaire, c'est de voir comment nous avons pu perdre le fil.» Une belle profession de foi !

Aucune légitimité

La rumeur de sa nomination ne laisse pas insensible. C'est le moins que l'on puisse dire. « Ce serait une catastrophe. Que connaît Anne Lauvergeon au monde des PME et à leur mode de financement ? Rien. Comme souvent en France, on va créer une nouvelle structure qui va se rajouter à d'autres structures, toutes présidées et dirigées par des énarques, des inspecteurs des finances, des hauts-fonctionnaires qui n'ont finalement que très peu de connaissance de l'entreprise. C'est le cas de Jean-Pierre Jouyet, c'est aussi le cas d'Anne Lauvergeon. C'est regrettable et c'est ce qui permet de douter de l'efficacité de la future BPI », déclare un acteur du capital-investissement interrogé par La Tribune.

Parce que le gouvernement ne saurait être insensible aux rumeurs et aux commentaires, la solution François Drouin, l'actuel PDG d'Oseo, serait également sérieusement étudiée. Ses compétences et sa connaissance des PME sont reconnues au plus haut niveau de l'Etat. A la tête de la banque publique depuis 2007, il a réussi l'alliance entre l'Anvar et la BDME, puis de l'Agence de l'innovation industrielle (AII). Il a également répondu présent à chaque fois que l'exécutif confiait de nouvelles missions à la banque publique. La rapidité avec laquelle Oseo a mis en place sa filiale Oseo Industrie l'atteste. Entre l'annonce de Nicolas Sarkozy, le 28 janvier, de créer une banque de l'industrie pour contrer le projet de banque publique des PME du candidat François Hollande, et la réception en mars de son agrément banque de la part de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), il ne se sera écoulé que quelques semaines.

L'importance de la dimension régionale

Par ailleurs, la force d'Oseo reposant sur ses 37 antennes régionales, François Drouin possède une forte connaissance de la problématique économique des territoires. Ce point est important à souligner, étant donné le poids des Régions dans le dispositif BPI. En effet, si la présidence du conseil d'administration leur a échappé, les Régions n'ayant que deux représentants sur cinq administrateurs, elles présideront le conseil d'orientation de la BPI. En outre, on peut faire confiance à Alain Rousset, le président de l'Association des régions de France (ARF) pour que leur voix porte au-delà du comité d'orientation.

« Cette solution a du sens mais elle souffre deux critiques. D'une part, François Drouin est un banquier pur jus. Or, la BPI devra aussi apporter des fonds propres sous forme de prises de participation aux entreprises. C'est un métier très différent de celui de banquier, même si Oseo offre depuis peu des solutions de ce type avec le contrat de développement participatif. Par ailleurs, serait-il judicieux de la part du gouvernement de faire 'grimper' quelqu'un déjà en place ? Cette nomination pourrait rallumer les tensions et les guerres d'ego qui existent entre les différents financeurs publics », explique une source proche du dossier.
 
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