Le Conseil constitutionnel ne s'est pas contenté de retoquer la taxation des hauts revenus

Par Fabien Piliu  |   |  973  mots
Copyright Reuters
Les Sages de la rue de Montpensier ne se sont pas de retoquer la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d'euros. Au total, leurs décisions privent l'Etat d'environ 500 millions de recettes fiscales supplémentaires.

S'il n'a jugé aucune des trois orientations de fond de la loi de finances (PLF) 2013 contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel a remis en cause plusieurs mesures fiscales, outre la taxation à 75% des hauts revenus. Il estime que le niveau de certaines d'entre elles fait peser sur les contribuables une "charge excessive au regard de leurs facultés contributives (...), contraire au principe d'égalité". En clair, il a mis au panier les dispositions qui concrétisaient les promesses du candidat Hollande de mettre en place une fiscalité plus juste en cette période de crise. Au total, les coups de canifs de l'institution privent l'Etat d'environ 500 millions de recettes fiscales en 2013. Un chiffre à comparer aux 20 milliards de recettes supplémentaires attendues, et qui ont été validées.

Outre la modification de l'imposition des plus-values sur les terrains à bâtir prévue par l'article 15, qui a été censurée, le Conseil a retoqué les mesures suivantes :

? Retraites 'chapeau' : les Sages veillent à ne pas faire peser sur les retraités "une charge excessive au regard de leur faculté contributive"

Le Conseil constitutionnel abaissé à 68,34% la taxation marginale maximale de la dernière tranche marginale d'imposition portant sur ces retraites, prévue à 75% dans l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale. Motif? Si la nouvelle tranche à 45% de l'impôt sur le revenu, est jugée conforme à la Constitution, elle "a toutefois pour conséquence de porter l'imposition marginale des retraites complémentaires dites 'chapeau' à 75,04% pour celles perçues en 2012 et à 75,34% pour celles perçues à compter de 2013". Verdict des Sages : ce niveau est "contraire à l'égalité devant les charges publiques", car il fait peser sur les retraités concernés "une charge excessive au regard de leur faculté contributive".

? Les bons anonymes resteront imposés à 75,5%

Selon l'article 9 du PLF 2013, le taux d'imposition sur les bons anonymes devait être relevé de 75,5% à 90,5%. Le Conseil a jugé que "ce nouveau taux d'imposition faisait peser sur les contribuables concernés une charge excessive au regard de cette capacité contributive". Là encore, la mesure est qualifiée de "contraire à l'égalité devant les charges publiques", et donc censurée.

? La taxation des gains des stock-options et actions gratuites ne dépassera pas 64,5%

L'article 11 est lui aussi passé sous les fourches Caudines du Conseil constitutionnel. L'article 11 prévoyait de soumettre les gains et avantages tirés des stock-options et des actions gratuites attribuées à compter du 28 septembre 2012 au barème de l'impôt sur le revenu. Avec pour résultat : un relèvement de l'imposition marginale de ces gains et avantages à 72% ou 77%, selon la durée de détention. En outre, dès 150.000 euros de revenus soumis au barème de l'impôt sur le revenu, ces gains sont soumis à une imposition de 68,2% ou de 73,2%. Le Conseil a également jugé excessifs -et donc retoqué- ces nouveaux niveaux d'imposition. La taxation marginale maximale de ces gains et avantages ne dépassera donc pas 64,5%.

? Les revenus individuels supérieurs à 1 million d'euros sont exemptés de contribution exceptionnelle de solidarité

Censuré également, l'article 12 instituant une contribution exceptionnelle de solidarité de 18% sur les revenus d'activité excédant un million d'euros. Cette contribution était assise sur les revenus de chaque personne physique alors que l'impôt sur le revenu pesant sur les mêmes revenus, ainsi que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4%, sont prélevés par foyer.

L'article 13, qui accroît le nombre de tranches et rehausse les taux de l'ISF pour les rapprocher de ceux en vigueur avant 2011, n'a pas non survécu non plus à l'examen du Conseil. C'est l'intégration dans le calcul du plafonnement de l'ISF des bénéfices ou revenus que le redevable n'a pas réalisés ou dont il ne dispose pas, qui a été pointée du doigt.

? Les droits de succession en Corse ne seront plus privilégiés

L'article 14 prorogeait un régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur les immeubles situés dans les départements de Corse. Il conduisait, "sans motif légitime, à ce que la transmission de ces immeubles soit exonérée de droits de succession". Jugeant que cette prorogation méconnaissait le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, le Conseil a censuré cet article. Le même sort a été réservé à l'article 95 sur le transfert des compétences de production de plants forestiers à la collectivité territoriale de Corse.

? Limitation des plafonds des niches fiscales "outre-mer" et "cinéma"

L'article 73 relatif aux 'niches fiscales' fixe à 10.000 euros le plafonnement global de la plupart des avantages fiscaux. Il prévoyait un plafond majoré de 18.000 euros et 4% du revenu imposable pour des réductions d'impôt accordées au titre d'investissement outre-mer ou pour le financement en capital d'oeuvres cinématographiques. Les Sages ont souligné que "la loi de finances procède à un relèvement significatif de l'impôt sur le revenu" et que "la subsistance de ce plafonnement proportionnel au revenu imposable applicable à deux catégories d'avantages fiscaux attachées à des opérations d'investissement permettait à certains contribuables de limiter la progressivité de l'impôt sur le revenu dans des conditions qui entraînent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques". La fraction de l'avantage d'un montant égal à 4% du revenu imposable est donc censurée.

? L'article sur les dons des personnes physiques aux partis politiques a été censuré

Les Sages ont trouvé plusieurs articles ne concernant ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'Etat; soient, selon leur grille de lecture, des dispositions "n'ayant pas leur place en loi de finances". Ainsi, larticle 8 sur les dons des personnes physiques aux partis politiques est censuré, de même que l'article 44 sur les missions de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.