Plans sociaux : de la difficulté de faire reconnaître l'absence de motif économique

Par Jessica Dubois  |   |  684  mots
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De nombreux plans sociaux font l'objet d'un recours devant les tribunaux de grande instance. Objectif des syndicats : contester le motif économique. Les avocats des salariés attendent une loi sur les licenciements boursiers.

L'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois, the Phone House, Sanofi, Conforama,... Nombreux sont les plans sociaux - certains qualifiés de "licenciements boursiers" pour les syndicats - qui se retrouvent devant la justice. Médiatiques, mais pas plus nombreux selon experts et avocats conseillant les salariés. "La plupart des représentants du personnel ne sont pas en mesure de recourir à la justice", remarque Dominique Paucard, du pôle licenciements et restructuration au cabinet Syndex, qui conseille les représentants des salariés.

Un avis que ne partagent pas ceux qui conseillent les entreprises. "Nous sommes en période de crise, on observe une montée des contentieux", estime Me Stephanie Guedes da Costa, avocate spécialisée dans le droit social chez Flichy Grangé Avocats. Pour Michel Ghetti, président de FIE, cabinet de conseil en RH spécialisé dans les restructurations, ces recours augmentent "tout simplement parce qu'il y a plus de plans sociaux". Selon lui, l'autonomisation des syndicats locaux par rapport à leur structure fédérale et les espoirs déçus de la campagne électorale participent à cette augmentation.

"Il faut être soucieux du respect des droits des salariés, mais attention à ce que cela ne se retourne pas contre eux", souligne cependant Michel Ghetti. Il donne notamment l'exemple de Goodyear d'Amiens, dont les plans sociaux ont été censurés plusieurs fois par la justice depuis l'annonce du plan social, en 2007. Aujourd'hui le plan social n'a jamais eu lieu, mais l'usine menace de fermer.

Incompétence sur le motif économique

Pour l'heure il reste difficile d'annuler des PSE (plan de sauvegarde de l'emploi), en amont des licenciements, en invoquant l'absence de motif économique. "Le tribunal de grande instance (TGI) se déclare incompétent", précise Dominique Paucard. Les recours en justice aboutissent plus facilement en cas de non-respect des procédures, ou si le plan social n'est pas suffisant. "Ces actions ont essentiellement pour objectif de retarder l'échéance, voire d'annuler la procédure", constate l'expert.

Fraude, défaut de procédure...

Pour que l'absence de motif économique soit reconnu, le juge doit motiver son jugement autrement. Dans la cas de l'affaire Viveo, le 12 mai 2011, la Cour d'appel de Paris avait constaté qu'il n'y avait pas de motif économique au plan social. "Par conséquent, l'entreprise ne pouvait pas informer et consulter les représentants sur quelque chose qui n'existait pas, la procédure a donc été annulée", explique Dominique Paucard.

Dans la cas de Leader Price, dont le plan social a été annulé par le Tribunal de grande instance de Créteil le 22 mai 2012, le tribunal a annulé la procédure "pour défaut de cause et fraude à la loi", les conditions légales ayant été détournées. La décision se fait donc à la discrétion des juges, par résistance selon les entreprises, par "interprétation du silence de la loi", décrit Me Philippe Brun, qui défendait les salariés de Viveo. Le motif économique peut également être contesté, par le salarié, individuellement, devant les Prud'hommes. Mais ce recours n'a lieu qu'une fois les licenciements déjà opérés.

Une loi sur les licenciements boursiers ?

Me Philippe Brun espère une loi contre les licenciements boursiers "pour qu'il n'y ait plus d'ambiguités". Mais cette promesse de campagne de François Hollande reste lettre morte. Le gouvernement met en avant la loi sur la reprise des sites rentables, une proposition devant être déposée au Parlement à la mi-juin.

Et l'accord sur l'emploi ? Signé par les partenaires sociaux le 11 janvier, passé en conseil des ministres mercredi, il inclut de profonds changements dans le cas de licenciements économiques. "L'administration, via la Direccte (direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi, ndlr) devra valider le PSE", explique Me Stéphanie Guedes da Costa. Le texte n'indique pas si elle pourra se prononcer sur le motif économique. "Le seul accord de sécurisation de l'emploi qui vaille c'est de sauver les emplois qui peuvent l'être", commente Me Philippe Brun.

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