Négociation sur l'emploi : Parisot pose ses conditions

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  813  mots
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Alors que patronat et syndicats vont négocier au moins durant deux jours (à compter de demain mercredi 19 décembre) sur la réforme du marché du travail, la présidente du Medef en profite pour poser ses conditions à la signature d'un accord par son organisation. Elle revendique de nouveau davantage de flexibilité, passant par un raccourcissement des délais en cas de plan social, une déjudiciarisation du droit du travail, une limitation des dommages et intérêts, etc. En revanche, Laurence Parisot ne juge pas opportun de davantage taxer les contrats de travail courts.

«La négociation sur l'emploi entre dans une semaine décisive. Le Medef est déterminé et impliqué pour aboutir à un accord». Pour Laurence Parisot, la grande négociation sur le marché du travail est devenue un enjeu professionnel et... personnel. Car il est certain que si les partenaires sociaux se mettaient d'accord sur un texte, la présidente du Medef en tirerait une gloire qui pourrait la conduire à postuler pour un troisième mandat -une possibilité à ce stade non prévue par les statuts- à la tête de l'organisation patronale... En attendant, Laurence Parisot a clairement fixé, une nouvelle fois, les conditions pour la signature du Medef. Elle attend beaucoup de la séance marathon de négociation qui doit se tenir mercredi 19 et jeudi 20, voire même se prolonger vendredi 21.
Pour elle, «la flexibilité du marché du travail est devenue indispensable pour arrêter les destructions d'emplois et favoriser les projets d'embauches». Selon Laurence Parisot, cette flexibilité doit se traduire très concrètement par différentes réformes.

Les conditions de Laurence Parisot pour une signature du Medef

Un raccourcissement des délais dans l'élaboration et la finalisation des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), d'abord. Ainsi que leur sécurisation par une sorte d'homologation de l'administration qui empêcherait syndicats et salariés de contester le caractère fondé ou non d'un plan social. Une simplification des mécanismes de mobilités géographiques et professionnelles au sein d'un groupe, ensuite. Les salariés devraient être davantage contraints à changer de poste quand la situation économique l'exige. La présidente du Medef demande aussi une officialisation des accords de maintien de l'emploi (auparavant dénommés «les accords compétitivité/emploi») permettant de déroger temporairement au droit du travail. Il s'agirait, en cas de difficultés conjoncturelles, de pouvoir signer un accord majoritaire prévoyant une baisse de la durée du travail et des salaires en échange d'un maintien des effectifs. Et ce pour une durée donnée, avec une clause de retour à meilleure fortune, permettant, à terme, aux salariés d'être dédommagés des efforts consentis.
Enfin, et Laurence Parisot en fait une condition sine qua non, il «faut absolument parvenir à une déjudiciarisation du droit du travail. Où le fond doit prévaloir sur la forme». En d'autres termes, l'organisation patronale ne veut plus que des procédures soient annulées pour de simples erreurs de forme. La présidente du Medef demande aussi que les dommages et intérêts qu'une entreprise devra éventuellement verser à un salarié (en cas de licenciement abusif par exemple) fassent l'objet d'un barème fixé par la justice, «afin de favoriser la conciliation avant d'arriver devant le conseil des prud'hommes».

Le Medef d'accord pour généraliser une complémentaires santé à tous les salariés...

Sur le volet sécurisation des parcours professionnels, pendant d'une flexibilité accrue, le Medef se déclare d'accord pour étudier une extension des complémentaires santé à tous les salariés de toutes les branches. Et cette complémentaire santé pourrait donner lieu à une portabilité, notamment en cas de licenciement. Un chômeur pourrait donc continuer d'en bénéficier. «Mais attention au coût, prévient Laurence Parisot. Ceci pourrait atteindre de 2 à 4 milliards d'euros. Faisons cette réforme progressivement sur 5 ans». L'organisation patronale se dit également favorable pour étudier (mais fin 2013, à l'occasion de la négociation de la nouvelle convention d'assurance chômage) le dispositif des «droits rechargeables» pour les personnes qui alternent périodes d'emploi et périodes de chômage.

Mais conteste l'idée et l'utilité de taxer davantage les contrat de travail courts

Reste la question de la taxation des contrats courts (via une surcotisation à l'assurance chômage), notamment des CDD, demandée par les syndicats pour dissuader les entreprises de trop utiliser les contrats précaires. Pour Laurence Parisot, c'est «niet». Il faut dire que l'UPA (artisans employeurs) et la CGPME ne veulent pas entendre parler de cette idée. Pour appuyer sa position, la présidente du Medef argue du fait que sur une décennie, le nombre des salariés respectivement en CDI et en CDD n'a quasiment pas bougé. Il s'agit donc, selon elle, d'un faux problème. En revanche, elle concède que si en 2000, 76% des embauches se faisaient en CDD, ce taux est monté à 84,2% en 2010. Pour éviter cela, le Medef réfléchit à la possibilité d'augmenter la durée des périodes d'essai (qui peuvent déjà atteindre 6 mois quand même), pour inciter les employeurs à recruter directement en CDI.
Malgré l'optimisme de Laurence Parisot, il n'est tout de même pas certain que syndicats et patronat parviennent à un accord dès la fin de cette semaine. Laurent Berger, nouveau numéro un de la CFDT, estime même qu'actuellement "un texte n'est pas signable". Le Medef va devoir évoluer dans ses positions!