Laurence Parisot réussira-t-elle son "putsch" ?

Par Jean-Christophe Chanut et Fabien Piliu  |   |  903  mots
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La modification des statuts de Medef souhaitée par son actuelle présidente déplait très fortement. Le conseil exécutif qui se tiendra cet après-midi s'annonce tendu.

Les couteaux sont affutés. Vendredi soir, deux heures à peine après la signature de l'accord sur la sécurisation de l'emploi, Laurence Parisot, l'actuelle présidente du Medef a annoncé aux membres du conseil exécutif, qui s'est réunie ce lundi après-midi sa décision de faire voter trois points : une augmentation de la durée du mandat, portée de trois à de cinq ans, la fin de la limitation du nombre de mandats et la suppression de la limite d'âge pour tous les membres du conseil exécutif.

Si le conseil vote le premier point, et que ce vote est validé par l'assemblée générale le 22 janvier prochain, il en sera fini du processus électoral initial qui devait conduire à l'élection en juillet d'un nouveau président du Medef. Même si Laurence Parisot argue qu'elle ne demande pas à effectuer un troisième mandat, mais simplement à rester deux années supplémentaires pour terminer un deuxième mandat de cinq ans - au lieu des trois ans prévus par les statuts actuels - son initiative déplait fortement.

« C'est un putsch absolument indécent, sidérant. Laurence Parisot est en train de rater sa sortie. Comment le Medef pourrait-il faire l'impasse sur un processus démocratique ? », s'interroge Thibault Lanxade, un chef d'entreprise membre du Medef qui fut déjà candidat à la présidence du Mouvement et qui, comme la grande majorité des prétendants potentiels, avait respecté le souhait de Laurence Parisot d'attendre la fin des négociations sur la sécurisation de l'emploi pour se déclarer.

Jean-Claude Volot est furieux

Jusqu'ici, seul Jean-Claude Volot, l'ancien médiateur des relations inter-industrielles avait fait acte de candidature, à la mi-octobre. Une initiative peu apprécié par Laurence Parisot. Interrogé dès samedi par La Tribune, celui-ci n'avait pas eu de mots assez durs pour qualifier l'initiative de la présidente actuelle du Medef. "Elle est là pour vingt ans ! Pourtant, son bilan après huit ans à la tête du Medef est désastreux. Laurence Parisot a sa part de responsabilité dans la situation actuelle de l'économie française. La méthode employée est scandaleuse, honteuse. Les courriers, les mails adressés aux membres du comité étaient prêts dès vendredi soir, quelques heures après l'accord entre les partenaires sociaux sur la sécurisation de l'emploi. L'encre n'était même pas sèche ! ", a déclaré Jean-Claude Volot.

La fin de la limite d'âge peut-elle réjouir les plus anciens membres du conseil exécutif notamment Pierre Bellon et Michel Pébereau ? « Ce n'est même pas certain », indique Thibault Lanxade. « C'est un cadeau voyant et de mauvais goût », renchérit une source proche du dossier.

Un mouvement « Tout sauf Parisot » ?

Il n'y a pas que les candidats potentiels à la succession de Laurence Parisot, parmi lesquels figurent aussi Pierre Gattaz (qui a même officiellement fait acte de candidature ce lundi 14 janvier) , le président du Groupement des fédérations industriels (GFI) ou Geoffroy Roux de Bézieux, l'ancien président de Croissance Plus, qui se rebellent. Une fronde est aussi en train de naitre chez les anciens présidents du Medef. Ils considèrent que ce prépare Laurence Parisot est « attentatoire aux statuts et que, concrètement, huit ans ça suffit ». Une tribune dans ce sens, publiable dans un quotidien, est déjà rédigée. Elle est signée Yvon Gattaz, Ernest-Antoine Seillière, Jean Gandois et Denis Kessler.

L'avenir de Laurence Parisot dépendra également de l'attitude des grandes fédérations au sein de l'Assemblée générale du Medef, car ce sont elles qui disposent de la majorité des deux-tiers des voix nécessaires à la modification des statuts. Les services, le bâtiment et les travaux publics semblent d'accord pour donner deux années supplémentaires à Laurence Parisot. En revanche, l'UIMM - qui n'a pas oublié le grave conflit qui l'a opposé à la présidente du Medef au moment de l'affaire du financement occulte de la fédération - semble plus dubitative. Quant à la Fédération de la mécanique (FIM) et la Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication (FIEEC), elles semblent préférer la candidature de Pierre Gattaz.Une chose semble sûre. Le débat ne sera pas tranché à l'issue du Conseil executif de ce jour. Les représentants des fédérations vont demander une réunion de leurs instances dirigeantes avant de se prononcer. C'est notamment ce qu'a décidé de faire l'UIMM.

Que faire après le Medef ?

Comment expliquer l'initiative de Laurence Parisot ? Par la peur du vide, après huit années sous les feux de l'actualité ? Par ailleurs, quel pourrait être l'après-Medef pour l'ancienne présidente de l'IFOP ? En juin, elle pourrait toujours se présenter à l'élection de la présidence de Business Europe, le patronat européen - ex-Unice-, imitant ainsi son prédécesseur au Medef, Ernest-Antoine Seillière Un poste actuellement occupée par l'allemand Jürgen Thumann. Toutefois, ses chances de succès sont assez faibles. Commissaire européen ? Elle aimerait bien. Son nom avait été évoqué à la fin du dernier quinquennat quand Nicolas Sarkozy comptait demander à Michel Barnier, l'actuel commissaire européen au marché intérieur, d'entrer au gouvernement. Aujourd'hui, on imagine mal François Hollande pousser sa candidature.