Officiel : la fin de l'illusion des 3% de déficit en 2013 !

Par Philippe Mabille  |   |  1444  mots
Copyright Reuters
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a mis fin au faux suspense sur le respect par la France de son engagement de réduction des déficits. "Nous ne serons pas à 3%" du PIB en 2013, mais l'objectif de zéro déficit à la fin du quinquennat est maintenu. Pour Hollande, le plus dur commence : réduire la dépense publique.

3% de déficits publics en 2013, cette douce illusion qui a servi de levier à François Hollande pour imposer aux Français (et à la gauche) le plus dur plan d'austérité depuis Juppé en 1995 (30 milliards d'euros de prélèvements en plus cette année), c'est fini! Après François Hollande qui a laissé entendre mardi que l'objectif d'une croissance de 0,8% cette année ne sera pas atteint, c'est Jean-Marc Ayrault qui a sonné la fin de la partie hier soir sur France 3. "Nous ne serons pas exactement, je pense, aux 3% en 2013, pour une raison simple, c'est que la croissance en France, en Europe et dans le monde est plus faible que prévu", a-t-il dit. Mais, a-t-il ajouté, "l'objectif, et il sera atteint, c'est le déficit zéro à la fin du quinquennat, ce qui compte c'est la trajectoire".

Le voile se déchire donc sur les prévisions trop optimiste du gouvernement qui, après tous les autres pays et notamment l'Allemagne, s'apprête donc à dire la vérité sur l'état de l'économie plus tôt que prévu. Il y est un peu obligé puisque l'Insee rend publiques ce jeudi les chiffres du PIB au quatrième trimestre. Une baisse de 0,3% de l'activité qui ramène à ... zéro la croissance de 2012, et laisse augurer une nouvelle année de stagnation en 2013. L'économie française a détruit 66.800 emplois dans le secteur marchand en 2012, dont 65.600 dans l'intérim, une tendance qui devrait se poursuivre au moins jusqu'en juin prochain.

Les derniers indicateurs conjoncturels, notamment la production industrielle, sont très préoccupants. Jusqu'ici, le gouvernement s'accrochait à l'espoir d'une possible reprise progressive, enclenchée par le relatif retour au calme dans la zone euro et le rebond constaté à l'extérieur de la zone euro, aux Etats-Unis et en Chine notamment. Cette stratégie de communication consistant à attendre le plus longtemps possible a fait long feu, parce que la France est au contraire plutôt en train de s'enfoncer à nouveau dans la crise, comme d'ailleurs avec elle l'ensemble des autres pays européens (-0,6% en Allemagne, -0,9% en Italie au quatrième trimestre et - 6% en Grèce !). Quand vendredi prochain 22 février, la commission européenne publiera ses nouvelles prévisions de croissance pour 2013, cela va être un massacre. Tous les instituts de conjoncture privé, le FMI et la BCE ont convenu que 2013 sera encore une mauvaise année et il n'est même pas sur que 2014 soit à la hauteur de la reprise espérée.

Paris espérait se déclarer plus tard, au moment de la transmission à la commission de Bruxelles de la nouvelle mouture de la programmation pluriannuelle des finances publiques, fin mars ou début avril. Mais, à la veille d'un G20 à Moscou où la France va se plaindre de l'impact négatif de la hausse de l'euro sur le redressement de ses exportations, François Hollande, en bon politique, a saisi qu'il avait une fenètre de tir pour mettre la mauvaise nouvelle du non respect de ses engagements budgétaires sur le compte de la guerre des monnaies, plutôt que sur les insuffisances de sa propre politique...

L'opposition UMP a d'ailleurs saisi de son côté la balle au bond en annonçant une motion de censure de la politique économique du gouvernement au Parlement, a indiqué le leader de l'UMP Jean-François Copé aux Echos. L'opposition n'a évidemment aucune chance de faire adopter cette censure, mais elle compte surtout en profiter pour placer le gouvernement dans l'embarras face à sa majorité de gauche, alors que le ton monte contre l'austérité. Une partie de l'aile gauche du PS a récemment pris partie pour un "tournant de la relance", arguant que la politique de rigueur est inefficace pour réduire les déficits et la dette.

"Maintenant la Gauche", qui réunit l'aile gauche du Parti socialiste, a demandé jeudi au gouvernement d'abandonner l'objectif de réduction du déficit public à 3% du PIB pour l'année 2013 en faveur d'une politique de relance, alors que la croissance pourrait être revue à la baisse. "L'abandon du dogme des 3%, c'est le retour à la raison après des années de déraison et d'aveuglement" ont expliqué Emmanuel Maurel (vice-présidente de la région Ile-de-France), Marie-Noëlle Lienemann (sénatrice de Paris), Jérôme Guedj (député de l'Essonne) et Marianne Louis (conseillère régionale Ile-de-France) dans un communiqué commun.
"Les politiques de réduction à marche forcée des déficits publics mènent inexorablement à l'austérité généralisée" ont-ils prévenu, qualifiant l'objectif de réduction du déficit public à 3% de "mantra qui fut érigé en dogme" et qui "s'est révélé mortifère pour les économies européennes". Seule une politique de relance permettra selon eux de restaurer des "déficits publics soutenables" et de réaliser "des investissements publics massifs en faveur d'un nouveau mode de développement".

Pour François Hollande, l'annonce que la France aura un déficit supérieur aux 3% du PIB prévus (3,5% selon le FMI) signale donc le début des ennuis. Des gros ennuis. Ceux-ci ne viendront pas forcément d'où l'on croit. Côté Bruxelles, il peut espérer une certaine indulgence: Olli Rehn, le commissaire européen chargé des Affaires économiques, a écrit une lettre aux ministres des Finances de l'UE rendue publique ce mercredi. "Si la croissance se détériore de manière imprévue, un pays peut bénéficier d'un délai pour corriger son déficit excessif, à condition qu'il ait fourni comme convenu les efforts budgétaires demandés", écrit-il. "De telles décisions ont été prises l'an passé pour l'Espagne, le Portugal et la Grèce", a-t-il précisé à une semaine de la publication des nouvelles prévisions économiques de la Commission européenne.

Côté marchés financiers, François Hollande bénéficie aussi d'un certain répit. Les taux d'intérêt sur la dette française à dix ans ont certes remonté un peu depuis le point bas de la fin 2012, mais c'est plus parce que les investisseurs ont allégé leurs achats sur la dette des pays les plus sûrs (Allemagne, France...) pour se reporter vers l'Italie et l'Espagne, que la marque d'une défiance envers notre pays. Toutefois, les agences de notation qui toutes ont placé la dette française sous surveillance négative, pourraient ne pas apprécier et dégrader à nouveau la note du pays. Selon le responsable des notes souveraines de l'une des deux grandes agences de rating américaines, la notation de la France, comme d'ailleurs celle de tous les pays européens très endettés a de toutes façons un risque élevé d'être encore abaissée une voire deux fois au cours des prochaines années, avant d'espérer une stabilisation.

C'est là qu'il faut bien écouter la deuxième partie de la déclaration de Jean-Marc Ayrault: Paris ratera peut-être son objectif des 3% cette année, mais ne compte pas changer de politique économique, malgré les appels de la gauche de la gauche. L'objectif de revenir à l'équilibre des finances publiques fin 2017 reste un horizon indépassable de la politique de François Hollande. Et c'est donc là  que ses ennuis vont vraiment commencer puisque, comme l'écrit la Cour des comptes dans son rapport annuel, personne ne voit encore comment il compte réaliser les 60 milliards d'euros d'économies annoncées pour son mandat. Enfin, ce n'est pas tout à fait juste. Les fonctionnaires, dont le salaire est gelé, les professeurs, à qui il est demandé de travailler une demi-journée de plus sans gagner plus, et enfin les collectivités locales, à qui l'Etat demande un effort d'économie de 4,5 milliards d'euros sur trois ans, commencent à le voir venir. Et d'ailleurs, ils commencent aussi à manifester bruyamment qu'ils ne sont ni contents, ni d'accord avec ces choix. Pour les Français, ce n'est que le début de la rigueur. Retraites, assurance-chômage, assurance-maladie, tous les comptes sont dans le rouge. Et les hausses d'impôts vont commencer à produire leurs effets cette année, en attendant la hausse de la TVA et de la fiscalité énergétique à partir de 2014.

Quand on regarde bien le profil de la croissance française, on constate que la consommation tient encore à peu près le coup, mais que la récession du quatrième trimestre vient essentiellement des variations de stock des entreprises. Et on comprend mieux aussi la forte sensibilité du gouvernement à la hausse de l'euro et au risque de guerre des monnaies. L'essentiel du potentiel de reprise de l'économie repose sur les exportations.