Avant-première : les questions qui seront posées à François Hollande ...et les réponses du Président

Par La rédaction de latribune.fr  |   |  2220  mots
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Le Président de la République tient donc sa première conférence de presse ce mardi en fin d'après-midi. A n'en pas douter, les sujets économiques seront nombreux. Chômage, gaz de schiste, Lex Google... La Tribune s'est donc essayée au jeu des questions qui ne manqueront pas de lui être posées et a imaginé les réponses de François Hollande : les plus probables...et les plus surprenantes.

Monsieur le Président, vous avez déclaré en septembre croire en une inversion de la courbe du chômage dès la fin 2013. Maintenez-vous cette prévision ?

Réponse probable

Oui je la maintiens. On ne fait pas de politique sans un certain volontarisme. Avec le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et le ministre du Travail Michel Sapin en particulier, nous avons mobilisé tous les moyens possibles pour parvenir à inverser la courbe du chômage dans un an. J?ai tenu mes engagements de campagne : 100.000 contrats d?avenir vont être créés en 2013, à destination des jeunes les plus défavorisés. Déjà, les premières conventions ont été signées. De même, les partenaires sociaux sont parvenus, et je les en remercie, à conclure en un temps record un accord sur le contrat de génération dans le secteur marchand. Ce contrat va inciter les entreprises à embaucher un jeune tout en maintenant un senior sur son poste. Je crois en cette formule. Par ailleurs, le budget 2013 du ministère du Travail permet de financer 390.000 emplois aidés. Enfin, je suis certain qu?avec les 20 milliards de crédit d?impôt que le gouvernement a décidé de leur accorder, les entreprises, plus sereines, penseront à recruter. D?autant plus que si, comme je l?espère, les partenaires sociaux parviennent à la fin de l?année à conclure leur accord sur le marché du travail qui devrait aussi faciliter la vie des entreprises tout en sauvegardant les droits des salariés.

Réponse surprise

Quand j?ai fait cette déclaration, je voulais fixer un cap, alors que nous connaissons depuis dix-sept mois une hausse continue du chômage. L?emploi est la première préoccupation des Français, c?est donc aussi la nôtre. Vous dire si nous infléchirons la courbe fin 2013 ou plutôt en 2014, je ne le sais pas. La France a la particularité par rapport à ses voisins d?avoir- et c?est tant mieux ? une forte démographie. Chaque année, 150.000 jeunes supplémentaires arrivent sur le marché du travail. Et les économistes ont l?habitude de dire qu?il faut 1% de croissance pour créer des emplois et 1,5% pour faire baisser le chômage. Or, vous le savez, le budget 2013 a été bâti sur une hypothèse de croissance de 0,8%. J?entends même certaines prévisions qui tablent plutôt sur 0,4%. Certes, avec le gouvernement nous avons déployé tous les moyens possibles pour freiner la hausse du chômage mais dans un contexte de croissance molle, voire de récession, il est très difficile de dire quand la courbe va baisser. Ce qui compte c?est le cap, je vous le répète. Pour paraphraser la célèbre formule du chancelier Helmut Schmidt je vous dirais : la priorité d?aujourd?hui est la réduction des déficits qui fera les investissements de demain et les emplois d?après-demain.

Jean-Christophe Chanut

 

Les Etats-Unis devraient devenir autosuffisants en énergie en 2030 grâce au pétrole et au gaz de schiste, selon l?Agence internationale de l?énergie. Est-ce que cela pourrait vous amener à revoir votre interdiction de l?exploration et de l?exploitation du gaz de schiste en France ?

Réponse probable

La fracturation hydraulique, seule technique aujourd'hui connue, n'est pas exempte de risques lourds pour la santé et l'environnement. J'ai demandé mi septembre à la ministre de l?Energie, Delphine Batho, de prononcer sans attendre le rejet de sept demandes de permis déposés auprès de l'Etat et qui ont légitimement suscité l'inquiétude dans plusieurs régions. S'agissant de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, telle sera ma ligne de conduite tout au long de mon quinquennat, comme je l'ai déclaré lors de l?ouverture de la conférence environnementale le 14 septembre dernier.
 

Réponse surprise

Oui, cela peut faire réfléchir. Comme les dernières informations circulant sur la possibilité de procéder à des campagnes d'esploration, si j'ose dire, "proprement". Je n'irai certes pas jusqu'à me demander, comme François Fillon l'a fait, s?il n?est pas criminel de se passer des recherches sur le gaz de schiste. Ou même penser que cela dénote d?une tournure d'esprit moyenâgeuse, enfermée dans ses terreurs. Mais tout de même, il faut toujours s'interroger sur des questions aussi stratégiques. Et je le fais. Michel Rocard l?a relevé tout récemment, le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique et ça ne faisait de peine à personne. De là à prédire comme il l'a fait que la France « serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole »... Mais il faut en avoir le c?ur net, et se garder de toute position dogmatique. C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre de constituer dans les meilleurs délais une commission d'experts de tous bords pour étudier à nouveau les conditions dans lesquelles pourrait être lancée une campagne d?exploration du sous-sol français. J'attends ces conclusions pour le début de l'année prochaine et nous prendrons les décisions qui s'imposent. 

Marie Caroline Lopez

Etes-vous favorable à l?instauration de ce que l?on appelle la Lex Google qui permettrait de taxer les référencements des contenus sur Internet et ainsi de rétribuer notamment les éditeurs de presse?

Réponse probable

Comme vous le savez, j?ai rencontré il y a quelques jours le président de Google, Eric Schmidt. Nous avons parlé de beaucoup de choses et notamment de cette question qui est très importante. Et il faut toujours être vigilant quand une entreprise occupe une position très forte, voire dominante dans son secteur. C?est le cas de Google qui est une réussite exceptionnelle et a contribué au formidable essor d?Internet. Alors comment faire pour que tous les acteurs de la vie numérique s?y retrouvent? C?est un sujet complexe qui n?appelle pas nécessairement des réponses simples. J?ai demandé à la ministre de l?Economie numérique, Fleur Pellerin, et la minsitre de la Culture, Aurélie Filipetti,  d?avancer sur cette question, et ce en coopération avec nos grands partenaires européens. Car bien sûr, il n?est pas question d?agir seul dans cette affaire. En matière de numérique, les frontières n?existent pas et il convient de s?entendre, faute de quoi toute décision unilatérale risque d?être soit pénalisante pour nos propres intérêts, soit inefficace. Vous savez que l?Allemagne a aussi engagé un processus pour faire évoluer la législation dans ce domaine et je ne doute pas que nous puissions aboutir à une position commune.

Réponse surprise

Je connais les difficultés rencontrées par les éditeurs de presse et le défi que constitue pour cette profession, pour vous, la mutation numérique. Pour autant je ne crois pas à la mise en place d?un dispositif rigide, coercitif, qui d?ailleurs me semble extrêmement lourd et finalement assez incompatible avec l?esprit même d?Internet. J?ai bien conscience du poids que représente Google dans cet écosystème en perpétuelle mutation. Et qu?il convient d?être attentif à tout abus de pouvoir. Je sais aussi que ce n?est l?intérêt de personne qu?un des piliers essentiels de cette formidable chaîne numérique, véritable chaîne de la connaissance, soit fragilisé au point de ne plus pouvoir jouer son rôle, ce qui se traduirait par une diminution de la qualité de l?information. Je l?ai rappelé à Eric Schmidt, le président de Google. Il en est parfaitement convenu. Une négociation qui permettra d?aboutir à solution gagnant-gagnant me semble être la meilleure façon d?approcher ce sujet qui, je le sais, vous préoccupe beaucoup.

Eric Walther

Avec le pacte de compétitivité, qui prévoit des baisses de charges patronales sans contrepartie réelle et une hausse de la TVA, vous opérez un tournant dans votre politique économique. Jusqu?où irez vous dans le changement de cap ?

 

Réponse probable

Il n?y a pas de tournant. Relisez mon programme. Tout était prévu : le redressement des finances publiques, la compétitivité? Je veux bien admettre une inflexion, s?agissant de la hausse de la TVA. Mais elle n?a rien à voir avec ce qu?avait prévu Nicolas Sarkozy. Là où il augmentait le taux normal de 1,6 point, je ne le remonte que de 0,4 point. Et je diminue le taux réduit, qui passera de 5,5% à 5%. En outre, ces mesures n?interviendront que le premier janvier 2014, alors que la hausse programmée par le précédent gouvernement serait tombée au plus mauvais moment : aujourd?hui même. Je garde le cap du redressement de la France, qui passe par le rétablissement de nos comptes, mais aussi et surtout par la lutte contre le chômage. Le sérieux budgétaire n?empêche pas de tout faire pour améliorer l?emploi. C?est ce que nous faisons. C?est notre cap.

Réponse surprise.

Si vous pensez qu'il s'agit d'un tournant, je suis prêt à l?assumer. Pendant la campagne électorale, j'ai peut-être donné l'impression de sous-estimer le problème de la dégradation de la compétitivité française - mais reconnaissez que je n'étais pas le seul ! La création de la Banque publique d?investissement, qui est une décision majeure, ne suffira pas à résoudre toutes ces difficultés. Il y a un vrai sujet de coût du travail, qu?il fallait traiter. Quant à financer des baisses de charges par une hausse de la TVA, tous les organismes internationaux, y compris l?OCDE, préconisent d?augmenter les taxes sur la consommation pour diminuer au contraire les cotisations grevant les salaires. En outre, la TVA était en France plus faible que la moyenne des grands pays européens.

Ivan Best

Aussi bien le FMI que la Commission européenne ne croient pas à votre prévision d?un déficit public ramené à 3% du PIB en 2013. Comment allez vous gérer cette situation ?

Réponse probable

Notre budget est sérieux, il est fondé sur des hypothèses économiques volontaristes mais crédibles. Avec le pacte de compétitivité, qui ouvre des perspectives aux chefs d?entreprise, et que la Commission européenne n?a pas pas pris en compte dans ses prévisions, il est encore possible d?atteindre notre prévision de croissance de 0,8%. Dès lors, la parole de la France pourra être respectée.

Réponse surprise

Compte tenu de l?environnement de la zone euro, il n' est pas totalement impossible que la croissance espérée ne soit pas atteinte. Et, partant, que le déficit soit très légèrement supérieur à 3% du PIB. Mais la commission de Bruxelles et nos partenaires européens prennent en compte et apprécient la trajectoire à moyen terme de rétablissement des comptes, les efforts fournis, ainsi que le plan compétitivité, qui va renforcer nos performances économiques. Dès lors, nous n?aurons pas à prendre de nouvelles mesures de redressement en 2013.

I.B.

Début novembre, Jean-Marc Ayrault a confirmé que le projet de réforme bancaire serait présenté au Conseil des ministres du 19 décembre. Pensez vous toujours qu'il va couper les banques françaises en deux pour isoler totalement les activités de banques d?investissement?

Réponse probable

Je me suis engagé à mettre les banques au service de l?économie. Comme je l?ai déjà dit, il faudra à l?avenir distinguer les activités qui sont utiles à l'investissement et à l'emploi des opérations spéculatives des banques. Ainsi, et dans l?esprit du rapport Liikanen, les activités financières qui font peser des risques excessifs aux déposants et à la collectivité devront être isolées dans des entités séparées des banques. Il faut cependant veiller à ce que le remède ne soit pas pire que le mal. La séparation de certaines activités ne doit pas nuire au financement de l?économie française. Il n?est pas non plus question de remettre en cause le modèle de « banque universelle », qui a prouvé sa résistance pendant la crise financière.

Réponse surprise

Les activités de marché pèsent très lourd ? trop lourd - dans le bilan des banques françaises. Près de 39 % des actifs de BNP Paribas et 33 % de ceux de Société Générale sont des actifs détenus pour le trading. Cette part descend à respectivement 24 et 14 % pour le groupe Crédit Agricole et BPCE. A l'inverse, les prêts à la clientèle représentent seulement 34 % du bilan pour BNP Paribas comme pour Société Générale. Il est essentiel de protéger les dépôts des épargnants en isolant totalement les activités de marché des grandes banques françaises. Les banques françaises défendent une version « allégée » du rapport Liikanen. Je dis qu?il faut aller plus loin que les recommandations de ce rapport !

Sophie Rolland