La cour des comptes fustige la dérive des dépenses de police et gendarmerie

Par Ivan Best  |   |  729  mots
Claude Guéant, troisième ministre de l'intérieur de Nicolas Sarkozy Copyright Reuters
Pour 100 euros économisés grâce à la réduction des effectifs de fonctionnaires, Nicolas Sarkozy avait annoncé que 50 euros seraient rendus aux agents, afin d'augmenter les rémunérations. Dans la police, ceux-ci ont récupéré... 217 euros, souligne la Cour des comptes dans un rapport thématique rendu public ce lundi

Destinées à rationaliser l'action publique, et donc à réaliser des économies, les fusions ou rapprochements d'administrations peuvent en fait coûter cher à l'Etat. Cela a été le cas à Bercy, avec la fusion voulue par Nicolas Sarkozy de la direction générale des impôts et de celle de la comptabilité publique, qui a engendré des dépenses supplémentaires pour une raison toute simple: les rémunérations, à grade égal, ont toujours été alignées sur les plus hautes, tandis que des primes étaient distribuées aux fonctionnaires.

Une "succession ininterrompue de mesures catégorielles"
Il en a été de même ou presque avec la police et la gendarmerie, souligne la Cour des comptes, dans un rapport thématique publié ce lundi. Les magistrats ne sont pas tendres avec la place Beauvau, mettant en exergue la forte hausse de la masse salariale: les réformes des statuts ont abouti à ce que les économies liées aux suppressions de postes annoncées soient totalement absorbées, et bien au-delà, par les indemnités et primes versées. Les magistrats l'écrivent sans ambages : « la succession ininterrompue des mesures catégorielles a lourdement déséquilibré l'action conjuguée des facteurs d'évolution de la masse salariale » affirment-ils. « En effet, le coût annuel supplémentaire induit par ces mesures au cours de la période 2008-2011 a été largement supérieur aux économies résultant des réductions d'effectifs, évaluées à 131 millions d'euros dans la police et 148 millions dans la gendarmerie en 2011, dans des proportions qui se sont élevées respectivement à 217 % et 113 % ».

Une monté en  grade généralisée
Autrement dit, pour 100 euros économisés dans la police en raison des suppressions de postes -moins élevées qu'affiché, du reste- ce sont 217 euros qui ont été redistribués sous forme de hausse des rémunérations. Dans la gendarmerie, pour 100 euros d'économies, 113 euros ont été rendus aux gendarmes. La règle édictée par Nicolas Sarkozy voulait que ce soient la moitié des économies qui soient rendues aux agents sous forme de salaires supplémentaires. Pas deux fois les sommes économisées.... Comment cette dérive de la masse salariale a-t-elle été possible ? D'abord par une montée en grade généralisée des fonctionnaires. « De 2004 à 2012, la réforme dite des « corps et carrières » a transformé la répartition des policiers entre les différents corps et grades en réduisant à la base l'effectif des gardiens de la paix, en développant à due concurrence l'encadrement intermédiaire assuré par les gradés (brigadiers, brigadiers-chefs et majors) et en réduisant fortement l'encadrement supérieur (officiers et commissaires) » expliquent les magistrats de la rue Cambon.
« Ainsi, l'effectif des gardiens de la paix a été ramené à une proportion de 57 % du corps des gardiens et gradés (101 300 agents à la fin de 2011) au lieu de 80 % antérieurement. Inversement, celui des brigadiers a été multiplié par 2,4 depuis 2004 tandis que l'effectif des brigadiers-chefs s'est accru de 85 %. ».

+17,7% pour les indemnités, dans la police
Ensuite, les primes ont été généreusement distribuées.  Au cours de la période 2006-2011, les dépenses de rémunération d'activité, ont augmenté de 10,5 % dans la police et de 5,1 % dans la gendarmerie. La différence, souligne la Cour, s'est faite sur les indemnités
qui se sont alourdies de.... 17,7 % dans la police.
Et souvent, un effet d'entraînement se fait sentir : quand les policiers obtiennent un avantage, les gendarmes le réclament immédiatemen, au nom de la « parité ». Un principe critiqué par la Cour : « la recherche de la parité des rémunérations, qui n'était ni un préalable ni une conséquence nécessaire du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, peut même avoir des effets pervers si elle est invoquée, comme cela s'est déjà produit plusieurs fois, pour justifier de nouvelles mesures catégorielles. Ainsi, quand l'indemnité pour sujétions spéciales de police a été revalorisée fortement, en 2009 (+24 % à +26 %) par la direction générale de la police, la gendarmerie a suivi sans délai ou presque....

Une "pause" suggérée

« Pour l'avenir» suggère la Cour, « compte tenu de l'arrêt annoncé des suppressions d'emplois, une pause salariale paraît devoir s'imposer, notamment par la limitation étroite des nouvelles mesures catégorielles ».
Ceci est poliment dit, mais fermement....