La "nouvelle" décentralisation a un air de déjà vu

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  708  mots
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Le nouvel acte de décentralisation promis par François Hollande s'annonce bien décevant. L'avant-projet de loi qui sera discuté en janvier a un goût d'ancien et de trop peu, et se révèle bien timide sur les transferts de compétences, notamment en matière de développement économique.

En matière de décentralisation, le plus facile, le plus évident a été réalisé depuis 1982. Les élus attendaient donc du nouvel acte de la décentralisation promis par François Hollande qu'il rentre dans le dur. Raté ! «L'avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique» que Marylise Lebranchu, la ministre de la réforme de l'Etat, a (enfin!) validé, va faire énormément de déçus et très peu d'heureux, ces derniers se recrutant essentiellement parmi ceux qui voulaient que rien ne change. L'avant-projet va être discuté début janvier avec les associations d'élus et les syndicats et il faut espérer qu'ils arrivent à l'améliorer. C'est vital.

Le meilleur exemple en est le développement économique, sujet de toutes les polémiques depuis 6 mois. Actuellement, il s'agit d'une compétence des Régions. Les futures métropoles la veulent absolument. Marylise Lebranchu fait une réponse qui n'en est pas une. Lille, Lyon et Marseille pourront ainsi se constituer en « Eurométropoles » (Paris et l'Ile de France ne sont pas encore concernés par le texte). D'autres se constitueront éventuellement en métropoles : les communautés d'agglomérations de Bordeaux, Nantes, Toulouse, Nice, Strasbourg, Rouen, Grenoble ... Mais si les 3 Eurométropoles ont à priori de plein droit les aides aux entreprises (donc la plus grosse masse financière du développement économique) les métropoles ne seront pas des collectivités de plein exercice, comme les communes, les départements et les régions. Elles n'auront donc que les compétences qu'elles demandent aux «vraies» collectivités de leur transférer. En clair Michel Destot à Grenoble va devoir demander à Jean Jacques Queyranne, le président du conseil régional de Rhône-Alpes la possibilité de faire du développement économique. Cela risque d'être compliqué, lent, et un rien conflictuel.D'auant que certaines villes (Rennes, Metz...) semblent de facto exclus du schéma


Le grand retour du Plan Quinquennal !

Mais si Marylise Lebranchu n'a pas donné la compétence économique aux métropoles (le Conseil d'Etat le lui a vivement déconseillé), elle n'a pas non plus donné aux Régions la possibilité d'adopter un schéma régional de développement économique prescriptif. Elle reste sur le schéma d'antan : la Région peut adopter les schémas qu'elle veut sans que ses collectivités soient obligées de les respecter bien qu'elles les aient discutés! Ni les métropoles ni les régions ne sont satisfaites, c'est du perdant-perdant. Mais les deux pourront au moins faire front commun face à une innovation du texte : d'abord la loi de finances nationale qui fixera les modalités d'intervention des Régions en matière de développement économique et, surtout, pour le même développement économique, l'adoption, dès janvier 2014, d'un «schéma stratégique national pour une durée de 5 ans » définissant les priorités nationales en matière de compétitivité et d'attractivité des territoires. Les commentateurs mal intentionnés penseront « plus jacobin tu meurs », les plus tendres se contenteront de suggérer que ce n'est pas l'essence de la décentralisation. Quant aux nostalgiques, ils seront heureux de retrouver ce bon vieux « Gosplan ».


Ce n'est pas une décentralisation, à peine une déconcentration
Marylise Lebranchu risque donc d'avoir un peu de mal à convaincre. Entre la question de fond sur le rôle central de l'Etat (il est clair dans ce texte que les compétences sur l'économique et sur l'emploi restent et resteront à l'Etat) et quelques incongruités (pourquoi donc donner la compétence ordures ménagères aux Régions, comme si c'était le meilleur niveau pour ramasser les poubelles ?), son avant-projet montre à l'évidence que personne à gauche n'était d'accord sur la nature même du nouvel acte de la décentralisation et qu'elle a eu pour consigne de faire le plus light possible. Il y a quelques jours un très haut fonctionnaire (socialiste) du ministère de l'Intérieur a tenu à « rassurer » officieusement les préfets en les prévenant que « le nouvel acte ne serait ni de la décentralisation, ni même de la déconcentration, mais une modernisation de l'action publique ». L'avant projet le confirme.